>>En Provence, "visio-dégustations" ou "drive-in" pour contrer la chute des ventes de vin
Le caviar. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"L'image du caviar est calamiteuse : un truc pour les riches, show off, un peu ringard, cela ne donne pas envie", reconnaît Françoise Boisseaud, directrice générale du Comptoir du Caviar.
Dans la boutique à deux pas de la Madeleine à Paris, on est accueilli par une jeune équipe en T-shirt qui fait découvrir la différence entre le caviar d'esturgeon de Sibérie baeri noir et iodé, schrenki aux grains dorés ou osciètre aux notes de noisettes... On se pose des grains sur la main et on déguste à même la peau. Ils font une cuisine "d'assemblage" à manger sur place en servant du caviar avec des œufs, blinis ou burrata.
Accessibilité des codes
Une fois par mois, "on organise des soirées avec une ambiance festive, de la musique, on mange debout et on propose 20% de remise sur le caviar sur place", raconte Jean-Christophe Viau, responsable de la boutique. Décor minimaliste, boîtes simples avec des étiquettes colorées et cuisine faite par des non-professionnels, c'est un parti pris. "On mise sur l'accessibilité des codes", résume Françoise Boisseaud.
La manufacture Kaviari, qui travaille avec des chefs étoilés et organise dans ses locaux des déjeuners intimistes pour célébrer un palmarès ou la sortie d'un livre de gastronomie de leurs clients chefs étoilés, vient de s'associer avec Emmanuelle Jary qui anime une émission grand public très populaire sur Youtube, "C'est meilleur quand c'est bon".
Remplissage de boîtes de caviar dans une ferme d'esturgeons, en Charente-Maritime. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La jeune femme qui promeut une cuisine accessible, engagée et décomplexée et dont le livre de recettes sorti en novembre est un grand succès, prépare des pâtes à la crème avec du caviar Kaviari. En commentant cette vidéo, on peut gagner un demi-kilogramme de caviar. "50 grammes de caviar, 83 euros. Je ne dis pas que ce n'est pas cher, mais tu as un repas pour deux avec du caviar", dit Emmanuelle Jary.
Culture à construire
Il y a 100 ans, le caviar était méconnu en France. Ce sont les immigrés arméniens Melkoum et Mouchegh Petrossian qui doivent d'abord persuader César Ritz de mettre les précieux œufs d'esturgeons de la Caspienne à la carte de ses palaces avant d'ouvrir leur boutique à Paris.
Mais il y avait à partir de l'entre-deux-guerre jusqu'à la disparition des esturgeons une tradition française dans la Gironde (Sud-Ouest), souligne Loïc Bienassis de l'Institut européen de l'histoire et des cultures de l'alimentation à Tours. Aujourd'hui "c'est une culture à construire", déclare l'historien. "Un aliment doit être bon à penser", cite-t-il l'anthropologue Claude Lévi-Strauss.
Le développement de la filière en France depuis l'interdiction du caviar sauvage en 2008, la baisse des prix due au passage à l'élevage et l'intérêt croissant pour les produits brut d'exception pourraient jouer en sa faveur.
"Les grands pâtissiers vendent un gâteau à 10 euros, nous vendons une boîte de caviar de 20 grammes pour deux à partir de 26 euros", souligne Françoise Boisseaud qui espère que le caviar suivra la voie du champagne qu'on consomme plus souvent qu'il y a 30 ans lorsqu'il était réservé pour les grandes occasions.
"En France, dès qu'on parle de caviar, on parle automatiquement d'argent. Les gens ne connaissent pas assez. On peut se faire plaisir avec une boîte de 30 grammes", déclare Stéphane Buron, chef doublement étoilé du restaurant Chabichou à Courchevel.
À la maison, inutile de reproduire ses recettes de bar ou Saint-Jacques au caviar, c'est aussi bon avec des fondues, des œufs ou nature, dit le chef.
"Le caviar se suffit à lui-même", assure Mikaël Petrossian, troisième génération de la dynastie du caviar. "Il n'a pas besoin de fioriture, d'argenterie, il doit être mangé de manière la plus simple possible : pas de blinis, pas de pain, juste la boîte et une petite cuillère".
AFP/VNA/CVN