Début juin 2011. Au siège de XQ - Nha Trang a eu lieu un rite d'initiation exceptionnel. Devant le pavillon des rites, une cinquantaine d'artisanes - brodeuses, gracieuses dans leur ao dai (robe traditionnelle des Vietnamiennes), faisaient la "garde d'honneur" sur deux rangs pour accueillir un nouveau "disciple" du métier de broderie. Entre ces deux rangées de jolies femmes, s'avançait cérémonieusement un Mexicain de grande taille et à la barbiche blanche, vêtu de la tenue traditionnelle de l'homme vietnamien : une longue tunique en brocart de couleurs, un pantalon en soie blanche et un turban à la tête. C'était Rueffert Daniel, 64 ans, un peintre paysagiste de renom du Mexique, qui semblait avoir "succombé" à la passion de "dessiner avec aiguille et fils colorés".
Passant le seuil du pavillon des rites, il s'arrêtait devant l'autel dédié au culte du Génie - créateur du métier de broderie, les mains jointes devant la poitrine tenant une baguette d'encens allumée. Et de faire des prosternations avec vénération. Les rites finis, le nouvel apprenti a été conduit vers un support en bois sur lequel était étendue une large pièce d'étoffe. Et de commencer d'emblée son cours d'apprentissage, sous la guide d'une artisane - brodeuse locale.
Au lieu d'un pinceau, une petite aiguille
L'histoire a commencé en 2009, lorsque le peintre mexicain a débarqué pour la première fois au Vietnam, espérant de "brosser les paysages naturels magnifiques" de ce pays lointain. À Hôi An, il est tombé par hasard sur la boutique de XQ - Hôi An, et s'est retrouvé envoûté par les broderies "made in Vietnam". "Impeccable! Mais comment peut-on réaliser ces superbes œuvres d'art, non avec un pinceau, mais avec une petite aiguille et des fils colorés ? me suis-je alors demandé". De retour au Mexique, Rueffert Daniel, repris par son travail, oublia progressivement le moment plein d'émotion en découvrant la beauté originale des broderies vietnamiennes.
Né en 1948 dans le Nebraska, un État du Centre des États-Unis, Rueffert Daniel a participé très tôt dans le mouvement des jeunes américains contre la guerre. En 1969, ce jeune de 21 ans a écopé d'une peine de quatre mois de prison, pour avoir refusé de suivre l'ordre de conscription militaire, sachant que les forces armées US seraient envoyées au Vietnam. Libéré, il est venu s'installer à San Miguel, Mexique, où il a commencé sa carrière de peintre dans l'Université d'Allende. Sorti de l'université, Rueffert Daniel a travaillé un temps comme professeur en peinture, avant de devenir peintre - paysagiste libéral pour aller peindre d'après la nature un peu partout dans le monde. Actuellement, ce peintre de talent tient trois galeries de peintures, deux au Mexique et un à San Francisco (États-Unis).
Comme le destin le veut, retournant au Vietnam au début de juin 2011, Rueffert Daniel a rencontré fortuitement les broderies au siège de XQ- Hanoi, sis la rue de Hàng Gai, dans le vieux quartier de Hanoi. "Mon cœur a débordé de joie et d'émotion. Et a germé dans ma tête l'idée irrésistible de m'essayer aux aiguilles et fils colorés", confie Rueffert Daniel. Pour son séjour de deux semaines au Vietnam cette fois-ci, il a voulu le consacrer à l'apprentissage de l'art de la broderie vietnamienne.
Campagne vietnamienne : sujet de mon 1er tableau en fils colorés
Sans tarder, il est allé le 2 juin à Dà Lat, sur les hauts plateaux du Centre, au siège principal de XQ-Vietnam. Et de prendre un bus, le même jour, vers Nha Trang (ville côtière du Centre) pour y chercher le directeur général de XQ-Vietnam, Vo Van Quân, qui assistait alors au Festival de la Mer de Nha Trang - 2011. Un rendez-vous des plus sympathiques qui a conduit à la cérémonie rituelle d'initiation, dès le lendemain, au siège de XQ-Nha Trang.
Rueffert Daniel n'a pas épargné ses efforts et son temps pour s'exercer à manier l'aiguille et à combiner les couleurs de fils. Dix heures de travail chaque jour. Ainsi de suite pendant dix jours d'affilée. "Une fois assis à côté du métier à broder, j'oublie tout, y compris moi-même", confie-t-il. Pour la brodeuse Lê Thi Thanh Thuy, chargée de guider le peintre américain dans le métier, "c'est un apprenti extrêmement intelligent, plein de passion, de dextérité et d'assiduité. Normalement, un apprenti devrait s'exercer au moins pendant deux mois avant de savoir broder, mais Rueffert Daniel n'a perdu que trois jours".
Après dix jours d'absorption totale dans la pratique de son nouveau métier, Rueffet Daniel a pu maîtriser à la perfection les procédés techniques de broderie manuelle. C'est à l'heure de rentrer chez lui, au Mexique, qu'il a monté un projet et promis de "revenir au Vietnam vers la fin de cette année pour approfondir mes connaissances sur cet art distingué".
À la question sur le sujet du premier tableau en fils colorés qu'il va "dessiner avec des aiguilles", le paysagiste américain rit aux éclats : "L'idée me trotte dans la tête depuis longtemps. Ce sera un paysage champêtre vietnamien dans lequel des jeunes filles portant le chapeau conique travaillent dans une rizière dorée".
Un messager de la broderie vietnamienne
Depuis des années, nombreux sont les étrangers qui ont suivi un cours de broderie manuelle au Vietnam. Le siège de XQ-Dà Lat, à lui seul, en a compté une centaine, selon Vo Van Quân, directeur général de XQ-Vietnam, une compagnie de broderies de renom national (dont les bureaux siègent dans diverses villes, comme Huê, Nha Trang, Dà Lat, Hanoi, Hô Chi Minh-Ville...). Ces apprentis, venus de divers pays comme Sri Lanka, Singapour, Suède, France, États-Unis… sont pour la plupart des jeunes faisant des études au Vietnam. Dans l'ensemble, ils ne le font que par plaisir. "C'est la première fois qu'un peintre professionnel a montré sa passion et sa volonté d'apprendre le métier en qualité d'artisan", révèle Vo Van Quân. Et d'espérer que Rueffet Daniel deviendra dans l'avenir un messager authentique de la broderie vietnamienne dans le monde entier.
Nghia Dàn/CVN