Spirituel et virtuel font-ils bon ménage ?

Voici une pagode moderne, architecturalement réussie et ouverte à tout un chacun. Sa particularité ne tient que dans un détail, et non des moindres : la visite est virtuelle, de même que les encens et les prières. Un clic suffit pour se recueillir auprès de ses ancêtres.

Les Vietnamiens, qu’ils soient jeunes, vieux, pratiquants ou non, ont pris l’habitude se rendre à la pagode pour les premiers jours du Nouvel An lunaire et les 1er et 15e jours de chaque mois lunaire. Ce rituel culturel et cultuel immuable a une forte valeur symbolique dans la vie spirituelle des habitants. Et ce pour mille et une raisons. Ils sont bouddhistes, bien sûr. Mais ils y commémorent également la mémoire de leurs ancêtres, ils prient pour le bonheur, la prospérité et la paix de leurs proches ou pour trouver la quiétude de l’esprit. Le pays ne manque pas de pagodes mais certains fidèles ne trouvent pas le temps de s’y rendre régulièrement, et notamment les fonctionnaires.

La page d’accueil du site chuaonline.com. 

Chaque jour, les sites web tuvien.com et chuaonline.com enregistrent un nombre non négligeable d’internautes, et les connexions vont en augmentant. De manière peut-être surprenante pour certains et compréhensible pour d’autres, ces visiteurs ont trouvé là de quoi de combler un manquement : une pagode en ligne avec une conception et une architecture en qualité haute définition. Les adeptes peuvent la visiter, brûler de l’encens et faire des prières... Le tout en quelques clics, dans une ambiance quelque peu factice. C’est peu de le dire. Toutefois, les photos présentées ont été choisies avec soin et sont d’une qualité irréprochable, dans le but de rendre le décor plus réaliste.

Entre le réel et le virtuel

Lorsqu’il arrive sur la page d’accueil, le pieux est face à sept statues géantes de Bouddha. Les six vues suivantes l’emmènent vers différents autels de cultes. Par la suite, s’il souhaite allumer un bâton d’encens pour ses aïeux, il lui suffit de cliquer sur le mot thap huong (brûler des encens) inscrit en bas à gauche de chaque fenêtre. Immédiatement, l’internaute a le grand privilège d’apercevoir la fumée, comme s’il y était. Pour compléter le tableau, le site diffuse également des sons de cloche, des chants bouddhiques et des prières.

Les photos sont d’une qualité irréprochable, dans le but de rendre le décor plus réaliste.

D’après le bonze Thich Thanh Nguyên, gérant de la pagode de Linh Ung (Hanoi), «je crois que ce lieu de culte virtuel est une bonne alternative pour ceux qui n’ont pas le temps de se déplacer. Ce modèle leur permet, quoi qu’il arrive, de rester fidèle à Bouddha». Et d’ajouter : «C’est également un bon moyen de répandre la bonne parole».

Un choix assume

De son côté, Thu Hang est programmatrice dans une société de logiciels à Hanoi. «Mon travail est très prenant. Je quitte mon bureau à 07h00 le soir. Pour les 1er et 15e jours du mois lunaire, j’essaie de me libérer mais ce n’est pas toujours facile. Pourtant je suis croyante. J’ai trouvé cette solution pour me déculpabiliser», confie-t-elle. Thu Hang n’est pas la première de son entreprise à choisir cette forme de prière «à distance». «C’est ma responsable qui m’a fait connaître ce site. En fait, de nombreux employés s’y sont mis et certains sont accros», affirme-t-elle.

Questionnés sur la crédibilité de cette forme, plusieurs adeptes bouddhistes arguent qu’Internet ne rime pas nécessairement avec virtuel, et qu’ils ont confiance en ce site parce qu’il est placé sous la tutelle de l’Église bouddhique du Vietnam. «C’est très pratique. Adieu les bousculades aux 1er et 15e jours du mois lunaire. Non seulement c’est désagréable, mais les pickpockets en profitent parfois pour enrichir leurs butins», indique Minh Anh, journaliste, qui assume pleinement son choix.

Linh Thao/CVN

 

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