UE: fortes menaces sur la fusion Alstom/Siemens

De fortes menaces pèsent sur l'union Alstom-Siemens en raison des réticences de Bruxelles à donner son aval, malgré les appels de Paris en faveur de la création d'un géant européen du rail pour résister à la Chine.

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Le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, annonce à la presse le projet de fusion de son entreprise avec l'allemand Siemens le 27 septembre 2017 à Paris.

Dimanche 6 janvier, le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, est monté au créneau en lançant à l'intention de la Commission européenne qu'interdire cette fusion "ne serait pas simplement une erreur économique" mais "une faute politique, parce que ça affaiblirait toute l'industrie européenne face à la Chine". Alors que l'exécutif européen a jusqu'au 18 février pour approuver ou non ce mariage franco-allemand, annoncé en septembre 2017, les signaux négatifs s'accumulent. La fusion Siemens/Alstom est soutenue par Paris et Berlin, qui veulent créer un groupe capable de rivaliser avec le géant chinois CRRC.

Mais Bruxelles s'inquiète de la position dominante de la nouvelle entité, qui risquerait de faire grimper les prix et de freiner l'innovation dans l'UE. Le 18 décembre, la Commissaire européenne chargée de la Concurrence, Margrethe Vestager, avait elle-même exprimé ses craintes quant aux effets de cette fusion, notamment dans le secteur des trains à très grande vitesse où les deux groupes sont présents: Alstom fabrique les TGV et Siemens les ICE. Quelques jours après, les autorités de la concurrence britannique, néerlandaise, belge et espagnole lui avaient écrit pour l'alerter de "la perte globale de concurrence très importante" si la fusion avait lieu.

"Vestager a un problème"

Une telle missive est très inhabituelle, souligne une source proche du dossier. Avant de prendre une décision finale, la Commission européenne "consulte" en comité les autorités nationales de la concurrence des 28 pays de l'UE.

La Commissaire européenne chargée de la concurrence, Margrethe Vestager, le 5 décembre 2018 à Bruxelles.

"Certes, ce +comité consultatif+ n'a jamais retourné le sens d'une décision de la Commission mais, politiquement, l'impact de cette lettre compte", estime une autre source. En clair, "Vestager a un problème soit avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron (qui soutiennent la fusion), soit avec les quatre autres pays", a ajouté cette même source. Dans une lettre rendue publique, également avant Noël, l'association européenne des gestionnaires de réseaux ferroviaires (EIM), à laquelle appartiennent notamment le belge Infrabel ou le danois Banedanmark, avait appelé la Commission à rejeter la fusion.

Le 12 décembre, Siemens et Alstom avaient tenté d'amadouer la Commission européenne en proposant des mesures compensatoires à leur union, qui portaient sur un total d'environ 4% du chiffre d'affaires de l'entité fusionnée. Ces remèdes portent avant tout sur des cessions de technologies, telles que des licences, et non sur des cessions d'actifs. De plus, ces cessions sont limitées dans le temps, a indiqué une source proche du dossier, représentant une partie tierce. "C'est donc extrêmement léger", a-t-elle estimé.

"Sentiment négatif"

Selon cette même source, beaucoup de clients ou rivaux des deux groupes consultés par la Commission après la présentation des remèdes n'étaient pas convaincus. "Le sentiment général était très négatif", a-t-elle dit.

Le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, - ici à Paris le 19 décembre 2018 - s'est emporté contre le "droit de la concurrence européen obsolète"

En présentant leurs concessions, Siemens et Alstom avaient convenu qu'"il n'y avait pas de certitude que le contenu de cette proposition soit suffisant pour répondre aux préoccupations de la Commission". Un expert du secteur suppose que "les deux groupes vont proposer de nouveaux remèdes", mais "ils seront cosmétiques et la fusion va finir pas être interdite". "S'il y a de nouveaux remèdes proposés, ce sera dans les prochains jours", a indiqué une autre source. Le temps presse en effet, puisqu'il faudra encore les analyser avant le 18 février.

Dimanche 6 janvier, M. Le Maire s'est emporté contre le "droit de la concurrence européen obsolète (...) qui ne permet pas à l'Europe de créer ses propres champions industriels". Un porte-parole de la Commission européenne a laconiquement indiqué lundi 7 janvier qu'"il ne commentait pas les commentaires" et que "l'enquête se poursuivait". Un échec de cette union ravirait l'intersyndicale d'Alstom transport à Belfort, comme l'indique André Fages, délégué syndical CFE-CGC: "cette fusion n'est pas bonne dans le sens où elle n'a pas de vocation industrielle (...) et que le seul objectif est de faire plaisir aux actionnaires".


AFP/VNA/CVN

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