Lutte sans merci

Sans se piquer d’être un virtuose, il faut parfois témoigner d’une grande dextérité pour ne pas se faire piquer.

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Cet été, le Nord du Vietnam subit des pluies torrentielles entre juillet et août.
Photo : CTV/CVN

C’est l’été au Vietnam. Qui dit été vietnamien, dit beaucoup d’eau. L’eau du ciel qui dégringole à tout va, l’eau des fleuves qui s’étale sans vergogne au-delà des rives, l’eau des marigots qui s’enflent à devenir lac.

Mais, après la pluie le beau temps, et quand l’eau des étangs se réchauffe, c’est la fête chez les œufs de moustiques. Ils s’en donnent à cœur joie à devenir larve puis insecte adulte, dont la seule préoccupation sera de pourrir l’été des humains, au cas où la météo ne suffirait pas.

Solide coup de trompe

Depuis la nuit des temps, moustique et homme se livrent une guerre sans merci. Et dans cette lutte, le moustique a mis en place de redoutables stratégies. Comme tout bon chasseur, il commence par une phase de repérage. Et ce, d’une façon extraordinairement astucieuse. Son intérêt est d’abord éveillé par une odeur de dioxyde de carbone exhalée par un mammifère et portée par le vent, dans un rayon pouvant dépasser dix mètres.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce fumet, qui peut être bref ou intermittent, ne le guide pas jusqu’à sa proie mais lui sert plutôt d’alarme l’incitant à «ouvrir» les yeux. L’insecte se met alors visuellement en quête de sa cible et se dirige vers les masses qu’il perçoit aux alentours. Mais à ce stade, il peut encore se tromper et aller, par exemple, vers un arbre.

Pour vérifier que la masse sur laquelle il s’apprête à se poser lui prodiguera bien le sang dont il a besoin, il se base donc, pour son approche finale, sur la perception de la chaleur corporelle ainsi que sur l’humidité émanant de la transpiration - ce qui lui permet de distinguer un rocher chauffé par le soleil d’un animal. Puis, il passe à l’attaque. Il atterrit en douceur sur le derme repéré.

Sa taille minuscule permet au moustique d’être quasiment invisible et, sauf à être trahi par un vrombissement intempestif.

En une seconde, il perfore la surface, aspire goulûment le sang de l’innocent, puis s’éclipse avant la claque vengeresse. Si tout s’arrêtait là, ce serait un moindre mal, mais la bête hideuse ne se contente pas de nous sucer le sang. Elle nous injecte également de la salive, contenant un anticoagulant. Pourquoi ? Tout simplement parce que celui-ci neutralise nos plaquettes afin que le sang reste liquide et ne bouche pas la trompe du nuisible.

Et pendant que le vorace sirote, nos mastocytes réagissent à l’anticoagulant en secrétant de l’histamine, le meilleur inducteur de démangeaison que l’on connaisse. Et c’est parti pour quatre à dix minutes de grattage pour tenter désespérément de se soulager. Même repu et envolé vers d’autres horizons ou d’autres victimes, l’abominable petite bête continue à nous faire souffrir.

Fragile protection

Alors, il est bien normal que devant une telle sauvagerie, l’homme ait cherché des méthodes de défense. La plus ancienne répond à l’adage : «La meilleure défense est l’attaque». C’est la claque retentissante qui doit écraser le perforateur, avant qu’il ne puisse perforer, ou au moins avant qu’il ne puisse s’envoler. Mais force est de constater que cette stratégie connaît de nombreux échecs retentissants, voire arrive à se retourner contre son auteur qui se rougit la peau à s’auto-administrer des gifles et autres coups à assommer un bœuf à défaut de tuer le moustique.

Une autre arme est apparue ces derniers temps : la raquette électrique. Formée d’un grillage électrisé par une batterie incorporée, l’ustensile est destiné à cueillir en plein vol le moustique téméraire et, par un smash foudroyant, le coller contre le treillis métallique où il se calcine en un clin d’œil. Quel plaisir que d’entendre le grésillement annonciateur de la fin d’un suceur de sang. Fusse au prix d’une épicondylite due aux innombrables revers, coups droits et lobs effectués dans le vide, face à un partenaire qui refuse de monter au filet.

Mais la meilleure arme est encore ce fragile morceau de tulle qui se dresse entre notre peau et le moustique. S’il me fallait attribuer un titre de bienfaiteur de l’humanité, c’est assurément à l’inventeur de la moustiquaire que je le décernerai. Magnifique tissu aux mailles si fines qu’elles empêchent le moustique à la taille de guêpe aussi fine soit-elle de passer à travers, tout en laissant passer l’air indispensable à notre survie et la lumière indispensable à notre confort.

Un lustre ? Non, une moustiquaire prête à être déployée.

Quel bonheur que d’entendre le vrombissement irrité des bestioles qui tournent en rond, impuissantes à se ruer sur leurs victimes au sang chaud ! Quel bonheur de se réfugier sous cette tente diaphane et de faire un pied-de-nez à tous ces culicidés ! Mais, je dois à la vérité de dire que si je devais décerner un titre de tortionnaire de l’humanité, je le décernerai aussi à l’inventeur de la moustiquaire. En effet, avant de pouvoir profiter de la béatitude d’une protection totale contre les moustiques, il faut savoir ériger le voile aux mailles fines, en un abri efficace.

Or, qui n’a jamais eu à déployer une moustiquaire en un dais digne de ce nom ne connaît pas les affres de son installation. Surtout que celle-ci prend un malin plaisir à s’avachir quand on veut la tendre, à se mettre de guingois quand il faut qu’elle soit au carré, à s’entortiller quand elle doit être bien droite. Et si l’on réussit à entourer son lit d’une défense à peu près efficace, encore faut-il pénétrer dans l’abri sans y faire entrer un moustique. Savoir relever un pan du voile pour s’y glisser en un mouvement souple et rapide, le faire retomber derrière soi d’un geste fluide, requièrent un certain entraînement.

Combien de fois, alors néophyte en la matière, ne me suis-je pas emberlificoté dans la toile, cherchant à me libérer à grands gestes rageurs, à faire s’écrouler le fragile édifice ! Combien de fois aussi, une fois la moustiquaire tendue à nouveau, n’ai-je dû me battre avec un moustique emprisonné avec moi et qui ne souhaitais nullement se retrouver en liberté, même surveillée !

Quelqu’un a dit : «Un moustique dure une journée, une rose trois jours». J’offre un bouquet de roses à quiconque pourra me débarrasser des moustiques toute une journée.


Gérard Bonnafont/CVN

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