Des Japonais au pays du foie gras et de la poularde de Bresse

Ils sont chef de cuisine, fromager ou pâtissier et mettent chaque jour en valeur la gastronomie française.

Signe particulier, ils sont Japonais et de plus en plus nombreux à délaisser les sushis et tempuras japonaises pour s’installer au pays du foie gras et de la poularde de Bresse qu’ils se sont appropriés avec délectation.

Dans la boutique des fromages de Mme Hisada à Paris.

Ils inventent «une cuisine française avec l’accent japonais», selon l’expression de Joël Robuchon, chef multiétoilé et fin connaisseur de l’Empire du soleil levant. «Beaucoup de Japonais viennent en France pour créer des maisons en amenant leur personnalité».

Pour la première fois cette année, le guide Paris Nippon du Petit Futé relève ce «phénomène récent qui se développe de plus en plus dans la capitale».

À l’image de Shinishi Sato, du Passage 53, deux étoiles Michelin au compteur : le chef n’a pas son pareil pour préparer les langoustines, la sole, la volaille de Bresse ou le pigeonneau.

Le phénomène n’est pas que parisien. À Nice, sur la Côte d’Azur, Keisuke Matsushima affiche une étoile Michelin. À Fontainebleau, au Sud de Paris, Kunihisa Goto (L’Axel) a été élevé au rang de «grand de demain» dans l’édition 2013 du Gault Millau.

Ce chef de 36 ans, passé par un restaurant gastronomique à Tokyo, a fini par débarquer en France en 2001, parce qu’il «voulait voir vraiment et de près la cuisine française», a-t-il expliqué.

Passionné par les produits français comme «la truffe et le foie gras», il décide de venir parce qu’«en France on maîtrise les cuissons, viandes ou poissons», affirme M. Goto qui «rêve» d’accrocher des étoiles.

Le pâtissier Sadaharu Aoki, arrivé en France en 1991, est devenu l’égal des plus grands avec ses réinterprétations des gâteaux français, des éclairs à la traditionnelle bûche de Noël.

Maroilles au whisky japonais

Les Japonais ont tendance à préférer des fromages de longue conservation.

Même les fromages sont tombés dans le bento japonais par le biais d’une femme maître fromager, Sanae Hisada, qui partage son temps entre la France et le Japon.

Elle a ouvert sa première boutique parisienne en 2004, parce que, dans son pays, «j’avais beau proposer de véritables fromages affinés à déguster le jour même, les clients japonais avaient tendance à préférer les fromages de longue conservation», explique-t-elle dans un mail. Au nombre de ses créations, du Maroilles affiné au whisky japonais.

Pourquoi un tel rapprochement entre les deux cultures ? Pour Mme Hisada comme pour Joël Robuchon, «les deux cuisines sont portées sur la sensibilité».

«Aux quatre sens de base en France - sucré, salé, acide et amer - le Japon en ajoute un cinquième, l’umami» (ndlr: savoureux), explique le chef français qui concoctait encore mi-novembre dans un de ses Ateliers à Paris un dîner avec «son ami de 25 ans» Hirohisa Koyama pour un échange croisé culinaire de haut vol.

Pour M. Koyama, les deux gastronomies «ont trouvé un point d’équilibre» au fil des ans car «la haute cuisine française tend (de plus en plus) vers l’essentiel, alors que la cuisine japonaise ajoute des produits qu’elle n’employait pas avant», explique-t-il.

«Les Français ont appris à utiliser la sauce soja, le wasabi etc., tandis qu’au Japon, c’est devenu courant d’utiliser le foie gras», ajoute Hirohisa Koyama, 63 ans, ambassadeur de la cuisine japonaise qui, pour sa part, n’a jamais pensé s’installer en France.

Les échanges entre chefs nippons et français ont commencé dans les années 60. À cette époque, explique Joël Robuchon, «les Japonais ont commencé à venir dans les cuisines des grands restaurants français pour apprendre, puis ils sont repartis chez eux, ont monté des restaurants français au Japon» où ils sont nombreux à présent.

Pour Mme Hisida, comme pour Joël Robuchon, la «nouvelle cuisine» du début des années 70 en France prônant l’allégement des plats, des cuissons plus courtes et de l’esthétique ont tout à voir avec l’influence du Japon. Pour la fromagère, «elle est née du mélange du meilleur des deux pays».L’échange de chefs a été «le détonateur de la nouvelle cuisine, une libération complète», résume M. Robuchon.

AFP/VNA/CVN

 

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