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Craig Blair, patron et gérant de Capitan Energy, le 7 mars à Culberson, au Texas. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Installé depuis les années 1980 dans le Bassin permien, à cheval entre le Texas et le Nouveau-Mexique, le patron de l'entreprise de pétrole et de gaz Capitan Energy a vu sa production s'écrouler ces dernières semaines, passant de 15.000 à 6.000 barils de pétrole par jour.
"Si vous étiez venus il y a six mois, il n'y aurait rien dans ce hangar", soupire l'Américain âgé de 63 ans depuis son bureau aux baies vitrées. Il pointe du doigt les machines de construction, générateurs et autre outils de travail guère utilisés depuis que les opérations sont presque à l'arrêt.
Ils sont pour le moment soigneusement alignés les uns à côté des autres dans la cour, protégés du soleil aveuglant et d'une omniprésente poussière beige.
Cheveux argentés arrangés en queue de cheval, jean et chemise bleu marine confortable, Craig Blair a aménagé son terrain selon un principe d'autosuffisance. En plus des activités d'extraction et de production pétrolières, son domaine comprend un atelier de réparations mécaniques, et il allait bientôt y installer du bétail.
De grands projets en suspens depuis l'épidémie de COVID-19, qui a touché de plein fouet l'industrie pétrolière de la région. Le 20 avril, les cours du baril de pétrole américain sont même tombés sous la barre de zéro en raison de l'effondrement de la demande en énergie lié à la pandémie et de la saturation des stocks de produits pétroliers.
"J'ai perdu un demi-million d'USD ce jour-là", se souvient Craig Blair, qui a dû payer 37 USD le baril pour se débarrasser de son pétrole, qu'il ne pouvait pas stocker indéfiniment.
Le patron gère Capitan avec son cousin Steve de manière indépendante, sans actionnaires.
Tout diviser par deux
"Le prix du pétrole a chuté de 50%, la seule manière de joindre les deux bouts est donc de tout diviser par deux", explique-t-il.
Un bassin de fracturation hydraulique de Capitan Energy, le 7 mai à Culberson, au Texas. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Craig Blair a donc réduit de moitié les salaires de sa centaine d'employés et ne travaille plus qu'avec des contractuels qui ont baissé leurs tarifs de 50% également.
Il estime que ces mesures ont "empêché l'hémorragie de se produire maintenant". Mais dans deux ou trois mois, si la situation reste la même, il faudra songer à des licenciements, ce qu'il a pour le moment réussi à éviter.
Le terrain de Capitan Energy s'étend sur près de 300 kilomètres carrés. On y voit des collines vertes et brunes, des réservoirs de pétrole et de gaz et des bassins de fracturation hydraulique protégés par de grandes bâches.
Et des puits de forage, comme ces quatre têtes flambant neuves, plantées dans le sol sablonneux et dont la mise en route n'a pas pu advenir avant la crise : "Un projet à 30 millions d'USD".
"Si j'avais le choix, j'aurais fermé le gisement et attendu que (les cours du pétrole) s'améliorent", dit-il.
Mais les contrats passés avec les compagnies d'oléoducs l'obligent à poursuivre sa production, qui s'écoule à des prix cassés.
"Nous avons mis fin à tous les projets dans lesquels nous n'étions pas encore trop engagés", raconte-t-il, "et nous ne les reprendrons pas avant que le prix du pétrole atteigne 50 USD le baril".
"23,35 USD", bougonne-t-il en regardant l'écran de son téléphone portable : "C'est l'une de mes mauvaises habitudes, regarder ces stupides prix 40 fois par jour".
"Je ne vois pas comment les prix du pétrole vont s'améliorer tant qu'on ne s'en servira pas", lâche-t-il.