Vieux mais toujours solide

Venise a son Grand Canal. Paris a Saint-Germain-des-Prés. Barcelone ses Ramblas et Londres Soho… Hanoi a son Vieux Quartier, labyrinthe de rues aux noms évocateurs dans lequel viennent se perdre des millions de touristes chaque année. Grouillant, désordonné, bruyant, paradoxal, il est l'incontournable qu'il faut voir si l'on vient à Hanoi.

S'il fallait faire la statistique des personnes les plus photographiées au monde, nul doute que les commerçants et artisans du Quartier des 36 Corporations de Hanoi figureraient parmi le top 10. Quand je suis de passage en France et que pour me faire plaisir on sort du placard les photos prises lors d'un séjour au Vietnam, je retrouve souvent les mêmes visages, les mêmes échoppes, les mêmes rues. À tel point que lorsque je reviens au Vietnam, si par hasard je passe dans une de ces rues, j'ai l'impression de rentrer dans un album de photos, qui s'animerait par magie.

C'est vivant !

Moi aussi, en un circuit rituel, je les ai sillonnées ces rues qui portent des noms d'un autre siècle.

Pour les litchis séchés, c’est au fond, à droite, avant la sortie !

Comme des milliers d'autres, j'ai commencé mon parcours initiatique en remontant, depuis le lac Hoàn Kiêm, la rue Hàng Dào, rue des Pêches (que les Français avaient baptisé la rue de la Soie), où j'ai flâné le long des boutiques débordant de vêtements en tout genre.

Puis, sans m'être rendu compte que les pêchers laissent la place à la rue Hàng Ngang, j'ai tourné à droite dans la rue Hàng Bac, rue de l'Argent, où les bijoutiers se côtoient dans une débauche d'or, de jade et d'argent brillant.

Puis, délaissant la rue Hàng Bè, rue des Radeaux, avec ses mini hôtels et agences de voyages, qui plus loin rejoint la rue Hàng Dâu (rue de l'Huile) qui, comme chacun sait, est spécialisée dans la vente de… chaussures, je suis allé m'encanailler dans la rue Ma Mây (rue des Pavillons Noirs) où de pirates il ne restent rien !

Puis, nez au vent, en remontant la rue Hàng Buôm (des Voiles), j'ai retraversé la rue Hàng Ngang, qui devient à ce moment la rue Hàng Duong (du Sucre), pour aller respirer le parfum des médicaments traditionnels et des épices dans la rue Lan Ông (Monsieur le Paresseux).

Qu'elles conservent leur vocation d'antan, comme la rue Hàng Mành (des Stores) ou la rue Hàng Thiêc (de l'Étain) dont l'étamage a donné naissance à la fabrication de miroirs et d'objets en fer-blanc, ou bien qu'elles soient devenues rues commerçantes, alignant des boutiques de luxe, des échoppes traditionnelles et des hôtels, elles essaient de conserver cette manière de vivre, à la fois laborieuse et nonchalante, qui est un des charmes de la capitale !

Et quand je dis vie laborieuse, je ne pense pas seulement aux commerçants trônant au centre des monticules de marchandises dans des échoppes à peine plus grandes que la salle d'attente d'un médecin rural. J'évoque aussi tous ces artisans qui transforment le trottoir en atelier de fabrication…

Ici, c'est un câbleur de bobine électrique qui patiemment reconstitue un solénoïde en enroulant en spirale un câble de cuivre. Accroupi, pieds à plat au sol, bobines en vrac autour de lui, rouleau de fils de cuivre à portée de main, pinces à côté, il fait des spires au grand air, obligeant le piéton à contourner son établi improvisé. Plus loin, du côté des soudeurs et des forgerons au bas de la rue Hàng Thiêc, vers la rue Hàng Nón (Chapeaux coniques), ce sont des gerbes d'étincelles qui jaillissent devant les pieds du promeneur…

À voir ces artisans, scier, souder, limer, tailler, les plaques de tôles et les tubes d'aluminium, on a l'impression de plonger dans un de ces films fantastiques où des forgerons s'échinent à forger des armures pour des héros destinés à accomplir des exploits extraordinaires.

Il est vrai que pour l'heure, l'exploit consiste à éviter d'avoir un bas de pantalon ou des poils de jambe roussis par l'intense activité du lieu.

C'est bon !

Mais il n'y a pas que les artisans qui animent le Vieux Quartier! Les gargotes, soient-elles de trottoir ou non, ne sont pas en reste.

Ma préférée ? Le restaurant de "bún cha" de la rue Hàng Mành ! Y entrer relève déjà de l'aventure. Il faut louvoyer entre les femmes qui préparent les grillades à base de viande hachée ou d'escalope, monter un étroit escalier dans lequel il faut prier pour espérer ne pas croiser un groupe descendant, car dans ce cas, seuls les plus contorsionnistes pourront continuer leur progression. Il faut ensuite trouver place, à l'un des trois étages, autour d'une table collective, où, au coude à coude, les convives dégustent le plat unique de la maison avec moult chopes de bière fraîche.

J'aime cette ambiance chaleureuse où étudiants, fonctionnaires, commerçants, touristes, se côtoient en une franche décontraction, et où chacun profite de la conversation de son voisin.

Et puisque nous parlons gourmandise, il ne faut pas oublier la rue Hàng Diêu (l'ancienne rue des Pipes), avec ses graines de lotus décortiquées, friandises recherchées par les connaisseurs. Dégustez une de ces graines, onctueusement sucrée et parfumée d'essence de fleurs de pamplemousse, avec un thé bien chaud, et vous aurez une idée approximative du paradis !

Et, bien sûr, on ne peut pas quitter le Vieux Quartier sans passer par le marché Dông Xuân : le ventre de Hanoi ! Ici, tout est excessif : excessifs les amoncellements de marchandises qui engloutissent leurs vendeurs ; excessive l'étroitesse des allées qui obligent, pour avancer, à jouer des pieds et des coudes avec diplomatie, mais avec fermeté ; excessives les odeurs qui assaillent vos narines quand vous pénétrez dans le marché aux aliments séchés. C'est d'ailleurs là, vers la sortie près du marché aux poissons, que j'ai l'habitude de me procurer des letchis séchés, autre gourmandise qui, si elle n'est pas la spécialité de Hanoi, n'en reste pas moins une délicieuse surprise pour le palais d'un Occidental.

Bruit, odeurs, mouvement, gourmandise, curiosité, étonnement… Autant de sensations et d'émotions, dont le Vieux Quartier n'est pas avare pour accueillir ses visiteurs. Alors, laissez-vous faire, et plutôt deux fois qu'une !

Gérard BONNAFONT/CVN

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