"C'est une victoire pour Alstom, une réussite pour la France et un succès politique indéniable pour le retour en force de l’État dans l'économie", s'est félicité vendredi 20 juin Arnaud Montebourg, après avoir annoncé le choix de l'américain General Electric (GE). Le soir du 21 juin, le conseil d'administration d'Alstom a confirmé sa préférence pour General Electric.
Le site commun d'Alstom et General Electric à Belfort, le 29 avril. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le ministre savourait son grand premier succès, après l'échec de son intervention sur Florange et SFR : sa gestion du dossier a fait monter les enchères entre GE et le tandem Siemens/Mitsubishi et permis à l’État d'obtenir d'importantes concessions.
"Pour Montebourg, c'est une victoire : il a obtenu ce qu'il demandait dans la lettre qu'il avait adressée au Pdg de GE, Jeffrey Immelt, quand il a posé les conditions pour la reprise d'Alstom", a déclaré une source proche du dossier.
Le choix de GE, Montebourg a été chargé de l'annoncer lui-même, chez lui, à Bercy. Un contraste avec l'arbitrage du dossier Florange fin 2012, quand le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait écarté d'un revers de main le projet de nationalisation porté à bout de bras par son ministre... sans exprimer la moindre reconnaissance pour ses efforts.
Le 21 juin, le chef du gouvernement Manuel Valls a pris soin de féliciter M. Montebourg à deux reprises, la première avant même l'annonce du choix de GE et la seconde immédiatement après sa conférence de presse.
"En termes de méthode, c'est l'anti-Florange, c'est une décision partagée par chacun", a assuré le Premier ministre, lors d'un déplacement en Saône-et-Loire, les terres de son ministre de l’Économie.
Il est vrai que face à la fronde de députés de la gauche du PS, dont plusieurs sont proches de M. Montebourg, M. Valls pouvait difficilement se permettre, trois mois après son arrivée à Matignon, l'explosion de la "bombe Montebourg", titre de la Une du Nouvel observateur de cette semaine.
L'hebdomadaire prévenait clairement que le ministre de l’Économie démissionnerait si la décision sur Alstom ne lui convenait pas ou si les orientations économiques du gouvernement n'étaient pas modifiées à la rentrée. Une menace que le ministre avait déjà brandie avec fracas après l'arbitrage défavorable de Florange.
"Que Montebourg ait des interrogations sur la politique du Président de la République, ça c'est certain. Mais avec Valls il y a un pacte, ils ont besoin l'un de l'autre", a toutefois expliqué un député socialiste, rappelant que le Bourguignon avait renforcé sa position au gouvernement lors du dernier remaniement.
Electron libre
De son côté, l’Élysée s'est félicité de "la fluidité dans la méthode et le résultat", ainsi que la "cohérence gouvernementale" dans la gestion du dossier Alstom. "L’État a été très professionnel", insiste-t-on, comme pour mieux marquer la différence avec Florange.
"Une entrée dans le capital et une alliance avec un grand groupe étranger, ça devient la marque Montebourg pour sortir une société française de son isolement", a confié une source proche du dossier, rappelant l'exemple de PSA.
Il n'empêche que M. Montebourg est resté fidèle à son image d'électron libre, en livrant le choix du gouvernement vendredi 20 juin... à sa manière.
Le ministre a d'abord annoncé l'entrée de l’État au capital d'Alstom, puis a énuméré la longue liste des conditions fixées à la reprise de ce fleuron de l'industrie française.
Il n'a donné le choix de l'exécutif que bien plus tard, au détour de l'une de ses dernières phrases, après avoir bien insisté sur le "sérieux" de l'offre concurrente de Siemens qui "a montré qu'Alstom méritait une alliance plutôt qu'un rachat-absorption".
"Le gouvernement dans sa diversité a tranché, sous l'autorité du président de la République", a-t-il fini par lâcher. Des mots choisis qui laissaient entendre qu'il ne partageait pas cet avis.
Mais il est vrai que M. Montebourg s'est bien gardé d'exprimer publiquement sa préférence pendant les deux mois de l'affaire Alstom, confirmant le changement de style amorcé depuis l'échec de Florange.
Toutefois, une fois encore vendredi 20 juin, il s'en est pris à l'une de ses cibles préférées : la Commission européenne, dont il a fustigé "la vision très idéologique" de la concurrence qui a empêché le rapprochement avec Siemens.
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