Une force en Haïti, avec la crainte de répéter les erreurs du passé

La force internationale qui doit être déployée en Haïti pourrait être une bouffée d'oxygène pour une population terrorisée par les gangs, mais les experts craignent cependant une répétition de l'Histoire pour ce pays englué dans les crises malgré de précédentes interventions.

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Une moto passe près de pneus en feu lors d'une manifestation contre l'insécurité à Port-au-Prince, en Haïti, le 14 août.
Photo : AFP/VNA/CVN

Alors que les gangs de plus en plus violents contrôlent la majeure partie de la capitale, la mission multinationale de soutien à la sécurité, destinée à épauler la police dépassée, "pourrait être un soulagement, en particulier pour les habitants des bidonvilles", note Robert Fatton, de l'université de Virginie aux États-Unis.

Mais "je suis plutôt sceptique sur le succès de la mission au bout du compte", déclare-t-il à l'AFP. "Si les problèmes politiques ne sont pas résolus, tout résultat à court terme va s'écrouler".

Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné lundi son feu vert à cette mission non onusienne qui sera menée par le Kenya. Si Nairobi a promis un millier de membres de forces de l'ordre, le nombre total et la composition de la force ne sont pas connue.

Le chiffre de 2.000 hommes est souvent évoqué : un nombre "limité" dans la perspective d'une possible "guérilla urbaine", met en garde Robert Fatton, rappelant que la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), présente de 2004 à 2017, a compté jusqu'à quelque 10.000 Casques bleus.

Défi majeur

La Minustah, qui n'a jamais gagné la confiance des Haïtiens, avait réussi à ses débuts à presque débarrasser Port-au-Prince des gangs, avant que ces progrès ne soient effacés par le séisme dévastateur de 2010, et que son image ne soit ternie par des accusations d'abus sexuels et les 10.000 morts du choléra apporté par des Casques bleus népalais.

Depuis, les gangs n'ont fait que prospérer, multipliant assassinats, enlèvements, et recrutant de jeunes haïtiens sans perspective d'avenir dans le pays le plus pauvre des Amériques.

Si ces gangs mieux armés et plus nombreux que les policiers décident de se battre, ce sera un défi majeur pour la future force.

Des Casques bleus bangladais s'apprêtent à quitter Haïti à la fin de la Minustah à l'aéroport de Port-au-Prince, le 8 octobre 2017.
Photo : AFP/VNA/CVN

Emiliano Kipkorir Tonui, qui a supervisé le déploiement de troupes kényanes dans plusieurs pays, doute que les policiers kényans qui ont subi des pertes chez eux soient de taille face à des gangs armés de "mitrailleuses lourdes".

"Nos policiers ne sont pas entraînés comme les soldats pour lire des cartes. Ils ne sont pas entraînés en matière de communication, ou pour des armes comme des mitrailleuses", explique à l'AFP l'ancien militaire, aujourd'hui membre de l'ONG Kenya Veterans for Peace.

Pas "une cause perdue"

Sans oublier les barrières culturelles et de langue.

La force aura besoin de "conseillers parlant créole pour échanger avec la population", prévient Richard Gowan, de l'International Crisis Group, insistant sur la difficulté "d'obtenir des informations détaillées" sur des gangs qui "connaissent le terrain urbain sur le bout des doigts".

Certains défenseurs des droits humains ont aussi mis avant des accusations de violence de la police kényane. Alors la résolution du Conseil de sécurité insiste sur l'impératif d'un respect strict du droit international et des droits humains.

"Nous devons nous prémunir de tout potentiel abus, et apprendre des erreurs du passé", a insisté l'ambassadrice américaine à l'ONU Linda Thomas-Greenfield.

Carte de Port-au-Prince, capitale d'Haïti, et territoires des différentes coalitions de gangs contrôlant la capitale.
Photo : AFP/VNA/CVN

Erreurs qui vont au-delà d'abus sexuels ou de l'importation du choléra, alors qu'Haïti a connu de multiples interventions internationales parfois accusées d'être reparties trop vite.

"La communauté internationale doit épauler le peuple haïtien sur le long terme", a d'ailleurs insisté Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres qui militait pour cette force depuis un an.

Aucun scrutin n'a eu lieu depuis 2016 et la légitimité du Premier ministre Ariel Henry, nommé par le dernier président Jovenel Moïse juste avant son assassinat en 2021, est remise en question. Alors la mission doit s'accompagner d'un processus politique inclusif allant vers des élections libres et reconnues par tous, insistent les experts.

Mais pour l'instant, l'opposition est "sceptique", indique Robert Fatton.

Une inquiétude que ne partage pas Keith Mines, du cercle de réflexion US Institute for Peace, qui appelle la communauté internationale réticente à ne plus voir Haïti comme "une cause perdue".

Éviction du président Jean-Bertrand Aristide en 2004, champ de ruines et 200.000 morts du séisme de 2010, assassinat du président Jovenel... "Les 25 dernières années de l'histoire haïtienne, c'est un événement terrible après l'autre", rappelle-t-il. Mais entre les coups du sort, "il y a eu beaucoup de progrès à différentes périodes".

AFP/VNA/CVN

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