E-commerce : hésitations de part et d'autre

Au dire de spécialistes, l'e-commerce sera la forme que privilégieront de nombreuses entreprises dans la difficile conjoncture économique actuelle. Son avantage est qu'elle leur permettra de réduire le coût des produits tout en garantissant l'efficacité économique.

Il y a 5 ans, le commerce électronique (ou l'e-commerce) était un terme assez étrange pour les entreprises vietnamiennes. Avec la généralisation de l'ordinateur et de l'internet au sein de la société, plusieurs changements positifs ont été observés en la matière. En 2008, on comptait au total 6 millions d'abonnés à internet, soit 19,5 millions d'utilisateurs (environ 23% de la population). D'après les statistiques d'Internet World Stats (page web internationale qui propose des données actualisées sur l'utilisation d'internet dans le monde), le Vietnam se place au 6e rang asiatique et occupe la 2e position du Sud-Est asiatique en nombre d'utilisateurs d'internet.

Selon un sondage du ministère du Commerce mené récemment chez plus de 1.600 entreprises du pays, cent pour cent disposent d'ordinateurs, 99% sont équipés de connexion à internet, 45% possèdent leur propre page web, 12% participent au marché électronique, parmi lesquelles 70% ont réussi à obtenir des contrats. L'investissement réservé à l'e-commerce représente 46% des frais informatiques ; 88% des entreprises acceptent les commandes en ligne. Du côté des consommateurs, 65% recherchent des informations sur la Toile avant de procéder aux achats.

Trân Huu Linh, chef adjoint du Département du commerce électronique et de la technologie de l'information (ministère de l'Industrie et du Commerce), est persuadé que l'application de l'e-commerce est la solution optimale dans cette conjoncture concurrentielle. Elle évite en effet aux entreprises de perdre du temps dans la présentation de leurs produits et de leurs services, ce que les clients peuvent trouver facilement sur la page web de l'entreprise. Au Vietnam, du fait que la plupart des entreprises sont de petite taille, avec des clients détaillants, l'organisation d'un programme de promotion des produits s'avère très coûteuse, sans garantir pour autant davantage d'efficacité que l'e-commerce.

À la fin 2008, la Banque d'État du Vietnam a officiellement mis en exploitation un système de paiement électronique interbancaire (2e phase), qui est en mesure de traiter 2 millions de transactions par jour.

Actuellement, on compte au Vietnam environ 28 banques à avoir déployé le système de cartes de commutation au niveau national et celles-ci peuvent donc partager ensemble le réseau de distributeurs automatiques de billets. De nombreuses entreprises de services dont Telco, Game online, FPT Telecom, Vietnam Airlines, Jetstar Pacific Airlines... appliquent des paiements électroniques. Sans oublier les fournisseurs de services intermédiaires qui, pour élargir leurs parts de marché, ont aussi renforcé les outils de paiement en ligne par le biais du porte-monnaie électronique.

Des barrières à lever

Le commerce électronique au Vietnam, si développé soit-il, n'est toujours pas à la hauteur de son potentiel. En 2008, 75% des entreprises du pays ont connu un chiffre d'affaires issu de l'e-commerce représentant plus de 5% des recettes totales.

Différents facteurs ont été précisés qui empêchent le développement de l'e-commerce du pays. Primo, c'est l'habitude "tant tenu, tant payé" des Vietnamiens, quelque peu en contradiction avec le commerce électronique basé sur la confiance. En fait, les acheteurs et vendeurs sont inquiets des risques liés à ce modèle. Si les premiers se soucient de la qualité de la marchandise, de leur côté, les seconds craignent que les acheteurs changent d'avis après l'envoi. "Normalement, je demande aux clients de transférer par avance 70% à 100% de la valeur de la commande avant l'envoi", confie Nguyên Quôc Thinh, propriétaire d'un site de commerce sur internet. Les achats en ligne dépendent beaucoup des intermédiaires. Pour se rassurer, les acheteurs ont en effet tendance à confier à un intermédiaire fiable le contrôle et la réception de leur marchandise.

Selon Nguyên Tú Anh, directeur général de la société par actions Smartlink, il faudrait changer la conscience ainsi que les habitudes des consommateurs et des entreprises en matière de commerce électronique. Les réseaux de distribution des entreprises devraient également s'améliorer afin de mieux se rapprocher de leurs clients tout en réduisant les coûts de transport.

Secundo, la réglementation relative au commerce électronique n'est toujours pas complète. À la fin de 2005, le Vietnam a promulgué la Loi sur les transactions électroniques. Cependant, comme les termes de cette loi restent, selon les spécialistes, relativement généraux, elle ne peut être appliquée de manière efficace dans la pratique. La Loi sur l'e-commerce ne dispose pas non plus de dispositions permettant de protéger les consommateurs et d'assurer leurs droits.

Tertio, la corrélation entre les banques et les entreprises par le biais des pages web commerciales est encore limitée. Il arrive de passer des commandes en ligne mais ensuite de payer en espèces. "L'e-commerce devrait être indissociable du virement électronique", remarque Trân Huu Linh. Actuellement, seulement 13-14% des paiements se font par le biais des méthodes modernes (carte de crédit, paiement en ligne), le reste se fait en espèces ou par la poste.

Questions de sécurité et de cryptage

Luong Van Tu, président de l'Association du commerce électronique, en analysant les causes du faible développement des paiements électroniques au Vietnam, a mentionné le manque de dossier modèle de justificatifs électroniques. Les entreprises vendeuses en ont besoin pour faire ensuite le bilan avec les services fiscaux. De plus, les documents juridiques de l'État sur l'e-commerce sont incomplets, ce qui constitue un obstacle majeur à l'implication des individus et des organisations dans ce genre de transactions. Pour conclure, M. Tu souligne que, afin de promouvoir l'e-commerce au Vietnam, le ministère des Finances devrait tout d'abord mettre sur pied le dossier modèle de justificatifs électroniques ; les pages web des entreprises devraient quant à elles proposer des solutions d'achat et de vente de haute sécurité, accompagnées des services appropriés. Ce n'est pas viser une forme d'achat "subliminale", mais créer un cadre convivial et pratique pour les consommateurs. À ce propos, des prix concurrentiels sont un des facteurs qui incitent les gens à se tourner vers l'achat en ligne.

Enfin, les questions de sécurité et de cryptage font aussi obstacle au développement de l'e-commerce. Certaines entreprises qui commercialisent des produits à haute valeur intellectuelle hésitent souvent à mettre en ligne des produits-échantillons avec photos et informations détaillées. Car en attirant l'attention de clients potentiels, ils risquent également d'être copiés par des concurrents.

Minh Phuong/CVN

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