De Animal à Zigzag

Le Têt vietnamien. Quel bonheur ! Je crois que tout a été dit sur cette tradition spectaculaire. Explosions de joie, de sons et de couleurs… C’est ainsi que je me suis amusé à créer ce petit dico du Têt.

Tout sauf exhaustif, il vous donnera néanmoins quelques explications amusantes ou plus sérieuses sur cet événement. Excellente année du Serpent à vous, chères lectrices et chers lecteurs du Courrier du Vietnam.

Au revoir Dragon, bonjour Serpent !

A comme animal. Et oui à chaque nouvelle année, son nouvel animal. Au revoir Dragon, bonjour Serpent ! Pauvre serpent, ce n’est pas - d’après ce que je sais - l’animal préféré des Vietnamiens. Il est peu intéressant me dit mon épouse. Pourtant cette année, il ne risquera rien et devrait avoir la belle vie ! Et oui, je suis Serpent !

B comme bronzes. Afin de décorer la maison et d’honorer les ancêtres, les maisons vietnamiennes se parent de magnifiques objets en bronze. J’adore voir ces objets. Et la tradition veut que ce soit les enfants de la maison qui les astiquent : encensoirs, brûle-parfum, crachoirs… Ils brilleront alors et leur jaune d’or resplendira. C’est que tout doit être propre et brillant pour le premier du Têt.

C comme couleurs. Les tons les plus chauds et les teintes les plus vives, nous les verrons sur chaque étal, sur chaque devanture, dans chaque intérieur et sur tous les habits : rouge sang des panneaux de caractères chinois - blanc crémeux des chrysanthèmes épanouis - rouge vif des tranches de pastèques - vert veiné des pamplemousses juteux - jaune safran des mandarines - rouge grenat des cochons laqués - jaune d’or des Ochnacées en fleurs - robes étincelantes des femmes…

D comme dépenses extraordinaires. Oui. N’ayons pas peur de le dire, la fête du Têt, c’est quand même un investissement considérable : nouveaux habits, cadeaux divers et variés, décorations, plantes et fleurs, enveloppes rouges… Il faut veiller à bien préparer son budget. Mais la chance, le bonheur et la santé seront au rendez-vous pour retrouver un équilibre financier après les festivités !

Une rue piétonne de la capitale vietnamienne parée de ses plus beaux habits, pendant Têt traditionnel.

E comme enfants. La fête du Têt pour les enfants vietnamiens est un peu comme Noël et le Nouvel An des petits Européens. Ces chers petits sont très gâtés et vêtus de leurs plus beaux apparats (dans des habits un tout petit peu larges pour qu’ils grandissent plus vite !) Après avoir présentés leurs vœux respectueux à tous les membres de la famille, les enfants reçoivent en guise d’étrennes de belles petites enveloppes rouges souvent très bien garnies !

F comme fermé ou ouvert ? Il y a quelques années encore, il était quasiment impossible de trouver une boutique ou un restaurant ouvert pendant les trois jours du Têt. Aujourd’hui, avec les centres commerciaux et autres franchises, ce n’est plus un problème. Mais attention, par superstition ou paresse, ces commerces seront peut-être ouverts une demi-journée ou un jour sur deux seulement. Alors, avant de toute initiative, passez un coup de fil !

G comme graines de lotus. Magnifiquement servies dans de beaux plateaux souvent rouges, les friandises accompagnent les après-midi des jours de Têt. Ma préférence va aux graines de lotus plongées dans du sirop de sucre à plusieurs reprises. Ça rappelle vaguement le marron glacé mais en plus subtil. Si je commence à grignoter trop de graines de lotus, s’il vous plaît, cachez le plateau.

Pendant les jours du Têt, chaque famille présente un plateau de cinq fruits (au moins) devant l’autel des ancêtres.

H comme l’heure c’est l’heure. J’ai toujours été frappé par le respect de l’heure pendant la fête du Têt, et notamment le dernier jour de l’année, quelques heures avant le réveillon, les marchés aux fleurs et les marchés traditionnels ferment, tout doit être nettoyé. Il faut laisser place nette aux alentours de midi. Les rues deviendront d’un coup beaucoup plus calmes. Même ponctualité à minuit tapante, pour accueillir comme il se doit dans la maison les âmes des défunts revenues sur terre.

I comme invités. Les visites du premier Jour de l’An sont rares, parce que la personnalité du visiteur influe sur la destinée de la famille à qui l’on rend visite pour les 365 jours qui suivent. Il faut donc montrer patte blanche si vous voulez vous rendre chez un ami, ou être invité si vous êtes une personne de marque. Il faudra bien répondre à leurs désirs, et formuler de bons et longs souhaits conçus suivant le triptyque «Prospérité, Longévité, Bonheur» !

J comme jours. Comme indiqué plus haut, les jours de congés pour le Têt ont tendance à diminuer pour certaines catégories de personnels, notamment dans la restauration. Mais, heureusement, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Je crois que ce sont les étudiants qui remportent le gros lot, avec souvent plus de deux, voire trois semaines de repos ! On m’a dit qu’autrefois, le Têt n’en finissait plus, et que les gens le prolongeaient jusqu’au jour où leurs ressources étaient épuisées et où ils se décidaient enfin à reprendre leurs activités quotidiennes normales.

