>>Coronavirus : le point sur la pandémie dans le monde
>>Vaccins : Pfizer et AZ "hautement efficaces" après une dose chez les plus de 70 ans
Vue générale de Vila do Corvo, l'unique village de l'île de Corvo aux Açores, le 12 mars. |
"Nous vivions déjà une vie très proche de la normalité, et maintenant elle le sera encore plus !", se réjouit Antonio Salgado, le seul médecin de l'île, en cochant les noms des habitants qui défilent dans le pavillon sportif municipal pour recevoir leur deuxième dose du vaccin Pfizer.
"C'est une compensation pour les difficultés que nous endurons au quotidien", ajoute le docteur âgé de 62 ans, arrivé sur l'île il y a moins d'un an. Déjà habitué aux pénuries de fruits ou de carburant, il a appris à faire ses propres yaourts.
Avec son village construit sur une ancienne coulée de lave, coincé entre la falaise et la haute mer, l'île de Corvo ("le Corbeau", environ 400 habitants) est la seule partie du Portugal où les autorités ont décidé d'immuniser l'ensemble de la communauté, sans se limiter aux groupes prioritaires.
Entre le premier et unique cas détecté fin janvier et la vaccination volontaire de la quasi-totalité de la population adulte, conclue samedi 13 mars, les habitants de Corvo auront vécu moins de deux mois sous la menace directe de la pandémie qui, pourtant, a durement frappé le territoire continental en début d'année.
Ailleurs en Europe, la Grèce a lancé un programme de vaccination similaire dans une quarantaine d'îles de moins d'un millier d'habitants, déjà terminé dans huit d'entre elles selon l'agence de presse grecque ANA.
"Comme dans une capsule"
Contrairement aux Portugais du continent, soumis depuis deux mois à un confinement strict qui commence tout juste à être levé, les "Corvinos" peuvent se retrouver dans les cafés et les restaurants pour discuter avec insouciance des effets secondaires que le vaccin à provoqué chez certains d'entre eux.
Des enfants, le visage masqué, durant une promenade sur l'île de Corvo aux Açores, le 11 mars. |
Pour Fernando Câmara, natif de l'île et guide touristique de 67 ans, la vaccination représente "une lumière au bout du tunnel" car il espère qu'elle permettra la reprise de son activité, une des rares sources de revenus d'une île largement dépendante de l'extérieur.
Avec son imposant cratère volcanique qui abrite un ensemble de lacs et des espèces rares de plantes et d'oiseaux, Corvo est classé Réserve de Biosphère par l'Unesco.
Outre ces richesses naturelles, l'île de 17 km carrés possède une demi-douzaine de petits bateaux de pêche et un millier de vaches qui peuplent les pâturages de ses hauteurs déboisées, quadrillées par des murets en pierre de lave ou des haies d'hortensias qui fleurissent en juillet.
Jusqu'au signalement d'un cas asymptomatique chez un habitant qui avait passé Noël sur le continent, l'île vivait "un peu comme dans une capsule", témoigne Elisabete Barradas, une enseignante de 57 ans résidant à Corvo depuis trois ans.
Mais, dans le même temps, ses habitants voyaient "avec beaucoup d'inquiétude" le reste du monde sombrer dans la tourmente sanitaire. "Je me sens très privilégiée", confie-t-elle avec soulagement, juste après avoir reçu sa deuxième dose du vaccin.
"Un territoire immunisé"
Dotée d'un ventilateur mais sans aucun lit d'hospitalisation, l'île risquait gros. "Nous avons eu très peur que quelqu'un arrive ici et contamine tout le monde, comme sur un bateau", se souvient Goreti Melo, une des deux infirmières de l'île, âgée de 60 ans.
"La contagion aurait été désastreuse et très rapide", abonde le maire, José Manuel Silva. "Nous n'avons qu'une boulangerie donc, inévitablement, nous fréquentons tous les mêmes endroits", explique-t-il en racontant que certains habitants avaient même défendu le bouclage de l'île.
Comme la quantité de vaccins nécessaires à Corvo ne compromettait pas la campagne en cours sur les huit autres îles des Açores, "la seule décision responsable était de vacciner toute la population d'un coup, pour créer un territoire immunisé", explique Clélio Meneses, en charge de la Santé au sein du gouvernement de cette région autonome.
Avec l'île voisine de Flores, dix fois plus peuplée, Corvo se trouve dans l'extrême Nord-Ouest de l'archipel des Açores, à 500 km de Ponta Delgada, la capitale régionale, et presque 2.000 kilomètres du continent.
Pendant des siècles, elle a été tantôt un refuge, tantôt une cible pour les pirates qui sévissaient sur la route de l'Amérique. Face à la pandémie, elle représente toujours un havre de normalité mais, désormais, elle n'est plus aussi vulnérable.
AFP/VNA/CVN