Trempé comme une soupe

Après la pluie, le beau temps. Pour l’été vietnamien, c’est plutôt : le beau temps peut cacher la pluie. Attention, sortez les parapluies, cette tranche de vie va être humide !

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La ville de Huê (province de Thua Thiên-Huê) sous la pluie.

Je profite de ce mois d’août pour accompagner des amis entre Trung Bô (Centre) et Nam Bô (Sud), avant de les laisser naviguer sur le Mékong pour rejoindre le Cambodge voisin. Tout s’annonçait comme une belle escapade, loin de la foule des vacanciers, avec quelques randonnées pédestres et motorisées en perspective.

En un bel élan d’optimisme et sans remord, j’avais abandonné ma fidèle veste de pluie à son cintre. Et, c’est en toute insouciance que je quittais mon domicile hanoïen pour partir à la conquête du Vietnam, armé d’une petite valise au contenu estival. Erreur incommensurable que je n’allais pas tarder à regretter.

Douche froide

Dans la voiture qui m’amène à l’aéroport, je ne vois du ciel qu’une nappe noire où il serait bien difficile de déceler le moindre scintillement étoilé. Par contre, de magnifiques éclairs brisent l’harmonie céleste, annonciateurs de grosses gouttes qui, bientôt, viennent s’écraser lourdement sur le pare-brise. Baste, me dis-je, laissons les éclairs éclairer et le tonnerre tonner, dans quelques heures, je serai loin, et de toute façon, demain il fera beau. Certes, mais avant d’y être, il faut y aller. Et dans l’avion qui m’emmène de Hanoï à Dà Nang (Centre), je me rends compte que mon égoïste raisonnement commence à prendre l’eau.

Nous avons décollé depuis plus de 20 minutes, et l’équipage est toujours harnaché sur ses sièges. Un signe qui ne trompe pas le vieux routier des airs que je suis. D’autant que par le hublot, le stroboscope céleste s’en donne à cœur joie : des flashs gigantesques percent les nuages, comme si Zeus lui-même s’amusait aux fléchettes. Sans faiblir, notre avion trace sa route, se fiant à ses réacteurs pour fuir la tempête intempestive. Il faudra attendre encore quelques minutes avant que la sonnerie libératrice de l’équipage retentisse, et que la vie à bord prenne son cours normal.

C’est un Dà Nang humide de la dernière pluie qui m’accueille. Qu’importe, demain sera un autre jour et il fera beau. Une pensée réconfortante sur laquelle je m’endors sans inquiétude. Et effectivement, le lendemain, le ciel est d’un bleu de carte postale. Juste le temps de rallier Hôi An (province de Quang Nam, Centre), où m’attendent mes amis, et nous entamons notre longue route vers le Sud.

Balade au dos d'éléphant dans les hauts plateaux du Centre
Photo : Vân Anh/CVN

Pour aller à Kon Tum (hauts plateaux du Centre), nous roulons au milieu d’un paysage d’une extraordinaire beauté. La jungle épaisse et sombre s’étend jusqu’au bord de la route. Parfois, une clairière laisse apparaître de modestes cultures sur brûlis. Le lit bleuté des torrents perce de temps à autre la muraille végétale, et c’est un véritable plaisir de s’arrêter au pied d’une cascade pour se rafraîchir le visage.

Nous sommes maintenant sur le plateau de Kon Tum et nous voyons défiler Dak Tô et ses plantations de thé vert, Dak Hà et ses plantations de café, et enfin les immenses plantations d’hévéas qui annoncent Kon Tum. Vous l’avez deviné : pas une goutte d’eau n’est venue ternir cette journée. Ce qui me conforte dans l’idée que le mauvais temps est derrière moi. Naïve certitude ! Comme s’il attendait pour mieux nous tremper, le ciel reste clément pour l’étape suivante, celle qui nous conduit à Buôn Ma Thuôt (province voisine de Dak Lak), la capitale du café.

Mais, alors que nous visitons le fameux village du café, le ciel décide qu’il est temps de me faire payer mon outrecuidance. Alors que quelques minutes auparavant nous flânions tranquillement dans le jardin de caféiers, les vannes se sont ouvertes. En quelques secondes, nos chaussures boivent la tasse, nos vêtements deviennent éponges, et dans un bruit de clapotis et de succions, nous nous abritons dans la salle de dégustation. Deux cafés noirs et un thé chaud plus tard, nous en sommes toujours à contempler l’épais rideau de pluie qui nous gâche la soirée.

Complètement rincé

Mais, sauf à dormir sur place, il faut bien regagner la voiture qui nous attend sur le parking. Jamais 20 m ne m’auront paru aussi long. Vite rejoindre notre hôtel, prendre une douche et se sécher. Se sécher, voilà où le bât blesse. Si pour l’humain, quelques frictions énergiques avec une serviette de toilette peuvent suffire, pour les vêtements, il en est tout autrement. L’humidité ambiante est tellement élevée qu’il est inutile de compter sur la seule évaporation naturelle pour que mon linge redevienne ce que doit être tout linge honnête : sec.

Dans certaines situations, il ne faut pas hésiter à se mouiller.

Le sèche-cheveux de la chambre a beau s’essouffler à faire transpirer chemise et pantalon, ce sont des vêtements halitueux qui regagnent ma valise et des chaussures moites qui rejoignent mes pieds. Le lendemain, Dà Lat, province de Lâm Dông (hauts plateaux du Centre) nous accueille sous le soleil. Vite, à peine installé à l’hôtel, j’étends, j’étale, je déploie. Mon balcon est transformé en étendoir à linge. Qu’importe l’esthétisme, je le sacrifie à l’efficacité. Je laisse le soleil faire son travail et j’enfourche une moto pour aller sillonner les routes avoisinantes. Au passage, une petite halte à la cascade de Dantala. Descendre admirer les chutes est une chose, en remonter en est une autre..., surtout quand l’hygrométrie ambiante s’approche des 80%.

Pour l’heure, ce n’est pas l’eau du ciel qui mouille nos vêtements. Inondés de sueur, nous nous attablons au restaurant qui surplombe le site, histoire de se refaire une santé. Santé avec laquelle le ciel décide de jouer, car une véritable tempête se déclenche au moment où nous voulons reprendre nos motos. ça cataracte à grandes giclées, ça crépite à transpercer la toiture, ça souffle à larges bourrasques. Couverts de mauvaises capes de plastiques, achetées sur place, nous bravons les éléments. Nos motos sont à la limite de l’adhérence, nous naviguons plus que nous roulons.

La réceptionniste de l’hôtel écarquille grand les yeux en voyant entrer des individus dégoûtants et dégouttant. Les vêtements que j’avais laissés sur le balcon sont redevenus serpillières, ceux que je porte sont loques, et ceux restant dans ma valise commencent à s’inquiéter du sort qui les attend. Hô Chi Minh-Ville, Cai Bè, Châu Dôc (Sud), autant d’étapes où mes toilettes se seront transformées en oripeaux, par la grâce d’orages généreux. Ma valise suinte de partout, mes chaussures sont devenues spongiformes. Il est temps de rentrer.

S’il y en a une qui va se cintrer en me voyant revenir en chiffes, c’est bien ma veste de pluie.


Gérard Bonnafont/CVN

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