>>Les maisons de retraite ont le vent en poupe au Vietnam
>>Chausseurs aux pieds des lépreux
L'infirmière Nguyên Thi Xuân soigne une patiente lépreuse âgée. |
La maison des lépreux Qua Cam, une installation isolée au sein de l'Hôpital de léprologie-dermatologie de Bac Ninh, abrite plus de 80 personnes âgées atteintes de la lèpre et ayant besoin d’être prises en charge car elles ne peuvent plus effectuer leurs tâches quotidiennes sans aide.
''Soeur Xuân'' est le surnom affectueux que les patients ont donné à Nguyên Thi Xuân. En 1987, elle a quitté son emploi d'enseignante pour s'occuper de ces malheureux. Cette décision était jugée comme ''folle'' à l'époque où la lèpre était encore fortement stigmatisée dans la société vietnamienne.
''Lors des messes auxquelles j'ai assisté, le prêtre parlait souvent des lépreux pour lesquels j’ai toujours ressenti de la pitié. Je suis ensuite tombée sur un livre intitulé +Lạc quan trên miền thương+(Optimisme sur les hauts plateaux) au sujet d'un catholique français qui a quitté sa vie confortable pour venir dans la province de Lâm Dông afin de construire la maison des lépreux de Di Linh'', a déclaré Xuân. ''L’histoire me restait à l’esprit et je me demandais constamment pourquoi un jeune homme issu d’un pays lointain s’était rendu au Vietnam en choisissant de ne pas vivre dans les grandes villes mais sur les haut-plateaux pour venir en aide aux nécessiteux".
Quand elle enseignait encore à la maternelle, Xuân se portait volontaire à Qua Cam chaque week-end pour apprendre tout ce qu'elle pouvait sur la maladie et comment aider à atténuer la souffrance des patients.
''C'était déchirant de voir les lépreux souffrant de plaies ulcéreuses. Beaucoup d'entre eux ont perdu un membre du fait de la maladie'', a déclaré Xuân. ''Certains des patients les plus âgés étaient seuls et leurs enfants ne leur avaient jamais rendu visite''.
Impression indélébile
La première impression indélébile de notre héroïne fut la rencontre d'un homme de 84 ans atteint de la lèpre tardive qu’elle trouva allongé dans un coin et ne souhaitant pas mourir. Tout ce qu'il souhaitait c’était rencontrer ses filles et ses fils, ainsi que ses petits-enfants, pour la dernière fois, mais cela ne s'est jamais produit.
''Je le plaignais mais je ne savais pas quoi faire pour le consoler. Une semaine plus tard, à mon retour, il était décédé. Jamais de ma vie je n’avais assisté à des funérailles aussi tristes. Seuls quelques patients, luttant eux-mêmes contre la maladie, l'ont accompagné jusqu’à sa dernière demeure au pied de la montagne'', a déclaré Xuân.
Après cette histoire, l’ex-institutrice avait fait son choix: elle aiderait les lépreux malgré toutes les réprimandes de son entourage.
''J'ai juste senti que beaucoup de patients avaient besoin de soutien. Au début, voyant à quel point je prenais soin des malades et que je ne craignais pas de les toucher, le responsable de la maison Qua Cam a demandé si je n'avais pas peur de contracter la maladie. Je lui ai dit qu’ils étaient comme mes parents et que cela faisait disparaitre toutes mes angoisses. Je sais que la maladie ne se propage pas très facilement'', a déclaré Xuân.
Après une période de bénévolat, la responsable de la maison l'a inscrite à une formation médicale dans la province de Bình Dịnh et elle est devenue une infirmière à part entière à Qua Cam après avoir obtenu son certificat en 1992.
Ensuite, Xuân a demandé à sa direction de l'envoyer suivre une formation sur la fabrication de prothèse de jambes ou de bras en bois, ainsi que de chaussures spécialisées pour que les patients puissent se déplacer plus facilement au lieu de ramper.
Xuân est également considérée comme une ''entremetteuse'' qui a réussi à apporter le bonheur à de nombreux couples vivant à la maison Qua Cam, alors qu'elle ne pensait jamais à son propre bonheur.
Elle est restée célibataire mais dit ne jamais se sentir seule, considérant la maison des lépreux comme son logis.
Hoàng Thi Các, une patiente de Qua Cam, atteinte de la lèpre depuis l'âge de 20 ans et qui y vit depuis plus de 60 ans, a même composé une chanson pour la remercier de son dévouement et de son affection. Bien qu'elle ait atteint l'âge de la retraite en 2012, Xuân a demandé à rester à la maison Qua Cam et a affirmé qu'elle était toujours en état de travailler.
''Leur amour pour moi me donne la force. Je ne me reposerai pas avant que mes mains ne puissent plus tenir un verre d'eau pour les patients. Peut-être ai-je été bénie par une puissance supérieure'', a déclaré Xuân.
Texte et photo: Diêu Thuy - Diêp Truong/VNA/CVN