>>COVID-19 : décision en appel vendredi concernant Amazon
>>Amazon prolonge de deux jours la fermeture de ses sites en France
L'entrepôt Amazon de Brétigny-sur-Orge (Essonne) le 28 novembre 2019. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La cour d'appel de Versailles a rendu dans l'après-midi un jugement de Salomon : elle a donné raison aux syndicats qui réclamaient une réelle évaluation des risques liés au nouveau coronavirus, venant confirmer l'ordonnance du 14 avril du tribunal de Nanterre, tout en assouplissant les restrictions de livraison imposées à l'entreprise.
La cour a ainsi précisé et élargi la liste des produits qu'Amazon peut continuer à livrer dans l'attente de cette évaluation et a limité l'astreinte à 100.000 euros par infraction au lieu d'un million d'euros.
Amazon avait fait appel de la décision initiale de Nanterre en jugeant impossible à appliquer la limitation de ses activités aux produits d'hygiène, produits médicaux et d'alimentation, faute de précision.
Dans son arrêt vendredi 24 avril, la cour a précisé qu'Amazon devait s'en tenir sous 48 heures aux produits high-tech, informatique, bureau et "tout pour les animaux", santé et soins du corps, homme, nutrition, parapharmacie, ainsi qu'à l'épicerie, boissons et entretien. Passé ce délai de 48 heures, chaque infraction devait être pénalisée à hauteur de 100.000 euros pendant une durée maximale d'un mois.
La liste est cette fois assise sur la nomenclature de l'entreprise.
Selon les syndicats, son activité sera néanmoins réduite dans l'attente de l'évaluation des risques d'environ 50%, puisque la liste ne mentionne ni livres ni musique, de gros postes pour Amazon.
L'astreinte "pourrait impliquer que même un taux infime de traitement accidentel de produits non autorisés, de l'ordre de 0,1%, pourrait entraîner une pénalité de plus d'un milliard d'euros par semaine", a affirmé l'entreprise dans un communiqué. "Nous n'avons pas d'autre choix que de prolonger la suspension temporaire de l'activité de nos centres de distribution français", fermés depuis le 16 avril, "alors que nous évaluons la meilleure façon d'opérer au regard de (cette) décision" de justice, affirme Amazon.
Le géant de la logistique demande à ses salariés de "rester chez eux jusqu'au 28 avril inclus", tout en percevant leur plein salaire. Ses clients "peuvent toujours commander plusieurs millions de produits auprès des entreprises indépendantes qui vendent sur Amazon et au travers de notre réseau logistique mondial".
CSE convoqué lundi 27 avril
Amazon a fait l'objet de 6 mises en demeure de l'inspection du travail pendant la période de déconfinement. |
Laurent Degousée de Sud-Commerce, membre d'Union solidaires, à l'origine de la plainte, s'est félicité d'une décision en appel "extrêmement ferme sur les obligations de prévention de l'employeur", lors d'un point-presse téléphonique.
Il a rappelé qu'"en première instance, Sud était seul, mais qu'en appel Amazon se retrouve avec une coalition de syndicats (CGT, CFDT, FO) et de représentants du personnel". "Une Union sacrée" a renchéri Me Jonathan Cadot qui intervenait pour la CFDT.
"Cela vaut pour toutes les entreprises qui font fi de la sécurité de leurs salariés", a commenté Julien Vincent, délégué CFDT, qui "n'écarte aucune possibilité pour les prochains jours, y compris la négociation d'un plan de continuité de l'activité".
Un comité social et économique central est convoqué lundi 27 avril.
Patrice Clos (FO Transport) espère que "ce jugement fera jurisprudence un peu partout", estimant à 5.150 le nombre de cas de COVID-19 et 31 décès dans la logistique de transport.
Amazon ne communique pas le nombre de cas - 16 selon Sud qui réclame un observatoire.
L'entreprise, dont les entrepôts tournaient à plein depuis la mise en oeuvre du confinement le 17 mars, a fait l'objet de 6 mises en demeure de l'inspection du travail et tous ses sites français ont été contrôlés. Elle focalise l'attention par son rôle clé dans le commerce en ligne (36% de parts de marché en France) et sa gestion des salariés souvent jugée "déshumanisée".
"Nos centres de distribution en France et partout dans le monde sont sûrs", maintient Amazon.
L'arrêt de la cour d'appel sera suivi de très près par les entreprises qui craignent la multiplication des contentieux dans le cadre du déconfinement.
Le 9 avril, le tribunal judiciaire de Paris avait déjà ordonné à La Poste, assignée par SUD-PTT en référé, de produire "dans les meilleurs délais" un document détaillant l'évaluation des risques professionnels liés à l'épidémie.
"On reproche à Amazon et à La Poste d'avoir fait mal, insuffisamment, et de n'avoir pas vérifié l'effectivité des mesures prises. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent tenir à jour leur Document unique d'évaluation professionnelle. Ne pas le faire est une faute inexcusable pour l'employeur", rappelle l'avocat spécialiste du droit du travail Eric Rocheblave.