Au Salon de l'agriculture, la ferme France à l'aube de sa révolution

Sommé de réinventer un modèle agricole pointé du doigt par l'exécutif, le monde paysan, fragilisé par plusieurs crises successives, a rendez-vous avec son avenir, samedi 24 février lors de l'inauguration du Salon de l'agriculture par Emmanuel Macron, attendu de pied ferme.

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Photo : AFP/VNA/CVN

Après des manifestations dans tout le pays contre le projet d'Accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), le président avait d'ores et déjà prévenu les 700 jeunes agriculteurs reçus jeudi 22 février à l'Élysée qu'il se "moquait totalement" de l'ambiance dans laquelle il serait reçu Porte de Versailles, concentré qu'il est sur la construction du "visage de la France agricole des prochaines années".
Les éleveurs français, représentés au salon par la vache de race Aubrac "Haute", craignent notamment l'importation à taux réduit en Europe de 70.000 tonnes de viande bovine sud-américaine par an, à droits de douane réduits.
Ils font valoir la concurrence déloyale de cette viande industrielle produite à très bas coûts et selon des standards sanitaires et de qualité beaucoup moins exigeants qu'en Europe, à l'heure où l'exécutif encourage la montée en gamme des élevages hexagonaux.
Pronant "la valeur ajoutée, l'ouverture, la planète", M. Macron a assuré "qu'il n'y aura(it) jamais de boeuf aux hormones en France", même si des accords comme celui avec le Mercosur étaient signés, ajoutant "il n'y aura(it) aucune réduction de nos standards de qualité, sociaux, environnementaux, ou sanitaires à travers cette négociation".
Pas convaincue, la patronne de la FNSEA Christiane Lambert a estimé vendredi  23 février que la France risquait "de perdre 20 à 25.000 exploitations" si l'Europe signe ces accords. Samedi 24 février, Mme Lambert compte bien dire à M. Macron "de façon très directe (...), les yeux dans les yeux, ce qui va et ce qui va moins bien".
Autre motif d'inquiétude, la révision de la carte des zones agricoles défavorisées, qui va faire sortir 1.380 communes du dispositif ouvrant droit à une indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN).
Départs en retraite massifs

Un agriculteur conduit une vache à la veille de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris le 22 février 2018.

Les inquiétudes sont d'autant plus fortes qu'en dépit des nombreux rappels à l'ordre du gouvernement à la sortie des états généraux de l'alimentation (EGA) - et en attendant en septembre la loi censée garantir une meilleure rémunération de leur production - la grande distribution n'a pas joué le jeu dans les négociations commerciales annuelles avec les producteurs, qui s'achèvent pendant le salon.
Selon Christiane Lambert, "ce qui se passe c'est l'inverse" de la volonté exprimée par les EGA de recréer de la valeur pour les agriculteurs. Or, en 2016, près de 40% des chefs d'exploitation agricoles ont perçu un revenu mensuel négatif ou n'excédant pas 360 euros, selon les dernières statistiques de la MSA, la sécurité sociale agricole, publiées vendredi 23 février.
Certaines annonces d'Emmanuel Macron ont tout de même quelque peu rasséréné le monde rural comme la promesse d'une mise en place de "verrous réglementaires" sur les achats de terres agricoles par des étrangers en France.
Sur le problème plus global de l'accès au foncier pour les jeunes générations d'agriculteurs, le président a demandé "pour le mois de mai" qu'on "imagine" un système de "pré-retraites agricoles avec une sortie progressive de l'activité" afin de permettre à un jeune de prendre la suite de ses parents.
"40% des agriculteurs aujourd'hui en activité seront partis à la retraite" d'ici à 2020, a dit le président jeudi 22 février. Soit la perspective d'un vaste plan de départs anticipés pour une partie des 453.113 chefs d'exploitation que comptait le pays au 1er janvier 2017.
Les agriculteurs ont reçu ces annonces de façon plutôt bienveillante mais avec appréhension, en indiquant qu'ils seraient vigilants sur leur traduction en actes.
D'autant plus vigilants que les rumeurs vont bon train, depuis plusieurs semaines, au sujet d'une autre forme de révolution : une diminution de l'enveloppe budgétaire de la politique agricole commune (PAC) 2020-2027 après la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne.

AFP/VNA/CVN 

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