K comme kakis ou kumquat. Sur l’autel des ancêtres de chaque famille, en dehors des pâtisseries nombreuses et variées, ne saurait manquer le plateau de cinq fruits (au moins). Au Nord du pays, ce plateau se compose de bananes vertes, de pamplemousses, d’oranges (ou mandarines), de kakis et de kumquats. Au Sud, ce plateau présente ananas, corossols, papayes, mangues vertes, tiges de sycomore ou d’autres fruits encore. Je crois que c’est ce que j’aime le plus admirer pendant cette période. Une pure merveille pour les yeux.

L comme laisse tomber. Les premiers jours du Têt, on est très négligeant avec la propreté. Le balayage par exemple est chose défendue car il pourrait annoncer peine et sueur pour toute l’année. De plus, les mouvements du balai sur le plancher risqueraient de chasser le génie de la prospérité ! Il faut le savoir. Maintenant, je comprends mieux pourquoi j’ai travaillé autant toute l’année. La couture aussi n’est pas de mise ces jours-là.

Les kumquats font partie de la décoration pour le Têt traditionnel au Nord, au même titre que la fleur de pêcher.

M comme malchance. Tout doit être mis en œuvre pour avoir une excellente nouvelle année. Il est donc interdit de se quereller, de jurer ou de proférer des paroles qui attirent le mauvais sort. On ne cassera pas la vaisselle : ce serait de mauvais augure. On n’entendra aucun juron, et aucun nom d’animal (singe, porc ou chien) ne sera utilisé dans la conversation courante.

N comme Nouveau, Nouvelle. On le répète : le Têt, c’est la célébration d’une nouvelle année, d’un nouveau départ. C’est aussi le renouveau de la Nature, avec de beaux habits, une nouvelle maison, une nouvelle vie, des nouveau-nés !

O comme ouvert ou fermé ? Voir fermé ou ouvert !!!

P comme pleurer. On le sait, le Têt est très joyeux. Mais on peut abondamment pleurer tout simplement à cause de cette multitude de bâtonnets d’encens qui vont se consumer lentement à la maison et dans les pagodes tant avant que pendant, et qu’après la fête ! Oui, on brûle beaucoup pendant le Têt : brûle-parfum, bois d’aloès, chandelles sur l’autel des ancêtres, volutes de fumée, montent à tous les étages ! Imaginez ce que c’était à l’époque des pétards !

Q comme queue. On fait beaucoup la queue (enfin, si l’on peut appeler cela comme ça au Vietnam) quelques jours avant le Têt pour acheter les victuailles, les fleurs, arracher un billet d’avion ou de train, et devant les distributeurs automatiques de billets, littéralement pris d’assaut. On recherchera les billets 100% neufs à glisser dans les célèbres petites enveloppes rouges !

R comme rapport annuel. Selon la tradition, au 7e jour avant le Têt, les chefs de famille allument des chandelles sur l’autel. Alors, sont présentés aux génies gardiens du foyer des plateaux de friandises et des articles en papier représentant un héron, un cheval, une paire de bottes, une robe de Cour et une toque de mandarin. C’est la cérémonie de l’adieu aux dieux Lares, qui sont censés remonter au Ciel faire leur rapport annuel au Tout-puissant sur le comportement des humains placés sous leur surveillance tutélaire ! Ça ne s’invente pas !

S comme servir, service. Pauvres dames et demoiselles ! Les jours du Têt, il faut tout préparer, tout cuisiner, tout servir, tout débarrasser, tout laver, mais heureusement pas balayer ! Ça en fait du boulot ! Allez messieurs, un petit effort. Faites quelque chose !

T comme théâtre traditionnel. Le Têt, c’est aussi l’époque où le théâtre traditionnel est à l’honneur parce que chaque spectateur y cherche un présage pour l’avenir. D’une manière générale c’est l’époque des artistes, des lettres et de la poésie.

U comme unanimité. Le Têt, c’est la Fête. C’est le symbole du Vietnam. Tout le peuple adore cette fête. C’est vital.

V comme vacances. Les vraies, les grandes vacances bien méritées pour toutes et tous. Une grande difficulté aussi pour les familles qui voient partir souvent très tôt le personnel de maison. Un vrai casse-tête bien des fois et une question : quand reviendra-t-il (elle) ?

W comme whisky. Ou bières, vins rouges, liqueurs aromatisées… Alcools divers et variés accompagnent les repas du Têt. Quelquefois c’est sans modération ! Et, un, deux, trois Yooooo !!!

X comme Xuân Diêu. Le Têt, c’est la fête des poèmes, des sentences parallèles. M. Xuân Diêu fut un merveilleux poète du siècle dernier.

Y comme Vạn sự như ý... Que tous vos vœux se réalisent. À connaître aussi l’indispensable Chúc mừng năm mới : Bonne année !

Z comme zigzag. C’est pour enfoncer le clou ! On boit vraiment beaucoup trop pour le Têt. Après un bon repas que l’on peut prendre souvent à même le sol, se relever est déjà toute une histoire. On repart bien des fois en zigzagant. Ne prenez pas votre véhicule et restez couché !

Hervé Fayet/CVN

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