Des chrysanthèmes japonais à Versailles, des jardins à la française à Tokyo

Cultivés dans un immense espace vert au cœur la capitale nippone, deux énormes ozukuri (chrysanthèmes japonais) portant chacun plusieurs centaines de fleurs vont effectuer 10.000 kilomètres pour rejoindre à l’automne prochain le château de Versailles.

Les échanges culturels franco-japonais passent aussi par... l’horticulture : pour la première fois depuis un siècle, d’impressionnants chrysanthèmes nippons vont être exposés au château de Versailles, tandis que des jardiniers du plus illustre palais de France vont mettre leur savoir-faire au service des jardins impériaux.

Habitués à orner l’immense espace vert du Shinjuku Gyoen, à Tokyo, deux énormes ozukuri (chrysanthèmes japonais) portant chacun plusieurs centaines de fleurs vont abandonner leur lieu de prédilection pour effectuer 10.000 kilomètres et rejoindre à l’automne prochain le château de Versailles.

L’automne prochain, ces chrysanthèmes nippons composés chacun de plus de 500 fleurs, seront exposés au château de Versailles.

De telles fleurs, symboles de la dynastie du Japon, ne sont pas allées en France depuis l’Exposition universelle de Paris en 1900, à laquelle l’Empereur nippon, Meiji, avaient envoyé des émissaires. Le Japon était alors en pleine phase de modernisation grandement inspirée de l’Occident.

Cette fois, ce ne sont pas des mandataires mais des mains vertes que le Japon va dépêcher dans l’Hexagone. «Les Japonais vont détacher deux jardiniers pendant six semaines pour effectuer la taille de ces chrysanthèmes, qui requièrent une compétence particulière», a expliqué Catherine Pégard, présidente du château de Versailles, lors d’une visite à Tokyo cette semaine.

«Nos propres jardiniers sont en train d’étudier comment faire voyager ces plantes, car c’est très compliqué», a-t-elle précisé tout en se disant impatiente de les admirer au Trianon, dans un an précisément.

Parallèlement, «les jardiniers de Versailles sont consultés par leurs homologues japonais pour la restauration des parties anglaise et française (roseraie et allées de platanes) du Shinjuku Gyoen», explique Mme Pégard. «Ces lieux, créés en 1900, ont depuis subi la dérive du temps et se sont beaucoup japonisés. Le problème est aujourd’hui de savoir s’il faut revenir à la configuration initiale ou s’il faut les laisser dans l’état qui s’est constitué au fil des années ou bien opter pour un entre-deux», précise la présidente. «Cette question se pose en fait pour tous les lieux patrimoniaux», observe-t-elle.

Il faut remonter dans l’histoire pour comprendre comment des jardins à la française ont pris racine à Tokyo, dans ces jardins impériaux aujourd’hui ouverts au public. Les plans en ont été dessinés à la fin du XIXe siècle par un Français, l’architecte-paysagiste Henri Martinet. «Un contact étroit avait été établi entre les représentants de l’empereur Meiji et cet intendant des Jardins de Versailles, à l’occasion des Expositions universelles de Paris», précise l’ambassade de France à Tokyo.

Fascination nippone pour Versailles

Versailles fascinait déjà à ce point les Japonais qu’ils songèrent même à construire une réplique du château pour les hôtes étrangers, sur l’esplanade située à l’entrée de ce jardin. L’idée fut jetée aux orties, mais les Japonais restent des adorateurs de Versailles et des fastes de la cour du roi Louis XIV, même s’ils sont désormais deux fois moins nombreux que les Chinois à s’y rendre.

Catherine Pégard, présidente du château de Versailles, lors d’une visite à Tokyo fin novembre.

Symbole de la monarchie absolue, situé dans un parc de 815 hectares à l’ouest de Paris, le château de Versailles et ses 2.300 pièces ont été la résidence principale des rois de France et de leur cour de 1682 à la Révolution.

«Les Nippons représentent environ 4% des visiteurs de Versailles où se sont pressées 7,3 millions de personnes en 2012, dont 75% d’étrangers», détaille Mme Pégard.

Avec la crise, les Japonais sont moins nombreux à se rendre à Paris et dans les sites touristiques français. Ils y reviennent, mais moins qu’avant.

«Je suis aussi là pour écouter les voyagistes japonais, pour comprendre les attentes, car la clientèle nippone a changé : ils viennent désormais plus de façon individuelle que groupée», précise l’ex-journaliste.

Les Japonais ont un intérêt fort pour les fastes de Versailles, l’art de vivre à la française, le luxe.

Mais c’est aussi pour Marie-Antoinette, princesse autri-chienne et épouse de Louis XVI, que se bousculent les Japonaises qui se pâment pour cette reine si controversée en France, jugée dépensière et frivole au point qu’elle a fini sous la Guillotine pendant la Révolution. Dans l’empire du soleil levant, elle est une héroïne de mangas ou de pièces de théâtre depuis plus de quatre décennies.

Une exposition Marie-Antoinette se prépare d’ailleurs pour 2016 à Tokyo avec une centaine d’œuvres qui feront le voyage depuis Versailles.

AFP/VNA/CVN

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