Max Hurdebourcq est ravi. «C’est un très bon contact, ils n’ont pas crié, ça veut dire qu’ils n’étaient pas trop inquiets qu’on soit là !», explique ce photographe passionné, qui vit la moitié de l’année en solitaire, au cœur de la forêt tropicale gabonaise.
Il y a sept ans, ce voyageur français «qui connaissait mal l’Afrique» a presque tout abandonné pour fonder «Bambidie gorilla project», un programme de préservation du gorille des plaines de l’Ouest, moins connu que son cousin des montagnes qui vit sur les hauteurs d’Afrique de l’Est (Rwanda, Ouganda, RDC).
Deux gorilles des plaines du zoo de Duisbourg (Allemagne). |
L’aventure démarre en 2008 avec un projet de reportage sur les exploitations forestières engagées dans l’aménagement durable. Direction Bambidie, dans l’Est du Gabon. La Compagnie équatoriale des bois (CEB, du groupe suisse «Precious Woods») qui l’accueille, vient tout juste d’être auréolée du prestigieux label environnemental Forest Stewardship Council (FSC).
Une clairière pour sanctuaire
En parcourant cette concession de 600.000 hectares, Max Hurdebourcq se rend vite compte de l’abondance de la faune, qui cohabite tant bien que mal avec l’activité forestière. Il y croise éléphants, buffles, antilopes, chimpanzés... Et gorilles.
«Je me demandais comment ils s’adaptaient au bruit des machines, aux routes qui se construisent au milieu de leur habitat», dit-il. La question a de quoi se poser, dans un pays recouvert à 80% de forêt, dont une grande partie est morcelée en permis forestiers, en dehors des 11% du territoire classé «parcs nationaux».
Des années de travail dans des conditions parfois difficiles lui ont permis de mieux comprendre le comportement social et les déplacements de ces primates, dont la survie est menacée par la déforestation et le commerce de viande de brousse.
À force de tâtonnements - et grâce à quelques bons tuyaux de braconniers locaux - Max a fini par se frayer un chemin dans la végétation dense... et découvrir enfin ce qu’il cherchait.
C’est là, dans une clairière tantôt ensoleillée, tantôt inondée par les grandes pluies, que pousse une plante aquatique dont les gorilles raffolent. Du haut d’une petite plateforme hissée dans la canopée, lui observe et filme les familles - souvent nombreuses - qui viennent se nourrir.
Le gorille des montagnes (présenté ici) est beaucoup plus connu que son cousin des plaines de l'Ouest. |
Le chef de clan, reconnaissable à son «dos argenté», précède souvent les jeunes mâles et ses femelles, au dos desquelles s’accrochent les plus petits. Au total, leur protecteur a recensé pas moins de neuf groupes d’habitués sur ce site, soit environ 80 gorilles.
Avec les images rares qu’il a pu capturer de leur intimité, il a fini par attirer la curiosité de grandes ONG environnementales comme la Wild Life Conservation Society (WCS), qui lui a proposé un appui pour cartographier les sites intéressants et recueillir davantage de données scientifiques.
Convaincre forestiers et villageois
Son objectif : convaincre les forestiers de la CEB de créer des sanctuaires autour des clairières qui enregistrent une forte affluence de gorilles, pour éviter qu’on vienne y abattre des arbres.
Car c’est là toute la difficulté : concilier l’activité économique rentable avec la protection des gorilles. Avec 600 employés et leurs familles, l’entreprise fait vivre près de 3.000 personnes à Bambidie. C’est l’un des principaux pourvoyeurs d’emplois de la région.
«On ne peut pas mettre toute la forêt en protection, il faut que les gens vivent (...) et les compagnies forestières font vivre une grande quantité de communautés», explique Philippe Jeanmart, directeur de l’exploitation forestière de Bambidie.
Mais selon lui, «le travail de Max a permis de montrer qu’avec une exploitation bien gérée, on peut maintenir une vie animale et des écosystèmes dans un état qui permette la survie d’espèces très sensibles comme le gorille».
Reste une autre menace à laquelle sont confrontés les primates : la chasse. Alors pour convaincre les villageois de ne pas les tuer, Max a lancé un programme de sensibilisation dans les écoles implantées dans la concession forestière.
«Certains mangent le gorille, mais souvent, les gens l’abattent parce qu’ils en ont peur. J’essaie de parler aux enfants, de leur montrer à quel point leurs comportements sont parfois proches des nôtres. Nous pouvons cohabiter».