Des cafés canadiens réinventent l’espace de travail

Assis dans un canapé, l’ordinateur sur les genoux ou installés studieusement à une table, des clients se pressent dans des cafés où le principe est de payer au temps passé sur place plus qu’à la consommation, un genre nouveau prisé par les auto-entrepreneurs.

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David Chevrier, jeune gérant de l’Anti Café, sert le thé aux clients dans un café
à Montréal, au Canada.
Photo : AFP/VNA/CVN

«Salut. Comment tu t’appelles ?», lance tout sourire David Chevrier, jeune gérant de l’Anti Café, en guise d’accueil. «Ici tu es à la maison, tu fais comme chez toi», explique-t-il au nouvel entrant, qui peut même enfiler des pantoufles mises à disposition en vrac dans des bacs.

Chacun consomme à volonté café ou thé, grignote des biscuits secs, et paye au prorata du temps écoulé dans l’établissement installé sur deux étages d’un ancien appartement du centre-ville de Montréal.

Une centaine de personnes peuvent profiter en même temps de cet espace pour travailler - seul(e) ou en groupe pour une réunion - ou pour s’adonner à des  loisirs dans des salles dédiées au cinéma, au yoga ou aux jeux de société.

Dans les salons aux murs couverts de peintures et de dessins, des tables de différentes tailles et des canapés un peu élimés donnent une atmosphère d’appartement d’étudiants, façon auberge espagnole.

«Les propriétaires, Philippe et Victor, ont importé le concept de Russie», raconte David Chevrier.

Dans une ambiance bon enfant, la clientèle est majoritairement composée d’étudiants et d’auto-entrepreneurs. Certains conversent tout en prenant leur déjeuner réchauffé dans un four micro-ondes à leur disposition. D’autres font la sieste.

Respect du rythme de travail et entraide

Assis dans le canapé ou à un bureau, le Gab est un endroit populaire pour les travailleurs indépendants.
Photo : AFP/VNA/CVN

Dans un autre genre, le café Gab cible clairement la clientèle des travailleurs indépendants dans un style loft rétro. Là, l’idée est de louer un espace de travail où «le client a une table, un accès internet et même une imprimante», détaille Gabriel Dancause, l’un des deux propriétaires du café au cœur d’un quartier où foisonnent les petites entreprises de high-tech et les spécialistes de la conception de jeux vidéos.

Contrairement à l’Anti Café, les consommations chez Gab ne sont pas comprises dans la location de l’espace de travail. Pour profiter d’un café au lait bio québécois, il faut mettre la main à la poche.

Fréquenter ces nouveaux cafés coûte entre 2 et 3,50 dollars canadiens de l’heure (entre 1,35 et 2,40 euros), et les gérants proposent même des forfaits mensuels entre 210 et 275 CAD (entre 143 et 187 euros), sans engagement de durée, soit des tarifs proches de la location d’un poste de travail dans un espace de coworking où le client est souvent lié à un bail locatif.

À mi-chemin entre ces espaces de travail partagés et les cafés traditionnels, ce nouveau concept permet à chacun de «respecter son rythme de travail», confie Frédéric Moreau, quadragénaire auto-entrepreneur habitué du Gab.

«Je paie pour deux ou trois heures, je ne paie pas sur un engagement de six mois un bureau qui va me coûter de l’argent sans l’utiliser fréquemment», explique-t-il.

Le contact avec d’autres clients favorise l’entraide et même de nouveaux contrats, assure Matthieu Vasseux, un jeune graphiste français récemment installé à Montréal.

Autour de la table principale du Gab, les idées fusent. Deux jeunes stylistes travaillent au lancement de leur marque de vêtements, un petit groupe développe un réseau social et un artiste croque quelques dessins sur un carnet.

Wifi supprimé ?

L’éclosion de ces nouveaux cafés est l’illustration d’une forte tendance du marché du travail avec l’augmentation rapide du nombre d’auto-entrepreneurs, qui représentent plus de 15% des emplois au Canada.

Si le nombre d’employés dans les entreprises publiques ou privées a pratiquement stagné l’an dernier, celui des auto-entrepreneurs a augmenté de 3,4% avec environ 90.000 personnes de plus sous ce statut, selon les chiffres de l’institut de la statistique.

«Ce phénomène a commencé à la fin des années 1990», explique Sid Ahmed Soussi, sociologue à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «La grande partie des entreprises sous-traite à d’autres petites structures des activités qu’elles intégraient jusque-là».

Pendant ce temps, des bars montréalais, lassés de voir des étudiants passer leur journée en consommant à peine plus d’une boisson, ont décidé de supprimer l’accès gratuit au réseau wifi. «Certaines personnes venaient juste pour utiliser Internet, donc on a débranché le wifi dans le café, pour privilégier le consommateur payant», explique Tobin Ngo, gérant du Art’s Café où la connexion sans fil a été coupée il y a un an.

Un coup de pouce bien involontaire à l’Anti Café ou au Gab, en attendant les autres.


AFP/VNA/CVN

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