>>Afghanistan: huit talibans tués dans des frappes aériennes
>>Afghanistan: nouveau bilan de 68 morts après l'attaque-suicide contre des manifestants
Muslim Shirzad, candidat aux législatives, lors d'une interview avec l'AFP, le 5 juillet à Kaboul, en Afghanistan. |
Plus de 2.500 candidats sont en lice pour le scrutin du 20 octobre, au cours duquel la chambre basse du Parlement afghan sera entièrement renouvelée. Le vote, qui intervient avec trois années de retard, est également perçu comme une répétition générale avant l'élection présidentielle prévue en avril prochain.
Il survient en outre un mois avant une importante conférence de l'ONU à Genève, à laquelle la communauté internationale espère convaincre les pays donateurs des progrès qu'elle a obtenus en Afghanistan. Des conférences de donateurs en 2012 à Tokyo, puis en 2016 à Bruxelles, avaient donné lieu au déblocage de 16 puis 15 milliards de dollars.
Les travers de la bureaucratie, des allégations de fraude dans le processus d'inscription des électeurs, la mise en place tardive d'un système de vérification biométrique des électeurs et divers épisodes de violence ont rendu les préparatifs chaotiques. Et risquent de conduire à un résultat peu crédible.
Le scrutin sera "très imparfait", admet un diplomate occidental interrogé par l'AFP, trahissant des doutes croissants au sein même de la communauté internationale.
Les machines biométriques, exigées par les dirigeants de l'opposition, visent à éviter qu'une personne ne vote plusieurs fois. Mais seules 4.400 machines ont pour l'heure été livrées au lieu des 22.000 attendues.
La Commission électorale indépendante insiste néanmoins pour que le vote ait lieu, avec ou sans machines.
Les autorités "ont promis" la vérification biométrique, note Ali Yawar Adili, chercheur du Réseau des analystes d'Afghanistan (AAN). "Mais est-ce que cela suffira à dissiper les doutes? Je n'en suis pas sûr", relève-t-il, disant redouter "un désordre plus grand encore".
Maryam Sama, ex-journaliste de télévision, candidate aux législatives, le 26 septembre à Kaboul, en Afghanistan. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Nouvelle génération
Quelque 35 candidats convaincus de corruption ou trafics ont été écartés, et 2.565 candidats, majoritairement indépendants, concourent pour les 249 sièges disponibles.
La plupart des membres actuels du Parlement, dont beaucoup traînent une réputation de corruption et d'inefficacité, sont candidats à leur réélection. Ils seront concurrencés par des centaines de nouveaux venus en politique, descendants d'anciens seigneurs de guerre, entrepreneurs ou membres de la société civile.
"Le Parlement est censé être la maison du peuple. Au lieu de cela, c'est devenu un endroit pour les réseaux mafieux, la corruption et ceux qui travaillent pour leurs propres intérêts", s'indigne l'ancienne journaliste de télévision Maryam Sama, 26 ans, elle-même candidate dans la province de Kaboul. "Si quelqu'un peut apporter un vrai changement, ce sont les jeunes".
Hassan Sardash, membre de la société civile qui se présente dans la province de Faryab (Nord-Est), estime que les seigneurs de guerre n'ont plus leur place dans la politique afghane.
"La dynamique politique et sociale sur le terrain a changé", a-t-il assuré à l'AFP. "Les gens en ont marre, ils nous soutiennent, nous, la jeune génération".
La démographie galopante de l'Afghanistan devrait, en théorie, favoriser les jeunes candidats. Mais ils font face à un formidable défi face la vieille garde qui a longtemps dominé la politique afghane et continue d'exercer une influence considérable.
"Les anciens politiciens, légataires des pouvoirs ethnique et religieux, se considèrent comme les propriétaires légitimes et exclusifs de la politique", observe Naeem Ayubzada, directeur de la Fondation indépendante pour des élections transparentes en Afghanistan (TEFA).
Talibans et État islamique
La vague de violence qui s'est abattue sur une grande partie du pays ces derniers mois est venue alimenter le doute sur la pertinence de ces élections dans un tel contexte.
La tâche s'annonce redoutable, les talibans et le groupe État islamique (EI) ayant promis de perturber le scrutin.
Pour la première fois, 54.000 membres des forces de sécurité afghanes seront chargés d'organiser la protection des 5.000 bureaux de vote. Pour des raisons de sécurité, 2.000 autres n'ouvriront pas.
La mission de l'OTAN pour sa part se tiendra volontairement en retrait des préparatifs de sécurisation des bureaux de vote, laissés aux forces afghanes.
"Les élections ne concernent pas l'OTAN mais le peuple afghan", a soutenu Cornelius Zimmermann, haut représentant civil de l'organisation transatlantique en Afghanistan. L'aviation américaine continuera cependant de soutenir les troupes au sol en cas de besoin.
Malgré ces mesures, certains ne font pas mystère de leur scepticisme: retarder le scrutin jusqu'après l'élection présidentielle "serait la meilleure solution", confie un responsable occidental à l'AFP sous couvert d'anonymat.
"Si ça se passe mal, ce sera pire que de n'avoir rien fait du tout", pense-t-il.
AFP/VNA/CVN