Agriculture : vers un développement durable du delta du Mékong

Le delta du Mékong est la première région de production agricole du Vietnam que ce soit pour le riz, les fruits ou les produits aquatiques. Ses potentiels demeurent cependant insuffisamment exploités. Que doit faire le secteur agricole de la région pour se développer durablement ?

Le delta du Mékong couvre une superficie de quatre millions d'hectares dont 3,2 millions de terres agricoles, représentant 12% du total national. Outre une terre fertile, les conditions climatiques qui règnent dans cette région sont favorables pour la riziculture comme la fruiticulture. Il possède par ailleurs un réseau routier et fluvial développé, ce qui en fait également une zone de commerce.

Chaque année, le delta du Mékong réalise la moitié de la production vivrière du pays et est à l'origine de plus de 90% des exportations de riz du pays, pour un chiffre d'affaires de 1,5-2 milliards de dollars. Il représente 70% de la production aquatique et 80% de leurs exportations. Il fournit de même une grande quantité de fruits, de légumes et de viande pour le marché domestique comme ceux de l'étranger.

Dans la production agricole, la riziculture est de première importance. Dans la province de Long An, la superficie qui lui est consacrée a atteint 471.000 ha cette année avec un rendement de 5 tonnes par hectare et une production de plus de 2,3 millions de tonnes. D'autres plantes comme la canne à sucre, les cacahouètes, les légumes... sont cultivées dans des zones spécifiques. La canne à sucre représente 13.000 ha avec un rendement annuel de 900.000 tonnes ; les citrons, 100.000 tonnes ; les fruits du dragon, 40.000 tonnes.

À Tiên Giang, la riziculture occupe 230.000-235.000 ha, mais la province cultive aussi d'autres plantes. La fruiticulture est passée de 24.500 ha en 1990 à 70.000 ha en 2010 avec un rendement d'un million de tonnes.

Pourtant, le revenu de la population locale demeure faible, les ressources humaines ne sont pas qualifiées, ce qui freine le développement du secteur agricole régional.

Raisons

Le delta du Mékong exploite ses potentiels sans suffisamment investir dans le développement de ses infrastructures de communication. La plupart des produits qu'il exporte sont bruts. Ses ressources aquatiques risquent de s'épuiser en raison de la montée du niveau de la mer. Les crues, sécheresses et inondations résultant du changement climatique ont également d'importantes conséquences sur la production agricole.

Selon l'Institut des sciences hydrauliques du Sud, les eaux de la mer Orientale ont progressé de 70m à l'intérieur des terres du delta, ce qui a pour effet de les saliniser un peu plus. À Kiên Giang, Hâu Giang, Cà Mau, Soc Trang, Trà Vinh et Tiên Giang, la salinité de l'eau atteint désormais plus de 4‰ alors que le riz ne peut supporter qu'un taux de 2‰. Si, comme les prévisions l'indiquent, la mer gagne encore un kilomètre d'ici 2100, 31% de la surface agricole et aquicole seront inexploitables.

Le delta du Mékong applique de nouvelles technologies dans la production pour augmenter la valeur ajoutée et la compétitivité des produits. Seuls 25% des agriculteurs régionaux peuvent accéder aux informations du marché. La région manque d'usines de transformation et compte seulement sept grands acheteurs et transformateurs de fruits et de légumes.

Que doit faire le secteur agricole régional pour pouvoir se développer durablement ?

Solutions

Depuis quelques années, l'État préconise de privilégier la formation des ressources humaines dans le secteur agricole. Le gouvernement a décidé de fonder la Région économique de pointe du delta du Mékong et veut en faire le centre de production rizicole, d'élevage, de pisciculture et de transformation aquatique le plus important du pays.

Cette région jouera un rôle important dans le transfert des technologies, la fourniture des variétés et des services techniques, dans la transformation et l'exportation des produits agricoles. Le gouvernement a mis en œuvre des programmes d'investissement pour développer les infrastructures de communication. Exemples avec l'inauguration du pont Cân Tho ou les projets de construction des ponts Vàm Công et Cao Lanh, de l'autoroute Hô Chi Minh-Ville-Trung Luong-Cân Tho, la restauration de l'axe Hô Chi Minh-Ville-My Tho, le reclassement des aéroports Cà Mau et Phu Quôc, etc.

Selon le ministère des Transports et des Communications, le secteur mettra en œuvre des projets comme le canal Cho Gao (28 km) traversant Tiên Giang, l'axe routier Hàm Luông (18 km) qui traversera Bên Tre, la ligne fluviale Bac Liêu-Cà Mau (72 km), etc., lesquels permettront d'exploiter pleinement les potentialités régionales. Pour développer durablement le secteur agricole, les localités doivent coopérer dans la gestion, la planification et la consommation des produits ainsi que dans la protection de la biodiversité et de l'environnement.

Le directeur adjoint du Service de l'agriculture et du développement rural de Soc Trang, Hô Quang Cua, informe : "Le modèle de culture rizicole appliqué sur les étendues d'élevage de crevettes dans les districts de My Xuân et de Vinh Châu permettra de tirer davantage profit des ressources tout en préservant l'environnement". Pour sa part, le Dr Dang Kim Son, chef de l'Institut des politiques stratégiques et du développement agricole, estime que le développement de l'agriculture du delta du Mékong passe obligatoirement par la mise en œuvre d'une planification globale et de mécanismes spécifiques pour toute la région.

Il faut investir dans la construction de canalisations et de digues pour éviter la pénétration de l'eau salée dans les terres. Il faut aussi déployer des politiques de développement durable en se focalisant d'abord sur la coopération entre les gestionnaires, les entrepreneurs, les scientifiques et les agriculteurs. L'élaboration d'une planification au service du développement agricole durable, du développement de l'industrie de transformation et des infrastructures pour augmenter la valeur ajoutée des produits se pose également comme un impératif.

Selon le Dr Vo Tong Xuân, les entreprises doivent chercher de nouveaux marchés, commander des matières premières, prendre en compte le temps de délivrance des produits, la quantité à disposition, etc. L'État doit assister les agriculteurs dans la fabrication de produits de qualité à prix raisonnable et les entreprises à construire leur label commercial et à chercher de nouveaux débouchés.

Ces dernières années, le modèle de coopération entre les gestionnaires, les entrepreneurs, les scientifiques et les agriculteurs a bien fonctionné. La compagnie ADC (Hô Chi Minh-Ville) a octroyé des capitaux à la coopérative My Thành, Cai Lây, province de Tiên Giang, pour construire un modèle de production rizicole répondant aux normes Global GAP.

Ce modèle a également porté ses fruits dans l'élevage des pangasius. Les entreprises de transformation ne sont pas donc inquiètes d'un éventuel manque de matières premières.

Le ministère des Finances a soumis au gouvernement le projet d'assurance agricole période 2010-2012. S'il est mis en œuvre, les agriculteurs du pays et plus particulièrement du delta du Mékong n'auront plus à s'inquiéter des dégâts causés par les calamités naturelles et autres épidémies qui peuvent leur faire tout perdre.

Le delta du Mékong dispose d'atouts dans le secteur agricole mais ne les exploite pas encore pleinement. Pour développer de façon durable le secteur, il faut absolument définir une stratégie de planification globale durable.

Minh Hà/CVN

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