Canada, États-Unis et Mexique réunis pour revoir leur copie sur l'Aléna

Érigée en mantra par Donald Trump, la renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna), dont le premier round se tient cette semaine à Washington, s'annonce épineuse.

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La frontière entre les États-Unis et le Mexique, le 11 mai à San Diego.
Photo : AFP/VNA/CVN

Après avoir un temps fait planer la menace de se retirer purement et simplement de l'Aléna, le président américain a finalement opté pour sa renégociation rapide "dans l'intérêt des trois pays", le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Leurs négociateurs vont ainsi se réunir du 16 au 20 août dans la capitale américaine pour lancer la modernisation de ce traité de 1994 qui a aboli les frontières douanières pour permettre la libre circulation des marchandises et services entre ces trois pays.

Depuis son origine, l'Aléna est extrêmement controversé. Jugé inéquitable et destructeur d'emplois par ses détracteurs, accélérateur de croissance par ses défenseurs, il a été la cible favorite du président américain pendant sa campagne qui l'a même qualifié de "désastre".

La renégociation de l'Aléna est cruciale pour Donald Trump, qui doit envoyer un signal politique fort alors qu'il peine à tenir ses promesses électorales.

"Il n'a pas d'autre choix que d'agir. C'est politiquement indispensable", observe ainsi Edward Alden, du Council of Foreign Relations, un influent think-tank. "Et à un moment donné (des négociations), le président Trump devra faire valoir un résultat qu'il clamera comme victoire", analyse-t-il.

Sur le fond, les États-Unis déplorent leur balance commerciale avec le Mexique, qui depuis le traité est passée d'un excédent de 1,3 milliard de dollars à un déficit de 64 milliards de dollars.

L'Aléna est devenu vital pour l'économie mexicaine pour qui les États-Unis sont le principal partenaire commercial : 80% des exportations mexicaines, essentiellement des biens manufacturiers et agricoles, leur sont en effet destinées.

L'industrie automobile mexicaine, secteur qui devrait être l'un des sujets au coeur des discussions avec l'agriculture, a largement bénéficié du libre-échange au détriment de son homologue américaine qui a multiplié les délocalisations pour profiter d'une main d'oeuvre bon marché.

"Trop d'Américains ont souffert de la fermeture des usines, de l'exportation des emplois et des promesses politiques non-tenues", a récemment souligné le représentant spécial au Commerce extérieur américain (USTR), Robert Lighthizer.

Entre les États-Unis et le Canada, la balance commerciale est près de l'équilibre mais le débat se cristallise sur les produits laitiers, le vin, les céréales, accusés par Washington d'être subventionnés.

Démarrage rapide

Si les États-Unis ont forcé Canada et Mexique à se mettre autour de la table, les trois parties se rejoignent sur la nécessité de rajeunir ce texte, vieux de près d'un quart de siècle, élaboré avant même l'ère d'internet.

La structure d'une usine Ford, dans le désert de San Louis Potosi, le 11 janvier au Mexique.

"Chacun des pays a le sentiment d'avoir beaucoup à gagner dans ces négociations. Par conséquent, chacun sait qu'il a intérêt à moderniser le traité avec succès", estime Jeffrey Schott, spécialiste de l'Aléna au Peterson Institute for International Economics (PIIE).

Il en va de la compétitivité de l'Amérique face à l'Asie notamment, renchérit Edward Alden.

Malgré les velléités américaines, les spécialistes ne s'attendent pas à une issue rapide de la renégociation.

Ce premier round de discussions devrait en outre simplement faire un large tour d'horizon avant le second déjà programmé le 5 septembre au Mexique.

"Ils vont s'efforcer d'avoir un démarrage (des discussions) rapide et dans cette perspective, ils ne devraient pas évoquer tout de suite les questions qui fâchent", estime M. Schott.

Pour autant, on ne peut pas exclure le "risque que les États-Unis avancent des idées très controversées qui compromettraient les discussions", dit-il. Mettre en avant "l'Amérique d'abord" ou "Acheter américain" serait inacceptable pour ses voisins.

Après la multiplication de déclarations agressives sur le déficit avec le Mexique, l'administration américaine devrait se montrer inflexible sur ce contentieux.

Côté mexicain, la résistance devrait être forte dans la perspective des élections présidentielles de 2018.

"Le Mexique est probablement dans la position la plus faible", du fait de sa dépendance économique à Aléna, "mais il a des atouts et dispose de négociateurs extrêmement expérimentés présents dans de nombreux accords commerciaux", observe Edward Alden.

Enfin, les États-Unis ont aussi beaucoup à perdre. Le marché mexicain est essentiel notamment pour l'agriculture américaine, qui traditionnellement pèse de tout son poids dans les négociations commerciales.


AFP/VNA/CVN

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