>>Quelles solutions pour les différends en Mer Orientale ?
>>Mer Orientale : le CRAFV demande à la Chine de respecter la sentence de la CPA
>>"Regards croisés sur la Mer Orientale" en France
D'après le professeur Pierre Journoud, la Chine a été déboutée de ses prétentions, et notamment de ses «droits historiques» sur la Mer de Chine méridionale dans le verdict long de 500 pages rendu le 12 juillet par la CPA.
C’est un premier pas important, parce que la Chine fondait sa position maximaliste sur des revendications historiques et économiques selon lesquelles, il y a une présence ancienne de ses pêcheurs dans cet espace maritime. Là, la CPA a jugé qu’il n’y avait pas de droits historiques à prétendre pour la Chine.
Le 2e point est que la CPA estime que dans cette zone disputée, il n’y a pas d’îles au sens de la Convention de Montego Bay de 1982.
Le 3e point, la CPA estime que la Chine a commis des dégâts écologiques graves et irréparables dans cet espace contesté. C’est un sujet un peu nouveau sur le plan du droit international.
Pierre Journoud, professeur d’histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3. |
En outre, le professeur Pierre Journoud est persuadé que ce verdit n’engage pas que les parties au conflit, la Chine et les États d’Asie du Sud-Est, mais aussi les puissances maritimes que sont les États-Unis, le Japon, l’Inde, la France...
Concernant l’impact de ce jugement sur la situation stratégique en Mer Orientale, le professeur Pierre Journoud a estimé que bien que le verdict donne clairement raison aux Philippines, et qu’il encourage les États parties au conflit opposés à la Chine dans leur combat diplomatique et juridique, il ne va pas changer fondamentalement une situation qui s’intègre dans un panorama géopolitique beaucoup plus large que le seul problème de contestation de la souveraineté sur des îlots et des récifs de la Mer Orientale. Ce contexte plus large implique effectivement une transition de pouvoir et de puissance, ainsi qu’un équilibre des puissances.
Pour accompagner cette transition, Pierre Journoud a prôné une coopération de plus en plus importante entre, d’une part, les États-Unis et la Chine - les grandes puissances maritimes dans cette zone -, et, d'autre part, le Japon, l’Inde et les États asiatiques qui sont parties à ces différends.
Les négociations devront durer
encore très longtemps
«La négociation se poursuit, elle va durer encore très longtemps, parce que ce conflit va perdurer très longtemps. Les États sont condamnés à négocier s’ils veulent éviter ce que personne n’a intérêt à voir se concrétiser : un scénario de conflit, de guerre, qui serait finalement au détriment de tous ceux qui sont intéressés par l’avenir de cette région», a-t-il précisé.
Il a cité la coopération entre la Chine et le Vietnam dans le Golfe du Tonkin qui faisait l’objet d’une négociation débouchant à un accord en 2000 comme un exemple intéressant qui mériterait peut-être d’être étendu à d’autres zones de la Mer Orientale.
Pierre Journoud a indiqué que ce que l’on peut souhaiter de mieux est, effectivement, que ce verdict conforte les partisans de la négociation, en particulier les États d’Asie du Sud-Est - parties de ce conflit, qui veulent respecter le droit international et, en particulier, le droit maritime international. Ainsi, la Chine et tous ceux que le conflit intéresse peuvent éviter le pire.
Selon lui, les positions de l’Union européenne (UE) et de la France sont assez comparables dans le sens qu’elles défendent toutes les deux la liberté de navigation, le droit international et, en particulier, la Convention sur le droit de la mer de 1982 (Montego Bay).
L’UE et la France, une force
de proposition diplomatique
Il a expliqué qu’officiellement, l’UE et la France sont neutres dans ce conflit de souveraineté territoriale en Mer Orientale. Mais, l’UE est plus divisée qu’il y paraît. Puisqu’il y a beaucoup de divergences entre les États européens, finalement, ces derniers s’entendent sur le petit dénominateur commun. C’est-à-dire, une affirmation de leur attachement au grand principe de liberté de navigation, de respect du droit maritime international et de neutralité sur le conflit qui concerne uniquement les revendications territoriales.
Quant à la France, Pierre Journoud a estimé que par la voie officielle, elle appelle toutes les parties au conflit à négocier, c’est la seule solution qui vaille. Il a aussi souligné que ces dernières années, la France s’est beaucoup rapprochée de l’Asie du Sud-Est, en particulier des Philippines et du Vietnam à travers le partenariat stratégique signé avec le second en 2013 et l’accord de coopération dans la défense convenu récemment avec les Philippines.
«La France est une puissance d’Asie-Pacifique parce qu’elle a des territoires d’outre-mer dans la zone pacifique. Ses moyens militaires sont modestes par rapport aux États-Unis, mais ils sont tout de même non négligeables dans cette région. En plus, elle a surtout un passé de coopération avec cette région : elle a joué un rôle très constructif sur le plan diplomatique pour aider les pays de la région à sortir de la guerre jusqu’à la conférence de Paris de 1991 qui a mis un terme au conflit au Cambodge», a-t-il dit.
Le professeur Pierre Journoud a suggéré que l’UE et la France restent une force de proposition diplomatique et que la longue expérience de conflits terrestres et maritimes qu’ont les pays européens peut être mise à profit pour les États d’Asie, en particulier ceux d’Asie du Sud-Est.
«Je crois que nous avons encore du travail pour imaginer des solutions, des propositions innovantes et audacieuses qui puissent peut-être un jour aider les États parties au conflit à sortir enfin de cet inquiétant cycle de tensions», a-t-il conclu.