COVID
En Afrique du Sud, on sauve les légumes abîmés pour apaiser la faim

Au menu aujourd'hui, gruau de maïs et légumes sauvés de la décharge. Dans ce quartier pauvre de Johannesburg, les tonnes d'invendus, qui finissent chaque année à la poubelle, remplissent les bouches affamées de ceux qui ont les poches vides.

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Repas à base d'invendus dans une maison de retraite de Johannesburg, le 17 février.

Dlomo Nomaqhawe, 39 ans, engloutit son assiette. La pandémie de COVID-19 en Afrique du Sud lui a coûté son travail et, coup du sort, un incendie a ensuite réduit sa maison en cendres.
Elle compte désormais sur les repas tirés en partie de la récupération des invendus du plus grand marché de produits frais du pays, préparés par le centre commnunautaire du quartier.
En Afrique du Sud, la pauvreté a été aggravée par la pandémie de COVID-19. Pourtant, dans ce pays où plus de onze millions de personnes restent chaque soir la faim au ventre, un tiers de la nourriture produite est jetée, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). Soit dix millions de tonnes de déchets.
"Les gens jettent de la nourriture dont on pourrait se servir", s'indigne la directrice du centre, Khetiwe Mkhalithi.

À l'heure du déjeuner, des grappes d'hommes et de femmes parfois accompagnées de bébés, viennent chercher un repas gratuit. Jusqu'à 1.500 personnes par jour depuis la pandémie.
"La plupart ont perdu leur emploi", raconte Mme Mkhalithi. "Ils n'ont rien à ramener chez eux".
Selon une enquête, 47% des ménages sud-africains n'avaient plus de quoi s'acheter à manger en avril, premier mois du confinement. Plus de deux millions de personnes ont basculé dans l'insécurité alimentaire depuis le début de la crise sanitaire, estime l'ONG Oxfam.
"Les conséquences économiques sont retombées sur les plus pauvres", explique Tracy Ledger, chercheuse sur la sécurité alimentaire en Afrique du Sud.
"Sauveurs de légumes"
Les associations plaident depuis longtemps pour que la loi change en Afrique du Sud. Légalement, la personne qui produit un aliment est responsable de ce qu'il en advient et les élans de générosité sont souvent freinés par la crainte d'une amende pour avoir donné des denrées "impropres à la consommation".
"Beaucoup d'agriculteurs, de revendeurs et d'hôtels ne veulent pas donner leurs surplus par crainte des litiges", explique Hanneke Van Linge, fondatrice du groupe sud-africain de sauvetage alimentaire Nosh.

Réception d'une cargaison de choux invendus sur un marché de Johannesburg, le 17 février.

Mais peu à peu, avec les ravages sur l'économie engendrés par le COVID, cet état de fait évolue.
Dans un coin de l'immense marché de City Deep à Johannesburg, une odeur de pourriture flotte au-dessus de 500 sacs de choux brunis, mis à l'écart par les patrouilles d'inspecteurs de la sécurité sanitaire des aliments.
Affairés, les bénévoles de Nosh tâchent de rester discrets.
"Retirons les feuilles pourries avant de charger", souffle Mme Van Linge. "S'il y a des feuilles de chou qui volent partout, ça ne fera qu'attirer l'attention."
Après avoir convaincu le vendeur de faire don du lot, la militante a monté une petite équipe pour sortir en catimini la marchandise avant l'intervention de la garde sanitaire.
Plus tard, ils iront sauver des patates douces dont la date limite de consommation est dépassée.
Un peu plus loin, des machines écrasent des caisses d'avocats abîmés et de tomates molles. Le tout sera mis dans un camion, direction la décharge.
"Je ne peux pas regarder", s'écrie Hanneke Van Linge.
Nosh a réussi à récupérer 880 tonnes de produits ces dix derniers mois, quatre fois plus qu'en 2019.
Dans un entrepôt pas loin, les choux à la gueule cassée sont lavés, triés, brossés, par des cuisiniers bénévoles. Sous les feuilles pourries, la chair est encore ferme et blanche.
"Les gens ne savent pas qu'ils peuvent sauver ces légumes pour les servir à quelqu'un", regrette Jane Gqozo, 43 ans, une ancienne employée de restaurant désormais bénévole.

AFP/VNA/CVN

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