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Quatorze candidats se présentent, dont la première femme à briguer la fonction suprême. Mais deux seulement ont de réelles chances: le sortant Goodluck Jonathan et l'ex-général Muhammadu Buhari, qui fut à la tête d'une junte militaire dans les années 1980.
Des affiches appelant à voter pour la réélection du président Goodluck Jonathan, le 21 mars 2015 à Lagos. |
Le scrutin s'annonce serré: M. Jonathan, très critiqué ces derniers mois pour son incapacité à juguler les violences de Boko Haram, affrontant un opposant populaire, notamment dans le Nord musulman où sévissent les insurgés.
Le chef de la commission électorale, Attahiru Jega, répète à l'envi que "tout ce qui est humainement possible" a été fait pour garantir une élection crédible.
Le report de la présidentielle, initialement prévue le 14 février, a secoué la première économie et plus grosse productrice de pétrole d'Afrique, déjà plombée par la chute du prix de l'or noir.
Vendredi le 20 mars, l'agence Standard and Poor's a encore dégradé la note du Nigeria, le plaçant dans la catégorie des emprunts spéculatifs pour trois raisons: pétrole, instabilité politique et Boko Haram.
Inquiétudes sécuritaires
La sécurisation du scrutin est une inquiétude majeure, alors même que l'insécurité avait été invoquée pour le report du vote. Depuis, les militaires nigérians, soutenus par les armées de pays voisins, Tchad en tête, ont fait état de nombreux succès sur le terrain, au point que le gouvernement claironne la fin prochaine de Boko Haram, après six années de conflit qui ont fait au moins 13.000 morts.
De nombreux observateurs battent en brèche cet optimisme, estimant que les insurgés, désormais alliés au groupe jihadiste État islamique (EI), vont revenir à des stratégies de guérilla.
Et pour Nnamdi Obasi, expert du centre de réflexion International Crisis Group (ICG), Boko Haram est toujours capable de perturber les élections. "Ses combattants ne sont peut-être pas capables de prendre de nouveaux territoires mais ils peuvent certainement envoyer de nouveaux kamikazes dans des lieux publics, dont des bureaux de vote", explique-t-il.
"Dans de nombreuses zones de l'État de Borno", berceau historique de Boko Haram, "la situation sécuritaire est toujours précaire et les déplacés" ne pourront "participer au vote", tandis qu'"ailleurs dans la région, les élections auront lieu, mais dans une atmosphère d'inquiétude et d'insécurité".
Des violences à caractère politique, fréquentes lors des élections nigérianes, sont également redoutées. La présidentielle de 2011 avait par exemple coûté la vie à un millier de Nigérians. Une soixantaine de morts ont déjà été signalés en décembre et janvier.
Les Nations unies ont prévenu qu'elles pointeraient "les responsabilités de quiconque choisira de contester les résultats électoraux par la violence".
Vote biométrique
Quelque 68,8 millions de Nigérians, sur les 173 millions d'habitants, sont enregistrés sur les listes électorales pour la présidentielle, ainsi que les législatives et les sénatoriales organisées simultanément. D'autres élections suivront le 11 avril, qui désigneront les gouverneurs des États de la Fédération nigériane et les parlements locaux.
Les préparatifs de la commission électorale se sont déroulés sous haute pression. Le Parti démocratique populaire (PDP), au pouvoir, a ainsi critiqué le trop faible nombre de cartes d'électeurs distribuées et le recours à une nouvelle technique biométrique pour le vote.
De son côté, le Congrès progressiste (APC) de Muhammadu Buhari accuse le gouvernement de manoeuvrer pour revenir au traditionnel vote papier, qui selon lui facilitait le bourrage des urnes. Le patron de la commission électorale avait indiqué lundi que 67,8 millions de cartes d'électeurs, représentant 98,5% des électeurs listés, avaient été produites (contre 66,5% début février), mais que seulement 81% des électeurs les avaient reçues.
Un nouveau report de la présidentielle est en tout cas exclu: la cérémonie de passation de pouvoir a déjà été fixée au 29 mai. L'opposition a prévenu que les résultats seraient peu crédibles si les millions de déplacés du Nord ne peuvent pas voter. M. Jega a assuré lundi 16 mars que des dispositions ont été prises pour que le scrutin puisse se tenir dans ou autour des camps de déplacés de la région.