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Le jeune Koweïtien Rajeh al-Hamidani lors de la finale de l’émission télévisée «Le poète millionnaire», au théâtre d’Al-Raha à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis. |
De joie, ses fans venus du Koweït ont dansé sur la scène du théâtre qui a accueilli mi-mai la finale de la compétition, chacun voulant toucher la bannière rouge qui fait de lui le poète le plus célébré de l’année dans le monde arabe.
Ce jeune étudiant en droit dans une université cairote croyait dur comme fer en ses chances de gagner. «La poésie, je l’ai reçue comme un don de Dieu, je ne l’ai pas héritée de ma famille. Je l’ai travaillée avec passion et je lui ai tout donné», a-t-il confié.
Rajeh al-Hamidani a été récompensé parmi six finalistes pour un poème dans lequel il décrit l’angoisse de l’écrivain devant la page blanche et ses états d’âme pendant le processus de création.
Incompréhensible ou presque pour un Arabe non originaire du Golfe, chaque strophe a été ovationnée par un public local enthousiaste, dont des femmes, dans le théâtre qui accueillait la finale.
C’est que le concours est réservé aux poètes dits «nabatis», qui écrivent dans la langue arabe non pas littéraire ou classique mais dans celle parlée par les bédouins du Golfe, du Levant, d’Irak et du Sinaï en Égypte.
À l’origine de cette compétition, une émission télévisée produite par les instances culturelles d’Abou Dhabi pour entretenir la passion des Arabes pour la poésie. Les poètes viennent déclamer leurs écrits et on y teste leur capacité à improviser des vers.
«Surpasser Okaz»
L’émission «Le poète millionnaire» passe en direct sur les télévisions publiques d’Abou Dhabi et privée de Baynouna et passionne les foules dans les pays arabes. Elle en est à sa septième édition.
Pour y participer, des milliers d’Arabes du Golfe et d’ailleurs se bousculent aux sélections. Ce concours est dans la pure tradition d’Okaz, festival des poètes pré-islamique près de La Mecque, qui consacrait le meilleur d’entre eux.
Les plus beaux vers étaient ensuite transcrits en lettre d’or et accrochés par des chaînes également en or à la Kaaba, construction cubique autour de laquelle a été édifiée la Grande mosquée de La Mecque à l’avènement de l’islam au VIIe siècle.
«Je n’ai personnellement pas assisté à la foire d’Okaz mais nous espérons la surpasser», déclare avec une pointe d’ironie Issa Seif al-Mazroui du comité d’organisation.
«Le secret du succès de cette manifestation vient de la vision d’Abou Dhabi pour préserver les traditions et la culture», affirme-t-il, avant d’ajouter : «Nous avons produit des générations entières de poètes».
Abou Dhabi, le plus important des sept membres de la fédération des Émirats arabes unis, mène une politique culturelle très active. La ville d’Abou Dhabi accueille de nombreux festivals et se prépare à ouvrir un Louvre, en collaboration avec le célèbre musée parisien du même nom.
«Registre de la vie»
La joie de Rajih al-Hamidani (centre) après sa victoire en finale de l’émission télévisée «Le poète millionnaire». |
Cette année, durant 15 semaines, 48 finalistes venus de neuf pays, se sont affrontés en proses devant un jury de trois membres et des millions de téléspectateurs.
Les éliminations se sont faites sur la base de notes attribuées par les membres du jury et le vote des téléspectateurs. Les six finalistes, dont une femme, l’Émiratie Zeineb Belouchi, se sont succédé sur le plateau de l’émission pendant plus de deux heures, chacun essayant de capter le plus de voix.
Par moments, le public invité à l’émission a vibré : s’appuyant sur des thèmes parfois politiques, les poètes ont notamment dénoncé les rebelles chiites au Yémen ou critiqué le Printemps arabe ayant entraîné la Syrie et la Libye dans le chaos.
«Contrairement à d’autres peuples, chez les Arabes la poésie est non seulement un art mais aussi le registre de leur vie qui documente les faits et les évènements», a souligné Ghassan al-Khatib, membre du jury et grand spécialiste jordanien de la poésie «nabatie», à laquelle il a consacré un doctorat.
Ce genre poétique est largement pratiqué par les princes et les têtes couronnées du Golfe, comme cheikh Mohammed ben Rached Al Maktoum, souverain de Dubaï.
AFP/VNA/CVN