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Nguyên Thi Binh (droite), de l’atelier de couture My Hào, aide une cliente à choisir du tissu. |
L’atelier de couture My Hào a une façade plutôt exiguë sur la rue Câu Gô, une des plus animées du centre-ville de Hanoï. Des dizaines de pièces d’étoffes sont exposées contre les murs des deux côtés. Dedans, trône une table de coupe en bois foncée par le temps, où de 20 à 30 áo dài (tunique traditionnelle des Vietnamiennes) sont conçus chaque jour. Et ce, depuis quelque 70 ans.
My Hào, ou Lê Van Hào de son vrai nom, est originaire de Trach Xá, un village de la banlieue de Hanoï spécialisé dans la confection d’áo dài. Dans les années 1940-1950, le jeune homme suit son oncle pour s’installer dans le centre-ville, afin d’ouvrir une boutique de tailleur, où il peut bien apprendre les techniques du métier. "En 1945, mon village comptait une centaine de couturiers qui confectionnaient seulement des +áo tu thân+ (tunique à quatre pans)".
Après la libération de la capitale en 1954, ces artisans de Trach Xá se réunissent dans des coopératives de confection éparpillées dans les rues de Hanoï. Il n’existe alors que quelques boutiques privées d’áo dài, dont My Hao, qui subsistent grâce à la persévérance des couturiers qui savent promouvoir leur créativité pour créer de nouveaux modèles.
De 20 à 30 tuniques conçues chaque jour
Assidu, laborieux, intelligent et habile, le jeune artisan Lê Van Hào est alors choisi pour confectionner les áo dài de la Troupe de chant, danse et musique du Vietnam. "La sélection de couturiers a vraiment été difficile. Seuls ceux qui ont su faire preuve de leur savoir-faire et de leur excellence ont été choisis".
Depuis, les áo dài de marque My Hào ont été portés par de nombreuses chanteuses et actrices lors de spectacles et représentations dans le pays et à l’étranger, contribuant à faire rayonner l’image des tuniques traditionnelles riches de l’identité nationale du Vietnam auprès des amis internationaux.
Nombreuses sont les journalistes-présentatrices des Télévisions du Vietnam et de Hanoï qui figurent parmi les plus fidèles clientes de cette boutique d’áo dài, et ce depuis des décennies. Certaines d’entre-elles en possèdent même plusieurs dizaines.
Jusqu’au début des années 2000, à l’âge de 70 ans, My Hào se plongeait encore dans la couture, la règle dans une main et les ciseaux dans l’autre, sur la table en bois foncé par le temps. Il découpait le tissu, alors que sa femme et ses enfants assumaient l’assemblage des pans, le fixage des boutons et autres tâches secondaires. Sa famille faisait figure d’une chaîne de production travaillant toute la journée. "Chaque jour, notre atelier familial confectionne environ 20 à 30 +áo dài+. Lors de la saison des mariages ou à l’approche du Nouvel An lunaire, la clientèle est encore plus nombreuse".
My Hào ne saurait compter le nombre total de costumes qu’il a conçus au fil des années : des vestes doublées, courtes, ouatées, et surtout des áo dài. Les Hanoïennes ne sont pas les seules à apprécier le travail de ce fameux couturier. "Beaucoup de personnes d’autres localités sont venues chez nous pour se faire faire un +áo dài +sur mesure", a-t-il indiqué.
La boutique d’áo dài My Hào dans la rue Câu Gô à Hanoï. |
En effet, outre une grande habileté dans la confection des tuniques, M. Hào possède aussi des qualités de styliste quant aux choix des modèles, formes et couleurs qui conviennent à chaque personne. Rares sont ceux qui maîtrisent encore la technique de conception traditionnelle comme lui : sans aucune pince, mais l’habit colle bien, associé harmonieusement à la taille.
En plus des áo dài pour femmes, l’artisan de Trach Xá confectionne aussi ceux pour hommes. Le nonagénaire se rappelle fièrement avoir créé des tenues pour Trân Huy Liêu (1901-1969), ministre de la Propagande du premier gouvernement de la République démocratique du Vietnam, aussi pour les anciens ministres des Affaires étrangères Nguyên Co Thach (1921-1998) et Nguyên Dy Niên.
My Hào travailla pendant de nombreuses années avant de s’arrêter pour des raisons de santé. Sa boutique toujours ouverte, mais désormais, c’est sa belle-fille Nguyên Thi Binh qui la dirige à sa place.
De générationen génération
Passionné par cet artisanat, Lê Van Hào croît qu’il a pour mission de le maintenir et de transmettre ses techniques à la prochaine génération. "Je dois soutenir les apprentis pour qu’ils puissent acquérir autant de techniques possibles. La couture doit être maintenue car la demande de bien s’habiller est actuellement aussi grande que celle de bien manger".
Ses enfants suivent ainsi son métier. Ils mènent chacun leur propre atelier de couture dont My Son et My Vinh situés dans la même rue Câu Gô, ou encore My Nga à Nghia Dung. Ils possèdent tous une clientèle fidèle, grâce aux artisans qui, en poursuivant les techniques de couture ancestrales et confirmées, s’emploient continuellement à sonder et capter les nouvelles tendances afin de satisfaire sans cesse le goût des clients.
La transmission des savoir-faire de génération en génération, comme la famille de Lê Van Hào, permet de maintenir non seulement un métier artisanal, mais aussi des tuniques traditionnelles délicates qui contribuent à renforcer la position des ateliers familiaux sur le marché.
Pourtant, les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les affaires sont incontestables. "Les commandes sont tombées en chute libre cette année. De nombreuses fêtes et cérémonies, dont les mariages, ont été reportées voire même annulées", déplore Nguyên Thi Binh.
À ce jour, la marque My Hao est connue dans l’ensemble du pays, avec des enseignes composées du mot "My" (My Son, My Nga, My Vinh…) présentes dans différents lieux, devenant un symbole de quintessence de la confection de la tunique traditionnelle.
Texte et photos : Mai Quynh/CVN