Alcool en Arabie saoudite : changement mineur ou grand bouleversement ?

L'annonce de l'ouverture prochaine du premier magasin d'alcool en Arabie saoudite suscite le débat dans le royaume, où locaux et expatriés se demandent s'il s'agit d'un changement de façade ou le début d'un bouleversement majeur.

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L'alcool arrivait déjà en Arabie saoudite via le courrier diplomatique. 
Photo : Shutterstock/VNA/CVN

Des sources proches du dossier ont révélé mercredi 24 janvier les détails du projet, qui sera strictement encadré par les autorités, et qui ne change rien pour la grande majorité des 32 millions d'habitants dans la monarchie du Golfe.

Situé dans la capitale Ryad, le magasin ne sera accessible qu'aux diplomates -musulmans, qui pouvaient se procurer de l'alcool jusque-là à travers les valises diplomatiques.

Les acheteurs se verront imposer des quotas et devront s'enregistrer à travers une application mobile. Ils devront également garder leur téléphone dans une "pochette spéciale" en remplissant leurs caddies de bière, de vin et de spiritueux.

Certains voient toutefois dans cette mesure une brèche dans la politique de prohibition appliquée à l'échelle nationale depuis 1952, annonciatrice de grands changements à venir.

"Ce pays ne cesse de nous surprendre", réagit un homme d'affaires libanais dînant mercredi soir 24 janvier au LPM, un restaurant français à Ryad, connu pour son menu extensif de vins et cocktails sans alcools, et son bar en marbre de 18 m de long.

"C'est un pays qui se développe, qui grandit et qui attire beaucoup de talents et d'investissements. Alors oui, bien sûr, il y en aura beaucoup plus", estime-t-il.

Comme d'autres client du LPM, l'homme d'affaires refuse d'être nommé, soulignant la sensibilité des questions liées à l'alcool - interdit par la religion musulmane - dans le pays abritant deux des sites les plus saints de l'Islam.

"Effrayant" 

Attablés devant un tiramisu aux noisettes, deux Saoudiens d'une trentaine d'années s'inquiètent, eux, pour l'identité du royaume.

"Ce n'est pas qui nous sommes", dit l'un d'entre eux, assurant toutefois ne porter aucun jugement sur les personnes qui boivent. Mais, selon lui, "le fait d'avoir (un magasin qui vend de l'alcool) affecte la culture et la communauté".

Le barman Asabek Mashraboy sert une boisson au "Meraki Ryad", un bar pop-up proposant des bellinis et des spritz sans alcool, servis dans des verres à cocktail réfrigérés, le 8 mars 2023, en Arabe saoudite. 
Photo : AFP/VNA/CVN

"Disons que, si j'ai un frère plus jeune, si l'alcool est en circulation, il est possible qu'il devienne alcoolique", explique-t-il.

Son ami estime quant à lui que ceux qui veulent boire devrait le faire à l'étranger, comme cela a toujours été le cas. "C'est effrayant qu'ils autorisent de telles choses à entrer dans (le pays)", dit-il.

Dans le cadre de son vaste programme de réformes, le prince héritier et dirigeant de facto du royaume, Mohammed ben Salmane, cherche à diversifier l'économie du premier exportateur mondial de pétrole en développant les secteurs des affaires, du sport et du tourisme.

Il doit attirer davantage d'étrangers, et une levée "par étapes" des restrictions sur l'alcool pourrait jouer un rôle à cet égard, souligne Kristin Diwan, du Arab Gulf States Institute à Washington.

"Il s'agit d'une étape supplémentaire dans la normalisation par le gouvernement d'une approbation de l'alcool dans des contextes définis", estime-t-elle.

"Étroitement contrôlé"

Les autorités saoudiennes ont affirmé mercredi 24 janvier que leur objectif était de "lutter contre le commerce illicite des produits alcoolisés reçus par les missions diplomatiques", en référence au marché noir, où une bouteille de whisky peut se vendre à plusieurs centaines d'USD.

Pour Kristian Ulrichsen, chercheur au Baker Institute de l'université Rice, elles font ainsi passer un "message subtil disant qu'un changement pourrait intervenir mais que le processus sera progressif et étroitement contrôlé".

Dans un bar de Riyad, un barman prépare des bellinis et des spritz sans alcool, servis dans des verres à cocktail. 
Photo : AFP/VNA/CVN

En attendant, les professionnels de la restauration restent prudents. La mesure "n'a pas d'impact direct" sur l'industrie, affirme un responsable du secteur, en soulignant toutefois qu'elle pourrait contribuer à changer l'image de l'Arabie saoudite et y attirer "davantage de visiteurs", donc de clients.

En revanche, les fournisseurs de mocktails et autres boissons non alcoolisées, qui prospèrent dans le royaume abstème, ne sont pas pressés de voir le pays changer.

"Ce n'est pas une bonne chose pour moi. Je perdrais mon business", plaisante Evans Kahindi de Blended by Lyre's, une compagnie de spiritueux non alcoolisés.

AFP/VNA/CVN

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