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Un ingénieur boit de l'eau produite par un appareil retirant l'humidité de l'air, à Khan Younès (Gaza) le 16 novembre. |
Sur le toit d'un immeuble de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, une "révolution" se prépare discrètement. Une mosaïque de panneaux solaires alimente une énorme machine bourdonnante aux airs de groupe électrogène, venue d'Israël et qui retire l'humidité de l'air pour la transformer en eau potable.
Micro-territoire de deux millions d'habitants, Gaza est confrontée à une crise de l'eau potable dont les effets se font ressentir jusque dans les entrailles de la population qui présente des taux alarmants de calculs rénaux et de diarrhées, d'après des chercheurs.
À Gaza, l'eau potable est puisée dans le sol depuis des siècles. Mais, ces dernières décennies, la pression démographique a accru la pression sur l'aquifère qui s'est en outre rempli d'eau de la mer Méditerranée. Cette eau saumâtre "n'est bonne que pour laver les vêtements, nettoyer et se doucher", résume Ghassan Ashour, un commerçant de Khan Younès.
Les Gazaouis se rabattent donc sur l'eau en bouteille ou celle de marchands qui livrent en camion-citerne, après traitement, de l'eau extraite de la nappe phréatique.
"Nous pompons ici chaque jour 80.000 litres d'eau que nous filtrons et à laquelle nous ajoutons du chlore et d'autres produits chimiques afin qu'elle soit consommable", explique Issa Al-Farra, propriétaire d'une station de pompage.
"Invivable"
Seulement 3% de l'eau potable de Gaza répond aux normes internationales, selon l'ONU qui avertissait il y a quelques années qu'un épuisement de l'aquifère allait contribuer à rendre la situation "invivable" dès 2020.
Un livreur d'eau potable palestinien, à Khan Younès (Gaza) le 18 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Des solutions émergent actuellement comme la création d'une vaste usine de dessalement financée par l'Union européenne et le déploiement des trois premiers "générateurs d'eau" de la société israélienne Watergen.
Deux ont été donnés par cette entreprise et un autre par l'institut de recherche environnementale Arava, situé dans un kibboutz du sud d'Israël. Chaque appareil coûte environ 50.000 euros.
L'un d'eux est installé à la mairie de Khan Younès: cet énorme cube de métal capte l'humidité dans l'air, la condense via un processus de réchauffement puis filtre l'eau, pour la rendre potable et sans arrière-goût douteux.
"Cette machine produit environ 5.000 litres d'eau potable par jour lorsque le taux d'humidité dans l'air est supérieur à 65%, et 6.000 litres si le taux dépasse 90%", explique Fathi Sheikh Khalil, ingénieur électrique et cadre de l'ONG palestinienne Damour qui gère l'appareil.
Une partie de cette eau est consommée par les employés municipaux et une autre acheminée à l'hôpital, explique M. Khalil. "Une ou deux machines ne vont pas tout changer mais c'est un début".
En branchant les "générateurs d'eau" sur des panneaux solaires équipés de batteries, le coût de production diminue tout comme l'empreinte carbone. Car Gaza dispose d'une seule centrale électrique, qui carbure au fioul importé et ne suffit pas pour couvrir la demande locale.
Mais dans ce territoire contrôlé par le Hamas, mouvement islamiste ayant affronté Israël dans trois guerres depuis 2008, n'est-ce pas singulier de faire affaire avec une entreprise israélienne? "Nous acceptons l'aide de quiconque veut nous aider", assure M. Khalil. Sollicité, le Hamas n'a pas commenté dans l'immédiat.
"Étape charnière"
À environ 80 kilomètres au nord de Khan Younès, dans des tours de verre où se concentre le nec plus ultra de la "tech" israélienne, se trouvent les bureaux de Watergen, primée pour ses "générateurs d'eau".
À sa tête : Michael Mirilashvili, milliardaire russo-israélien d'origine géorgienne, emprisonné plusieurs années en Russie pour le rapt présumé des ravisseurs de son père --un riche homme d'affaires un temps détenu par des gangsters géorgiens. Son procès n'a pas "respecté les normes d'impartialité", selon la Cour européenne de justice, et il a été relaxé en 2009.
Installé en Israël, l'homme d'affaires a racheté il y a près de cinq ans la startup Watergen, qui exporte désormais ses générateurs d'eau dans près de 80 pays. "Il faut aider en premier lieu nos voisins", affirme-t-il. Le but "est de mettre un terme à la crise de l'eau à Gaza".
Reste que ce transfert vers Gaza a exigé "l'approbation de l'armée israélienne". Puisque ses employés et lui ne peuvent se rendre dans l'enclave palestinienne sous blocus israélien, Watergen est passé par des intermédiaires comme l'institut Arava, en contact avec des ONG palestiniennes. "Notre but est d'augmenter la cadence du projet en 2021" et de déployer des générateurs dans des écoles, indique David Lehrer, président d'Arava. Espérant "davantage qu'une révolution de l'eau", il veut y voir une "étape charnière pour sortir de la spirale négative" des relations entre Israël et Gaza.