Difficulté : l'Espagne, championne du monde de l'huile d'olive, face aux prix en chute

Les vallées andalouses gorgées de soleil ont beau faire de l'Espagne le premier producteur mondial d'huile d'olive, depuis quelques années, les agriculteurs font grise mine face à une chute des prix qu'ils ne parviennent pas à enrayer.

Dans le village de Jimena, entouré de collines d'oliviers, Manuel Alfonso Torres Gonzalez, gérant de la fabrique familiale "La Purisima", née en 1893, fait les comptes : "le prix de gros moyen du kilo d'huile d'olive est de 1,80 euro, il y a quatre ans il était à 2,60 euros".

"Les coûts de production moyens de l'oliveraie traditionnelle, la plus présente en Espagne, sont de 2,40 euros, nous sommes donc à des pertes de 60 centimes par kilo, c'est terrible", complète José Maria Penco, ingénieur à l'Association espagnole des villes productrices d'huile.

À cette époque de l'année, la récolte des olives dans la région, qui fournit 80% de l'huile espagnole, est déjà terminée. Désormais de minuscules points verdâtres ornent les branches de ces arbres, parfois centenaires, laissant deviner la prochaine cueillette prévue en octobre.

Un "or vert" dont la consommation est en plein essor, générant ces dernières années une frénésie bien éloignée de la bulle immobilière qui enflammait le reste du pays : "ici, au lieu de construire des maisons, on a planté des arbres", résume d'un sourire Enrique Delgado, secrétaire général de la Fédération espagnole des fabricants d'huile.

Le pays fournit 50% de l'huile d'olive mondiale, un point fort dans ses exportations.

"Il y a dix ans l'Espagne produisait 700.000 tonnes par an, aujourd'hui 1,44 million" dont 800.000 partent à l'étranger, raconte M. Torres.

L'activité fait vivre 200.000 producteurs et 300 villages, donc "la baisse de prix a de grandes conséquences sur l'économie andalouse, surtout compte tenu du haut niveau de chômage dans la région", presque 30%, souligne Manuel Parras Rosa, recteur de l'université de Jaén.

Le secteur compte "1.700 producteurs et seulement cinq distributeurs", note M. Penco, créant "un très grand déséquilibre qui pousse les prix à la baisse".

Comme c'est un ingrédient sacré de la cuisine nationale, "pour attirer le client la grande distribution l'utilise comme produit d'appel", imposant des tarifs toujours moindres, un phénomène accentué en temps de crise.

Cette crise dont l'Espagne peine à sortir touche aussi directement les producteurs : "ils me confient leurs olives pour que je presse l'huile et me demandent de la stocker en attendant que les prix remontent", raconte M. Torres, en montrant ses énormes cuves en inox.

"Mais quand ils doivent rembourser leurs prêts, ils m'appellent et veulent que tout soit vendu en 24 heures": les banques refusant d'accorder des délais ou de nouveaux crédits, les producteurs n'ont plus d'autre choix que de céder leur huile à bas prix pour se financer.

Pour mieux résister, il faudrait "concentrer l'offre dans de grandes coopératives", plaide Rafael Sanchez de Puerta, président de la Fédération andalouse de coopératives agricoles. "Nous y travaillons mais c'est très lent".

M. Torres, lui, voit la solution dans ses jeunes oliviers : rapprochés les uns des autres pour augmenter la production, ils sont plantés de manière à s'adapter parfaitement à la récolte par machines.

"Il est très important pour être compétitif de baisser les coûts", dit-il, iPad en main, combinant son travail d'agriculteur avec l'écriture d'une thèse sur la viabilité économique de l'huile.

Ce système intensif, déjà adopté par des pays concurrents comme le Chili, le Maroc ou l'Australie mais par seulement 25% du secteur espagnol, "produit de l'huile à 1,50-1,60 euro le kilo", assure M. Penco, donc "même avec des prix aussi bas, oui il est rentable".

AFP/VNA/CVN

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