À propos du livre de Nguyên Khac Viên : Vietnam, une longue histoire

Note sur les seigneurs shogounaux Nguyên et la dynastie royale des Nguyên. Préfaçant son livre Vietnam, the revolutionary path, l'historien britannique Thomas Hodgkin a déclaré : "Tout historien, je le pense, doit être engagé d'une manière ou d'une autre".

Vietnam, une longue histoire est l'œuvre d'un historien engagé, Nguyên Khac Viên (1913-1997). Ce médecin pédiatre, psychologue, journaliste et homme de lettres a consacré toute sa vie, y compris les 24 ans en France, à la lutte pour l'indépendance et le développement de son pays. Se basant sur une documentation rigoureuse, il a écrit en français son livre, à Hanoi, sous les bombes américaines, pour faire comprendre au lecteur occidental le combat millénaire du peuple vietnamien pour la liberté, sa détermination à poursuivre une lutte juste contre tous les envahisseurs. Pour servir son dessein, au lieu de se perdre dans l'histoire dynastique et événementielle, il a préféré dégager pour un public non spécialisé les grandes lignes de l'évolution historique, et d'en analyser les périodes-clés. Dans ce survol analytique, il ne s'est pas attardé sur les seigneurs shogounaux Nguyên et leurs descendants les rois Nguyên, sujet très controversé jusqu'à ce jour.

En octobre 2008, s'est tenu à Thanh Hoa un symposium réunissant plus de 100 chercheurs pour discuter sur "les seigneurs Nguyên et les rois Nguyên-16e-fin 19e siècles". Se libérant d'une interprétation mécanique de l'histoire, avec une ouverture d'esprit préconisée par le Dôi moi (Renouveau) et une approche plus scientifique, est-il temps de réviser le verdict trop sévère prononcé par l'opinion et les livres scolaires ? Le débat est loin de s'éteindre.

Nous nous contentons d'examiner les faits au lieu de porter une digression académique.

Pour éclaircir le débat, il faut distinguer 2 périodes dans le passé du clan familial des Nguyên : celle des seigneurs shogounaux gouvernant la partie Sud du Vietnam désignée par le nom de Cochinchine (1558-1802) et celle de la dynastie royale des Nguyên régnant sur tout le Vietnam (1802-1945).

Durant la première période, le mérite incontestable des seigneurs Nguyên était l'expansion territoriale vers le Sud. L'année 1558 marqua la sécession du pays pendant 200 ans et aussi les débuts de cette marche vers le Sud. La conquête et la mise en valeur de nouvelles terres se sont effectuées de manière relativement pacifique et libérale grâce à l'essaimage de dôn diên, colonies militaires fondées dans un but d'appropriation territoriale progressive et de défense contre les voisins belliqueux. Les fermes constituées par les terrains à défricher pour être transformés en rizières étaient mises à la disposition des soldats, des cultivateurs affamés venus du Nord, des prisonniers de guerre.

Pratique appliquée aussi par la Rome impériale, la France en Algérie et dans les confins militaires russes et autrichiens. Dans ce Drang Nach Sveden, Saigon (Hô Chi Minh-Ville) a été atteint en 1697 et l'extrême Sud (Hà Tiên) en 1780. En 1679, le fief des Nguyên a reçu des forces vives avec l'arrivée de 8.000 émigrants chinois fuyant les conquérants mandchous Qing.

Les seigneurs Nguyên ont réalisé une œuvre remarquable dans l'agriculture, l'artisanat, et le commerce extérieur (ports de Phu Xuân, Gia Dinh et surtout Hôi An consacré héritage culturel mondial par l'UNESCO). Ils organisèrent des examens pour recruter des mandarins, créèrent des fonderies de canons, imposèrent des mines de fer, d'or, d'argent.

Mais n'oublions pas le revers de la médaille. La rivalité politique entre les Nguyên et les Trinh, en particulier une guerre civile d'un demi-siècle (1627-1672) a causé d'énormes pertes matérielles et humaines.

Dès le 16e siècle, on assiste aux débuts de l'évangélisation catholique, œuvre de prêtres espagnols, portugais, français (dominicains, jésuites).

Dans la deuxième moitié du 18e siècle, a eu lieu une grave crise financière marquée par une inflation galopante et conjuguée à des troubles à la cour seigneuriale des Nguyên... Les Tây Son, à la tête des masses paysannes, se révoltèrent en 1771. Ils renversèrent les shogouns Nguyên (Sud) et Trinh (Nord), triomphèrent des Siamois appelés par un seigneur Nguyên (Nguyên Anh) et des Qing (Chine) venus au secours des rois Lê. Les victoires fulgurantes révélèrent le génie militaire d'un Tây Son, Nguyên Huê, qui sous le nom de Quang Trung, fonda la dynastie des Tây Son en 1788. Quatre ans après, il mourut prématurément. Son héritier incapable ne put résister à Nguyên Anh qui finit par monter sur le trône en 1802, créant la dynastie royale des Nguyên.

Huu Ngoc/CVN

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