Cellules souches : recherches et applications demandent-elles du temps ?

Le Vietnam a réussi à créer un hippocampe zébré photogène en recourant aux technologies génétiques, ainsi qu'un veau à base de gamètes femelles congelés... Cela étant, de telles recherches scientifiques ne peuvent être menées à la hâte. Tel est également le cas de la recherche sur les cellules souches et leurs applications. Opinion de Phan Kim Ngoc, chef du laboratoire des cellules souches de l'Université nationale de Hô Chi Minh-Ville.

* Compte tenu des résultats obtenus dans la recherche sur les cellules souches, pensez-vous qu'elle conduira à des applications concrètes, dans la vie quotidienne ?

Il faut d'abord rappeler que la recherche sur les cellules souches n'a commencé au Vietnam qu'il y a 5 ans, un secteur dont très récent. Certes, des résultats encourageants ont d'ores et déjà été obtenus, notamment une application en matière de régéné- ration médicale - le clonage. Le Docteur Trân Van Be et ses collègues de l'Institut de transfusion sanguine et d'hématologie de Hô Chi Minh-Ville sont considérés comme des pionniers dans cette recherche initiée en 2000. Concrètement, plusieurs personnes atteintes de leucémie ont connu une rémission grâce à une greffe de cellules souches. Désormais, plusieurs groupes de chercheurs sur les cellules souches ont été constitués à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville pour travailler sur la greffe de cornée, de myocarde, de peau, et d'autres en relation avec le diabète. À mon avis, l'actuelle banque de cellules souches siégeant à Hô Chi Minh-Ville donnera de bonnes conditions de travail à nos scientifiques de ce domaine dans les quelques années à venir.

* Les réalisations au Vietnam, bien que modestes, sont reconnues dans le milieu professionnel national. Mais les experts dans ce domaine spécifique demeurent-ils à ce jour en faible nombre ?

Je pense qu'il ne s'agit pas d'un problème inquiétant. Il existe autour de ces experts, fussent-ils peu nombreux, un grand nombre d'autres scientifiques passionnés par ce domaine spécifique des biotechnologies et qui suivent de près les travaux réalisés par leurs confrères. L'important également dans cette présente situation, c'est que les scientifiques et experts peuvent coordonner leurs actions efficacement, ce qui permet de raccourcir certaines étapes de l'itinéraire de recherche générale, tout comme d'économiser de l'énergie et d'éviter des pertes budgétaires en réalisant des travaux concurrents par exemple...

* Parmi les réussites, on ne peut que relever les contributions non négligeables de jeunes chercheurs. Que pensez-vous de ces jeunes mais futurs successeurs ?

Il s'agit d'une jeune force pleine de valeur comme de promesses. Plusieurs d'entre eux sont passionnés par leurs recherches. La question qui se pose actuellement, c'est d'en choisir les meilleurs alors que les modalités de recrutement dans le secteur public sont encore complexes, mais c'est aussi comment leur donner de bonnes conditions de travail afin qu'ils puissent vivre au quotidien, en particulier pour ceux qui ont été formés à l'étranger ou sont issus de la communauté d'outre- mer. Je pense qu'afin de les réunir durablement, il faut d'abord leur faire confiance, mais aussi écouter leurs propositions en termes de modernisation, pratiquer la concertation ainsi que protéger leurs intérêts. Il est également important de créer des modalités de travail professionnelles pour les jeunes chercheurs, à commencer par les autoriser à faire de la recherche dans 2 instituts ou 2 compagnies relevant de secteurs technologiques proches ou ayant une même orientation dans la recherche, qu'ils soient Vietnamiens ou non. Ils pourront ainsi enrichir leur expérience professionnelle comme leurs revenus, sans compter qu'ils pourront en outre présenter les avancées réalisées dans le pays ou assimiler de nouvelles manières de travailler.

* Selon vous, comment peut-on investir afin que la recherche sur les cellules souches donne lieu à des résultats plus importants ?

Personnellement, je pense qu'il est nécessaire d'élaborer une stratégie plus adaptée pour ce domaine de recherche, et notamment au niveau du développement des applications, non seulement à Hô Chi Minh-Ville mais aussi dans l'ensemble du pays. Il faut davantage investir en ressources humaines comme en équipements en tant que moyens de réaliser de véritables "percées technologiques", et donc des résultats plus efficients. J'ai eu l'occasion de visiter une université de Taïwan (Chine) où les chercheurs disposent de plusieurs années transitoires pour acquérir les bases tant matérielles qu'intellectuelles suffisantes. En tout état de cause, il ne nous faut pas nous précipiter. Nous, scientifiques, devons être prudents et intègres devant notre travail. En vue de développer la recherche appliquée en matière de cellules souches, il nous faut une politique "ouverte" pour la recherche fondamentale et appliquée sur les cellules souches d'embryon, fondée sur les principes de la thérapie et du développement des sciences, sans abus ni but purement lucratif. Avec des mesures plus adéquates et de la créativité, je pense que dans les 5 à 10 années à venir, les jeunes chercheurs vietnamiens pourront effectuer de nouveaux progrès en ce domaine, de niveau régional mais aussi mondial.

Lê Hà/CVN

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