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La présidente de l'Assemblée constituante vénézuélienne, Delcy Rodriguez, et Jorge Rodriguez (droite), le chef du parti socialiste pro-gouvernemental du Venezuela, lors d'une conférence de presse, à Saint-Domingue, en République dominicaine, le 13 septembre 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Le Venezuela ne va pas offrir le pouvoir politique à l'oligarchie (sous-entendu, l'opposition, ndlr), nous n'allons pas le lui donner", a récemment averti le président socialiste Nicolas Maduro.
Les deux camps sont sur leurs gardes alors que le pays traverse sa pire crise politique depuis des décennies, après des manifestations exigeant le départ du chef de l'État qui ont fait 125 morts entre avril et juillet.
La nouvelle d'une amorce de dialogue, cette semaine, a d'ailleurs été accueillie avec méfiance par l'opposition, mais elle a permis des avancées.
Sous l'égide du gouvernement dominicain et des Nations unies, gouvernement et opposition se sont mis d'accord jeudi 14 septembre à Saint-Domingue sur la création d'un groupe de pays amis afin de mener de futures négociations. Ils se réuniront à nouveau le 27 septembre.
Scrutin crucial
Pour la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, opposition), le dialogue doit d'abord porter sur la date de l'élection présidentielle, prévue en décembre 2018. Le président Maduro assure que le scrutin aura bien lieu. La MUD veut qu'il s'y engage devant la communauté internationale.
Toutefois, "je ne pense pas que Maduro acceptera des élections démocratiques (...) car le risque de perdre est très élevé", estime le politologue Luis Salamanca.
Avec une popularité d'à peine 17% pour le chef de l'État, selon l'institut Datanalisis, et un panorama économique dévastateur, il est en effet peu probable que le chavisme (du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013) l'emporte.
Déjà, aux législatives fin 2015, il avait subi un camouflet quand la MUD avait gagné une majorité écrasante au sein du Parlement, mettant fin à 17 ans d'hégémonie. Prochain test le 15 octobre avec les élections régionales, pour lesquelles l'opposition est grande favorite.
Même si Maduro se retrouve obligé à s'engager formellement pour un scrutin présidentiel, cet engagement pourrait être battu en brèche par la Constituante, dotée de super-pouvoirs et appelée à siéger au moins deux ans, donc au-delà de la fin de son mandat en janvier 2019.
"Tant que la Constituante reste en fonctions, le risque est que le gouvernement, au dernier moment, annule tous les accords" noués avec l'opposition, met en garde Ronal Rodriguez, directeur de l'Observatoire du Venezuela de l'université colombienne du Rosario.
"Ce serait son action la plus radicale s'il se retrouve contre le mur", ajoute-t-il, n'écartant pas non plus que la Constituante change les règles électorales.
L'enjeu de la Constituante
Les députés de l'opposition se prononcent pour l'ouverture d'une procédure en destitution contre le président Maduro lors d'un débat au Parlement à Caracas, le 25 octobre 2016. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Autres exigences de l'opposition : la libération des quelque 600 "prisonniers politiques" qu'elle recense et une réponse à l'"urgence humanitaire" provoquée par l'effondrement économique du pays pétrolier, entre pénuries alimentaires et inflation galopante.
L'exécutif, de son côté, s'est montré moins explicite sur les conditions qu'il pose au dialogue. Les analystes estiment qu'il cherche à "reprendre de l'air" face aux pressions internationales et à obtenir que soit enfin reconnue à l'étranger l'Assemblée constituante, uniquement intégrée de partisans du gouvernement, qui siège depuis le 4 août.
Pour Luis Salamanca, cette tentative de dialogue a été précipitée par les critiques du président français Emmanuel Macron, qui a qualifié le gouvernement vénézuélien de "dictature".
Le ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza a rencontré mercredi 13 septembre son homologue français Jean-Yves Le Drian, qui a ensuite rendu public le début de médiation entre les deux camps.
Et M. Maduro "veut que sa Constituante soit reconnue, afin de nouer des accords internationaux qui ne peuvent être autorisés que par le Parlement (contrôlé par l'opposition, ndlr) et de lever les obstacles qui l'empêchent d'obtenir des ressources" financières, explique M. Salamanca.
Une question cruciale depuis les dernières sanctions infligées par les États-Unis, qui interdisent toute transaction sur la dette émise par Caracas et le groupe pétrolier d'État PDVSA. Mais l'opposition ne semble pas prête de lâcher sur ce point : "La reconnaissance d'une Constituante frauduleuse n'est pas envisagée ici", a prévenu vendredi 15 septembre l'ex-candidat à l'élection présidentielle Henrique Capriles.
Cette nouvelle tentative de dialogue survient après deux essais infructueux, en 2014 puis 2016.
Là encore, "la probabilité d'échec est élevée", met en garde M. Salamanca.
AFP/VNA/CVN