Aveugle de naissance, Bùi Ngoc Thinh est passionné de musique. Il a en effet commencé à en jouer dès quatre ans, à l’aide de percussions. Puis, le garçon, aujourd’hui âgé de 12 ans, s’est mis à l’orgue, à la viole à deux cordes (dàn nhi), au luth en forme de lune (dàn nguyêt), à la cithare à seize cordes (dàn tranh), au dàn sên (instrument à cordes traditionnel des Vietnamiens) et à guitare vietnamienne, le luc huyên câm. Le talent de ce garçon a été reconnu le 26 mai à Hô Chi Minh-Ville par l’Organisation des records d’Asie. Thinh avait déjà reçu en 2011 le certificat du Centre du livre des records du Vietnam du jeune aveugle maîtrisant cinq instruments de musique.
Le jeune non-voyant jouant de l'orgue. |
«Thinh aime la musique depuis sa plus tendre enfance, explique sa mère, Lê Thi Thu Thuy. Il pouvait en écouter pendant des heures, jusqu’à en oublier de demander sa tétée». Lê Thi Thu Thuy et son mari Bùi Van Lôc sont aussi tous deux malvoyants. Ils vivent dans les locaux de l’Association des malvoyants du bourg de Ninh Hoà (province de Khanh Hoa. Ils travaillent beaucoup - fabricant de produits d’artisanat tels que balais de paille de riz, bâtonnets d’encens, cure-dents... - pour gagner de quoi vivre.
Bùi Ngoc Thinh et ses parents. |
Comme ses parents, Bùi Ngoc Thinh est aveugle. Pire encore, il est né prématuré, se souvient son père Bùi Van Lôc. «Mais il a eu très tôt un vif intérêt pour les instruments de musique, et a très vite pu reproduire les sons qu’il venait d’entendre», indique son père.
À quatre ans, le petit accompagne sa mère, bonne chanteuse, lors de représentations artistiques de l’Association des malvoyants de la province de Khanh Hoà. C’est alors que la vieille batterie entreposée dans les locaux de l’Association des malvoyants du bourg de Ninh Hoà a focalisé son attention. Profitant des moments d’absence du batteur, il s’est mis à taper sur les fûts et les cymbales, à tel point qu’un an plus tard, voulant progresser, il a demandé à ses parents d’apprendre à en jouer. Sa mère, percevant que son fils était doué pour la musique, a sollicité plusieurs maîtres pour donner des cours Thinh. Au début, personne ne voulait en entendre parler au motif qu’il était trop petit, et de surcroît aveugle. Mais devant sa persévérance comme celle de ses parents, l’un d’entre eux a finalement accepté. Et au bout d’un an, le garçon était capable d’interpréter une centaine de partitions.
Le petit aveugle et ses sept très chers amis
À six ans, Thinh a demandé à ses parents d’apprendre à jouer de la luc huyên câm, une guitare à frettes et aux cases non pas plates, comme la guitare classique espagnole dont l’instrument s’inspire, mais creusées en forme concave. «À cette époque-là, la guitare était plus grande que Thinh. Quand il la portait sur le dos, je ne voyais que l’instrument !», se souvient sa mère. Autre difficulté, il faut une certaine force dans les doigts pour pincer la corde sur la frette. Au début, il lui arrivait de jouer jusqu’au sang, avant qu’une couche de corne suffisante se forme au bout de ses doigts. Ce qui ne l’a aucunement découragé. Après les cours de son maître, il rentrait à la maison le soir et continuait de s’entraîner jusqu’à la nuit. Ce qui n’a pas manqué de susciter l’estime de son professeur.
Depuis, chaque année, Thinh apprend à jouer d’un nouvel instrument de musique : de l’orgue, puis de la viole à deux cordes (dàn nhi), suivi du luth en forme de lune (dàn nguyêt), et de la cithare à seize cordes (dàn tranh)...
Le petit Thinh et son maître Lê Hông Thiên. |
Le maître Lê Hông Thiên, qui apprend à Thinh à jouer de ces cinq instruments traditionnels avoue qu’il avait des «scrupules à recevoir ce petit élève». Mais, le don du jeune garçon pour la musique comme son intelligence et sa sensibilité, a pu lui permettre de rester avec son maître. Ce dernier, en 50 années d’enseignement, n’a jamais «rencontré un élève aussi spécial que Thinh».
Thinh n’est pas qu’un simple interprète, puisqu’il compose également. Il a déjà écrit trois morceaux pour ses parents et proches. Poursuivant sa voie, il entend bien apprendre le monocorde, le violon et le piano. «Je suis non-voyant, personne ne veut jouer avec moi. Mais je ne suis pas triste, car j’ai sept amis intimes, mes instruments de musique», dit sincèrement Bùi Ngoc Thinh.
La journée de Thinh commence à 07h00 pour se rendre chez son maître, où il travaille la viole à deux cordes (dàn nhi), le luth en forme de lune (dàn nguyêt), la cithare à seize cordes (dàn tranh), le dàn sên et la guitare vietnamienne. À midi, il va chez un autre maître pour l’orgue, le piano et la batterie. Et le soir, il apprend à lire en braille ainsi que l’informatique. «Pour apprendre à jouer d’un instrument, il faut s’entraîner chaque jour, dit le garçon. D’ailleurs, si un jour, par malheur, je ne peux pas toucher mes instruments, je suis très triste».
Hoàng Hoa/CVN