>>Wirecard : le scandale financier allemand qui ne cesse d'enfler
La société allemande de paiements en ligne Wirecard, au cœur d'un des plus grands scandales financiers des dernières années, qui ternit la réputation économique de l'Allemagne. |
"Un tel scandale doit constituer un signal d'alarme montrant que nous avons besoin de davantage de contrôle", a déclaré le ministre des Finances Olaf Scholz à la presse à Berlin, dénonçant "l'énergie criminelle" manifestement à l'œuvre dans cette vaste fraude de près de 2 milliards d'euros. Il a indiqué avoir demandé à ses services de préparer une proposition en ce sens dans les prochains jours visant à étendre les prérogatives du gendarme allemand de la finance, la BaFin.
Soupçonnée d'avoir gonflé ses comptes avec des fonds fictifs aux Philippines, l'entreprise qui emploie 6.000 salariés a déposé son bilan dans la journée. Son cabinet d'audit EY (Ernst & Young), qui a refusé de certifier les comptes 2019, a parlé d'"indices clairs" d'une "fraude de grande envergure impliquant plusieurs parties dans le monde et diverses institutions, avec une volonté de tromperie".
La comparaison avec le gigantesque scandale Enron au début des années 2000 s'impose de plus en plus. Le groupe d'énergie américain avait sombré après avoir maquillé ses comptes. En Bourse, le titre Wirecard continue à s'effondrer. ll a encore perdu -71,28% jeudi à 3,53 euros. L'entreprise ne vaut plus que quelques centaines de millions d'euros alors qu'elle a pesé jusqu'à 17 milliards d'euros au plus haut de sa "success story".
Insolvabilité
Pour justifier son dépôt de bilan, l'entreprise a parlé de "menace d'insolvabilité et de surendettement" affectant sa maison mère. En clair, les banques créancières qui la maintenaient sous perfusion financière ont manifestement décidé de fermer le robinet. Elles ont le droit d'annuler des prêts de plus de deux milliards d'euros, dès lors que Wirecard n'est pas en mesure de présenter un bilan certifié pour l'année dernière.
Wirecard étudie en outre si des filiales, comme celle en Allemagne détenant une licence bancaire, ou une autre au Royaume-Uni émettant des cartes de paiement virtuelles, devront aussi se déclarer en faillite. La presse allemande évoque jeudi un mouvement de désertion de clients de Wirecard, de nature à aggraver sa situation financière déjà précaire.
Cours de l'action Wirecard |
La justice peut désormais opter pour l'ouverture d'un règlement judiciaire, pouvant permettre à la société de se restructurer, ou bien sa mise en liquidation s'il n'y a aucun espoir de reprise. S'ajoutant aux affaires du Dieselgate chez Volkswagen ou de malversations chez Deutsche Bank, la chute de ce prestataire de services financiers sur le segment en plein boom des paiements électroniques est "un désastre complet", a tempêté en début de semaine le président de la BaFin, Felix Hufeld. Son organisme a été incapable d'empêcher le scandale. "L'Allemagne est le dernier endroit où nous aurions pu imaginer pareille situation", s'est agacé le ministre de l'Economie, Peter Altmaier.
Modèle bancal
Dans cette affaire, "l'ensemble du système financier allemand s'est couvert de honte", juge la presse allemande, mettant en cause indistinctement les instances de contrôle, les agences de notation, les auditeurs, banques et sociétés d'investissement, qui ont brûlé des milliards de fonds confiés par des épargnants privés.
Aucun de ces acteurs ne semble s'être sérieusement penché sur le modèle économique de Wirecard qui garantit des règlements de transactions effectuées en ligne par des entreprises, telles que des compagnies aériennes, des agences de voyage ou des pharmacies en ligne, encaissant au passage une prime de risque.
Un modèle qui suscitait des rumeurs de fraude dès 2015. L'an dernier c'est le Financial Times qui évoquait des soupçons de manipulation des bilans de Wirecard, avec l'Asie comme épicentre des malversations. Aucune conséquence pourtant n'en a été tirée. Le fondateur et ancien président de la société, Markus Braun, soupçonné d'avoir "gonflé" artificiellement le bilan, a été inculpé cette semaine et laissé en liberté sous caution de 5 millions d'euros.
AFP/VNA/CVN