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Crise viticole : la filière bordelaise autour d'une table pour un prix "rémunérateur"

Quel est le juste prix d'une bouteille de Bordeaux? Les viticulteurs mis à mal par la surproduction réclament un tarif "rémunérateur" et l'interprofession les réunit avec négociants et distributeurs, sur fond de débat national autour de prix planchers agricoles.

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Des bouteilles de vin de la région bordelaise exposées lors du Vinexpo de New York.
Photo : AFP/VNA/CVN

Des bouteilles vendues en grande surface à 1,89 euro, voire 1,66 euro en cas d'achat groupé, voilà qui exaspère le collectif Viti33 qui a bloqué plusieurs sites de négoce ou de distribution en Gironde ces dernières semaines.

Un prix aussi bas, "c'est une honte !", tonne auprès de l'AFP Didier Cousiney, son porte-parole. "Pour qu'un viticulteur vive de son métier, il faut que la bouteille soit vendue aux environs de 2,70 euros ou 3 euros" minimum, estime-t-il.

Mais en fait, la moindre consommation de vin et les difficultés à l'export ont entraîné une surproduction dans le plus grand vignoble AOC de France (103.000 hectares) et un effondrement du prix du vrac. Début 2023, un tiers des quelque 5.000 vignerons bordelais se déclarait en difficulté.

Certains ont ainsi bradé le tonneau de 900 litres à 600 euros pour vider leurs chais et dégager un peu de trésorerie, alors qu'un "prix rémunérateur" se situe autour de 1.300 ou 1.400 euros, estime Viti33.

"Hors sol"

Un niveau que certains négociants jugent "hors sol" mais le Conseil interprofessionel du vin de Bordeaux (CIVB), qui associe viticulteurs et maisons de négoce, juge la demande "légitime".

"Je suis à 200% d'accord pour qu'on trouve une convergence d'intérêts qui fasse évoluer à la hausse le prix", commente Jacques Bouey, de la maison de négoce Bouey. "Mais un seul acteur ne peut pas fantasmer sur le fait qu'il va réglementer les prix."

Les vignerons sont encouragés par une décision du tribunal de commerce de Bordeaux, qui a condamné fin février des négociants accusés d'avoir violé la loi EGalim en achetant du vin en vrac à un tarif jugé "abusivement bas". Ils ont fait appel.

Surtout, la filière a relevé les déclarations d'Emmanuel Macron préconisant des prix agricoles "planchers". Une proposition de loi écologiste en ce sens a été adoptée en première lecture jeudi soir 4 à l'Assemblée nationale, mais sans que le texte ne convienne au gouvernement, ni aux députés de la majorité présidentielle.

Pour l'heure, "un prix plancher qui s'appliquerait à tous les vins de Bordeaux serait problématique", considère Léna Sersiron, associée au sein du cabinet Baker McKenzie.

En 2018, l'Autorité de la concurrence avait par exemple sanctionné un syndicat des Côtes du Rhône pour avoir élaboré des grilles de prix minimum.

"Mais quand on a entendu le président de la République, on a dit : Bordeaux est volontaire pour participer à la réflexion", déclare à l'AFP Allan Sichel, président du CIVB, qui a convié lundi 1er avril à 16h30 une trentaine d'acteurs de la filière.

Organisation de producteurs

Avant cette table ronde, un front syndical uni s'est entendu sur l'objectif d'une "rémunération basée sur des coûts de production, établie par indicateurs indépendants", et Viti33 attend des "messages forts".

"Je compte bien en avoir", répond Allan Sichel. "Mais ce n'est pas un coup de baguette magique qui va tout résoudre."

Vue du Château Smith Haut Lafitte, Grand Cru classe de Graves, à Martillac, en Gironde.
Photo : AFP/VNA/CVN

Viti33 veut aussi rassembler les vignerons dans une organisation de producteurs (OP) pour peser davantage dans les négociations commerciales.

"L'OP, il faut l'imaginer comme une seule et même entreprise. Ses membres peuvent décider de mandater l'OP en vue de déterminer un prix commun ", analyse Léna Sersiron.

Cette formule, exception au droit de la concurrence, permet de définir des contrats-cadres qui s'imposeraient aux négociants. Le CIVB y voit une option possible, mais pas la "panacée" car encore faut-il que le prix fixé trouve preneur sur le marché.

Selon l'interprofession, les cours devraient remonter : l'arrachage subventionné de quelque 8.000 hectares en Gironde d'ici fin mai, la distillation financée par l'État d'une partie des excédents et la petite récolte 2023 (3,8 millions d'hectolitres), notamment pour cause de mildiou, ont réduit l'offre.

"L'équilibre va revenir avec ou sans l'OP", estime Renaud Jean, viticulteur dans l'Entre-deux-mers et membre de Viti33. "Il faut donc la créer avant que la nature nous fasse croire que les problèmes sont derrière nous."

AFP/VNA/CVN

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