Perché à une dizaine de mètres du sol sur un énorme pin dans la forêt de Spala, à une centaine de kilomètres au sud de Varsovie, Tomasz Dzierzanowski enlève délicatement la botte d'herbes séchés qui recouvre l'entrée du trou abritant le nid d'abeilles qui y est installé.
Après avoir enfumé le trou, il découpe délicatement, à l'aide d'une spatule en bois, des rayons verticaux de miel. Il les place dans un récipient en bois. Le miel, sombre et brillant, lui coule sur les doigts.
En bas de l'arbre, il arrache quelques alvéoles de cire et goûte au miel. Celui-ci est puissant et profond. Comme il y a des siècles.
"Autrefois, il y avait en Pologne des milliers de nids d'abeilles dans les forêts, des dizaines de milliers", explique M. Dzierzanowski, employé de la Direction régionale de l'environnement et apiculteur. "Pour l'instant, nous en avons installé une vingtaine".
La récolte de miel dans les forêts était pratiquée en Pologne jusqu'à la fin du 19e siècle, avant de disparaître totalement à cause principalement de la baisse du prix due à l'apparition de l'apiculture moderne et à la déforestation.
Oubliée, elle commence à revivre grâce à une organisation écologique internationale, 2 parc nationaux, un petit groupe de passionnés polonais et des apiculteurs... de Bachkirie, république autonome russe dans l'Oural.
"Nous avons constaté que l'on cueillait encore du miel dans les arbres en Bachkirie", déclare Przemyslaw Nawrocki, directeur du projet à l'organisation World Wide Fund for Nature (WWF).
"Nous sommes entrés en contact avec les apiculteurs bachkirs qui nous ont accueillis sur place et enseigné patiemment tout leur art. L'année dernière, ils sont venus installer en Pologne les premières ruches", ajoute-t-il.
Les apiculteurs polonais ont aussi fait des recherches dans les musées, pour étudier les anciennes méthodes de récolte de miel sauvage. Ils y ont découvert des outils qu'ils ont par la suite reconstitués avec précision.
Après avoir trouvé un arbre suffisamment grand, l'apiculteur découpe dans le tronc un espace où il installe un fragment d'un vieux rayon de miel pour appâter un essaim d'abeilles.
Par la suite, il n'ouvre le nid que 2 fois par an : au printemps pour le nettoyer et voir comment les abeilles ont survécu à l'hiver, et en automne pour récolter le miel.
"D'après les textes historiques, on recueillait autrefois entre 6 et 10 kilogrammes de miel dans un arbre. Pour nous, 3 kilogrammes c'est un maximum. Ce n'est que la deuxième année de récolte, il faut encore attendre un peu", explique M. Dzierzanowski.
"Le miel cueilli dans les arbres est bien meilleur que d'autres miels, car il contient 7 fois plus de micro-éléments", affirme M. Nawrocki. Mais surtout, il est 100% écologique. Les nids sont installés dans les forêts, loin des champs agricoles où l'on utilise les engrais chimiques.
Traditionnellement, il se mange mélangé aux restes de cire et de pollen.
Le retour de l'apiculture dans les forêts doit également servir à reconstituer leur ancien écosystème.
"Dans le passé, les abeilles faisaient partie intégrante des forêts, elles participaient à leur biodiversité", explique M. Nawrocki. L'installation de nids dans les vieux arbres, tels que les chênes ou les pins, les protégera de l'abattage.
Pour l'instant, les quantités de miel récolté restent symboliques. Mais les passionnés rêvent d'en arriver à un millier de nids à travers la Pologne. Et ils espèrent à terme enregistrer ce miel auprès de l'Union européenne comme produit régional.
AFP/VNA/CVN