Le président de la BCE, Mario Draghi, lors d'une conférence de presse, le 5 juin à l |
Le président de la BCE, Mario Draghi, lors d'une conférence de presse, le 5 juin à la ville de Francfort. Photo : AFP/VNA/CVN |
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle salve de mesures la semaine dernière, relançant la baisse des taux d'intérêts sur le marché où s'échangent les obligations d'État déjà émises.
Le taux d'emprunt de la France à dix ans, échéance reine, baisse depuis l'été 2011. Le 6 juin, il a touché son plus bas niveau historique, à 1,656%. Le taux de l'Espagne, qui avait flambé pendant la crise, évolue désormais au même niveau que celui des États-Unis, la première économie mondiale, et celui du Portugal est aussi au plus bas.
Les États ne payent pas ces taux du marché dit "secondaire", mais bien les rendements promis au moment de l'émission de leur dette. Or ces derniers baissent de la même manière, réduisant la fameuse "charge de la dette" inscrite dans les budgets. Sans compter l'effet bénéfique de la faible inflation, sur laquelle sont indexés certains emprunts.
Environ 1,8 milliard pour la France
Le 11 juin, le ministère des Finances a estimé que le paiement des intérêts de la dette, deuxième poste budgétaire de l'État, coûterait cette année 1,8 milliard de moins que prévu, un "signe de la confiance des investisseurs dans la signature de l'État français", selon lui.
Confiance dans la BCE aussi qui, par son activisme, attire des investisseurs échaudés par certains ratés dans les pays émergents. Or plus la dette d'un pays est demandée, plus le taux baisse. Jusqu'ici, cet optimisme des marchés sert un peu partout à redresser les finances publiques.
En France, la moindre charge de la dette va permettre de "rattraper" un déficit public plus important que prévu l'an dernier.
L'Espagne, qui paye en intérêts l'équivalent de 3% de son produit intérieur brut (PIB), utilise sa marge de manoeuvre pour commencer à rembourser plus tôt que prévu l'aide reçue en 2012 pour son secteur bancaire.
L'Irlande, tout juste sevrée de l'aide internationale, verse l'équivalent en intérêts de 4,7% du PIB. Mais cette charge a baissé d'environ 500 millions d'euros l'an dernier par rapport aux prévisions initiales du gouvernement, qui s'active pour faire passer le déficit sous la barre de barre de 3% du PIB en 2015.
Les taux bas, "une anomalie" ?
En Allemagne les taux ont surtout baissé pendant la crise, les obligations allemandes faisant figure de valeur refuge.
Depuis fin 2013, ils sont remontés mais restent très bas, une "anomalie" selon le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, qui en a toutefois profité pour poursuivre à marche forcée la rigueur, avec pour objectif l'équilibre des finances publiques l'an prochain.
Un pays tranche jusqu'ici, l'Italie. Son chef de gouvernement Matteo Renzi veut profiter des économies réalisées sur la charge de la dette pour financer des baisses d'impôt et des investissements dans l'éducation.
"Il ne faut pas que (les taux bas) engendrent l'idée qu'on peut tout faire", s'inquiète Gilles Moec, économiste chez Deutsche Bank, pour qui "prendre des décisions budgétaires de long terme sur la base des taux actuels n'a aucun sens". "Se laisser plus de marges est une tentation. Mais ce n'est pas la chose à faire parce que ça se paiera plus tard", juge-t-il.
Raisonnement inverse pour Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pour qui "le souffle d'air est utilisé pour faire de l'austérité" alors que "face à des taux pareils, n'importe quelle entreprise en profiterait pour s'endetter et investir, surtout si, comme les gouvernements européens, elle pense que ça ne va pas durer".
Privilégier le désendettement actuellement, "cela a un sens seulement si on est l'Allemagne, au plein emploi et avec une démographie défavorable", assure-t-il.
AFP/VNA/CVN