Direction, la mer

Le Vietnamien découvre la civilisation des loisirs. Ce n’est pas tout de le dire, il faut le voir pour comprendre combien cet engouement pour le tourisme intérieur, comme on dit ici, conduit à des comportements parfois bien étranges, mais ô combien touchants dans leur spontanéité néophyte...

J’ai lu quelque part qu’au Vietnam, en particulier, «tout jugement hâtif est forcément encombré de présupposés occidentaux souvent anachroniques. La réalité est toujours très complexe ; souvent non dite, elle invite à la prudence et à l’humilité». C’est donc avec un enthousiasme prudent et humble que j’ai accepté l’invitation de mon associé et de mon chauffeur préférés. Tous deux, profitant de cette période de vacances scolaires des enfants, m’ont proposé d’aller faire du tourisme à Cua Lo, dans la province de Nghê An (Centre).

Vue sur mer ! 

À environ sept heures de voiture de Hanoi, ou à quelque 45 minutes d’avion, cette station balnéaire est en quelque sorte la Riviera des Hanoiens. Une bonne occasion pour moi de faire ce que je préfère le plus : me mêler totalement à la population vietnamienne, loin du tourisme de masse international...

Pas d’inquiétude

Voici pourquoi je suis assis au fond d’un minibus qui transporte allègrement 7 enfants et 6 adultes de 3 à 77 ans, et 4 paniers emplis de provisions de 2 à 5 kg. Plus les bagages évidemment...

En quittant Hanoi, le ciel nous a offerts son visage des mauvais jours : nuages sombres et pluie persistante. De quoi m’inquiéter et me pousser à poser l’inévitable question de l’Occidental qui part en vacances : «Et s’il pleut comme ça là-bas, on fait quoi ?». Échange de regards amusés entre Vietnamiens, et réponse en retour : «Il ne pleuvra pas !». Autant pour moi, je n’avais qu’à rester prudent et humble dans mes perspectives météorologiques... Et d’ailleurs, l’avenir donnera raison à mes interlocuteurs, puisque, après avoir surmonté l’épreuve des trous sur la route, des mufles de bus qui viennent frôler notre calandre, des motos qui zigzaguent dans tous les sens, nous arrivons à Cua Lo sous un ciel bleu comme une layette de nouveau-né.

Ce que j’ignorais, c’est qu’aucune chambre d’hôtel n’avait été réservée. En France, 13 personnes et 4 paniers de provisions qui partent en vacances, c’est une préparation de plusieurs jours en amont pour se garantir un lieu d’hébergement. Ici, c’est une improvisation à l’arrivée !

Il est vrai que la décision de partir avait été prise la veille au soir, et que je n’avais eu que le temps de fourrer quelques hardes dans mon sac de voyage sous le regard désabusé de mon épouse et de ma fille qui, exceptionnellement, ne font pas partie du voyage (une grand-mère maternelle venue voir sa petite-fille à Hanoi).

Je laisse les mauvaises langues penser que j’ai sauté sur le prétexte pour fuir ma belle-mère, et je reviens à Cua Lo où, après avoir erré d’hôtel en hôtel, nous réussissons à en trouver un qui réponde aux critères suivants : vue sur mer, pas trop cher, avec suffisamment de chambres disponibles pour accueillir 7 enfants, 6 adultes et 4 paniers de provisions... C’est l’hôtel Sea and Sun qui décroche la timbale et qui m’offre le plaisir d’une chambre avec vue sur le couloir, alors que le reste de l’équipe se répartit dans des chambres au dernier étage, avec balcon sur la mer. Je pourrais protester, crier à la discrimination ethnique, retourner chez ma mère... Ce serait faire preuve de «présupposé anachronique».

En effet, j’apprendrai par la suite que mon cher ami Tuân, comme je l’avais exigé, avait demandé à ce que je dispose d’un bureau pour pouvoir être confortablement installé si je voulais utiliser mon ordinateur. La vue ou le bureau, il fallait choisir... C’est d’ailleurs de ce bureau que je commence à rédiger pour vous cette tranche de vie. Vite interrompu par des coups frappés à la porte : «Oncle, oncle, il faut aller à la mer !».

Sans gene

À peine le temps de plier bagage, et je suis littéralement happé par sept paires de mains, impatientes de jouer avec l’eau et le sable. Dans le hall de l’hôtel, nous rejoignons une horde de familles, toutes aussi avides de profiter des joies de la mer, et c’est en cortège que nous nous dirigeons vers la plage, à une centaine de mètres devant nous.

Mer en vue !

J’ai beau en avoir l’habitude et ne plus m’en offusquer, je suis toujours étonné de susciter autant d’intérêt autour de moi quand je suis le seul étranger à plusieurs kilomètres à la ronde. Je ne compte plus le nombre de «Ông Tây, ông Tây» (Occidental, Occidental) que les enfants, qui me croisent, me lancent. Et si je réponds en vietnamien, alors ce sont les parents qui prennent la relève, tous ébahis que je parle leur langue, et commence la litanie de questions : «Depuis combien de temps êtes-vous au Vietnam ? Êtes-vous marié ? Combien avez-vous d’enfants ? Que faites-vous ?». Et j’en passe et des meilleures !

Aujourd’hui, sur ce petit chemin qui nous conduit à la plage, je suis un peu inquiet : le groupe du départ est devenu une véritable marche populaire organisée autour de l’étranger. On se presse, on se bouscule, on veut me toucher. Je suis une star et je n’ai même pas de gardes du corps. À vrai dire, mes amis font quand même rempart, en répondant aux questions à ma place, et les enfants qui m’entourent tiennent à distance les curieux les plus hardis...

Enfin la plage ! L’attraction de la mer étant supérieure à la mienne, tout le monde s’égaye et le risque d’émeute se dissout comme sel dans l’eau. Notre tribu part à la recherche des inévitables chaises longues, sans lesquelles tout bain de mer est impossible.

En effet, inutile de chercher sur la plage des serviettes étalées sur le sable, à l’ombre d’ombrelle piqué dans le sol ! Ici, on ne pose pas ses fesses dans le sable, on les installe sur des transats de bois ou de mousse, loués à l’heure, sous d’immenses parasols de bambous et feuilles de palmes...

Restons prudents et humbles : Comme le loueur veille sur ces chaises avec l’attention du berger sur son troupeau, cela a le mérite de disposer d’un endroit où laisser ces affaires en toute sécurité, tandis que tous peuvent se la couler douce dans les vagues...

D’ailleurs, c’est ce que je vais faire, en attendant de vous retrouver pour la suite de mes vacances à Cua Lo, la semaine prochaine... avec étonnements à la clef !

Texte et photos : Gérard Bonnafont/CVN

 

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