>>Ô mai, une gourmandize devenue une mine d’or
Verre de sirop d’abricot glacé. |
Photo : CTV/CVN |
La maîtresse de maison, Mme Kim Bach, qui est très connue pour ses raffinés portraits sur soie, nous verse un deuxième verre en nous demandant :
- Voulez-vous beaucoup ou peu de sucre ?
La jeune amie antillaise qui nous accompagne, collectionneuse amateure, se hâte de dire :
- Merci, pas de sucre pour moi.
- Pourquoi ? Lui demande-je. Ce sera trop aigre !
- Qu’importe ! Je voudrais mieux savourer la douce saveur de cette sorte d’abricot très particulière.
L’abricot est l’un des fruits stars de l’été. |
Photo : CTV/CVN |
Elle a raison. Personnellement, sans esprit de clocher, je ne trouve pas ailleurs d’abricots au parfum aussi suave que ceux de Huong Tich (pagode des Parfums). Chaque année, au 3e mois lunaire qui marque les dernières fêtes du printemps, une foule nombreuse de pèlerins vient, en barque, vers ce sanctuaire serti dans les montagnes calcaires, là où :
"Dans les bosquets d’abricotiers, les oiseaux
Offrent, en gazouillant, des fruits à Bouddha".
Le mot vietnamien mo signifie à la fois "abricot, abricotier" et "rêve". Mon ami, le poète Trân Lê Van, a donné à son livre sur la pagode des Parfums un titre fort évocateur, Thung mo, qui pourrait se traduire : "Vallée d’abricotiers" ou "Vallée du rêve". Il y a chanté le parfum des fruits :
"Sentant bon la fraîcheur sauvage
Les abricots distillent le parfum des fleurs."
Le fruit mûr, macéré dans du sucre ou du sel pour préparer une boisson rafraîchissante, est une pratique qui date seulement de quelques décennies. Par contre, confit puis séché, il constitue depuis des siècles sous le nom d’ô mai, une sorte de pastille contre la toux dans la médecine traditionnelle.
L’infusion de bois d’abricotier donne un thé ambré dont le goût un peu amer plaît aux ermites et aux bonzes. Par contre, la liqueur d’abricot fait les délices du gourmet et… du rêveur.
(Juillet 1992)