TGV : cinq heures et demie pour aller de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville

Le projet de voie ferrée à grande vitesse entre Hanoi et Hô Chi Minh-Ville a été soumis début mars au gouvernement. Il devra ensuite être adopté par l'Assemblée nationale. Représentant un investissement d'environ 55,8 milliards de dollars, il s'agit réellement d'un "super projet" destiné à offrir au Vietnam un train circulant à 300 km/h sur un trajet de 1.570 km.

En raison du développement économique au Nord et au Sud, les besoins en transport vont croissants. En 2008, le transport de passagers a augmenté de 2,6 fois par rapport à 1998 et celui de fret, de 3 fois. Actuellement, le transport routier représente 95,1% des passagers et 84,3% des marchandises écoulées dans le pays, le transport ferroviaire n'occupant respectivement que 3,1% et 7,5%. Cependant, le réseau routier actuel répond difficilement à la forte intensité du trafic. Conséquence : la sécurité de la route se pose.

L'augmentation des capacités de transport routier rencontrera beaucoup de difficultés : selon les prévisions, jusqu'en 2020, le réseau routier ne pourrait répondre qu'à environ 70% des besoins en transport dans le pays, et ce taux devrait diminuer de plus en plus.

Le réseau ferroviaire a une longueur totale de quelque 2.600 km, 85% des lignes n'étant constituées que d'une seule voie, qui permettent la circulation de seulement 50 trains par jour au maximum. La ligne ferroviaire transnationale Hanoi-Hô Chi Minh-Ville assume quotidiennement la circulation de 36 trains transportant de 7.000 à 8.000 passagers, soit seulement 2,2% des passagers de l'ensemble du pays.

Compte tenu de la demande de plus en plus forte en transport de passagers, il faut simultanément moderniser les voies ferrées actuelles et construire une ligne à grande vitesse (environ 300 km/h). Cette dernière, une fois mise en service, permettra de réduire le temps de déplacement entre les 2 premiers centres économiques et culturels du pays qui représentent 85% de la population et contribuent pour plus de 90% au PIB national. Selon les prévisions, elle devrait occuper environ 29% des parts de marché du transport en 2030, desservir 48.000 passagers par jour en 2020, puis 177.000 en 2030 et 220.000 en 2040… Avec un trajet prévu de seulement 5 heures 30 minutes entre Hanoi et Hô Chi Minh-Ville, cette nouvelle ligne devrait stimuler les échanges entre les régions économiques du pays, accélérer l'urbanisation et la répartition de la population, contribuant par là même à désengorger les grandes villes, à réduire les accidents de la circulation, à protéger l'environnement...

Choisir les technologies, investir progressivement

Selon les expériences étrangères dans la construction de lignes ferroviaires à TGV et la situation concrète au Vietnam, les travaux devront être lancés dès 2012 afin que l'exploitation débute en 2020.

L'une des premières priorités, c'est de choisir des technologies adaptées aux conditions du pays : modernité, sûreté, commodité, protection de l'environnement, investissement raisonnable…

Le maître d'œuvre est la Compagnie générale des chemins de fer du Vietnam, avec l'assistance de la coentreprise de conseils vietnamo-japonaise (VJC) qui assume en tant que consultant l'élaboration du rapport d'investissement.

Sur le plan technologique, VJC propose d'appliquer les technologies du Shinkansen qui sont utilisées avec succès au Japon. Elles permettent une vitesse élevée et une sécurité optimale. Toujours selon VJC, cette ligne comprendra 2 gares principales à Hanoi et Hô Chi Minh-Ville ainsi que 25 stations dans 20 villes et provinces.

Ce projet de grande envergure nécessite un budget colossal qui est estimé à environ 55,8 milliards de dollars, dont 30,8 milliards pour la construction des infrastructures et 9,5 milliards pour l'équipement, pour un coût moyen final du kilomètre de 35,6 millions de dollars.

Plus de 4.000 ha de terrain devraient être libérés, dont près de 400 ha en zone urbaine et plus de 800 ha en zone rurale, le reste relevant de zones forestières. Selon les prévisions, plus de 16.500 foyers seraient concernés par une expropriation de leur lieu de résidence et plus de 7.000 autres de leurs terres de production. Le coût de ces expropriations et du relogement est estimé à près de 30.500 milliards de dôngs.

En termes de budget, un plan progressif d'investissement et de mobilisation des capitaux serait mis en oeuvre. "Il est nécessaire d'investir étape par étape et non pas massivement sur toute la ligne", estime Ngô Trung Kiên, chef adjoint du projet stratégique de la Compagnie générale des chemins de fer du Vietnam. VJC propose de réaliser ce projet comme l'on construit un pont, c'est-à-dire de commencer en 2012 par les 2 extrémités que sont Hanoi et Hô Chi Minh-Ville, puis procéder à leur raccordement à Ðà Nang. Concrètement, il s'agirait d'abord de construire les tronçons Hanoi-Vinh (282 km) et Hô Chi Minh-Ville-Nha Trang (382 km), dont l'exploitation commencerait en 2020, avant d'achever la ligne par les tronçons Vinh-Ðà Nang (420 km, mise en service prévue en 2030) et Nha Trang-Ðà Nang (486 km, en 2035).

Les capitaux pourraient être mobilisés de façon traditionnelle : 70% par l'État pour les infrastructures de cette ligne, et 30% par l'exploitant pour l'achat des locomotives et wagons. Mais il y a d'autres plans d'investissement avancés notamment par le conseil du projet qui suggère un partenariat public-privé (PPP). Pour Ngô Trung Kiên, bien que le PPP ne soit pas encore applicable en la matière au Vietnam conformément à la réglementation, d’importantes épargnes au sein de la population pourraient être ainsi mobilisées.

Selon VJC, la position géographique de la ligne de TGV Nord-Sud présente de nombreux avantages. Ce grand axe ferroviaire est conçu pour fonctionner comme un "double entonnoir" pour absorber un flux de passagers issus des 2 bassins du fleuve Rouge au Nord et du Mékong au Sud. En effet, les passagers potentiels ne sont pas seulement les populations de Hanoi (6 millions d'habi- tants) et de Hô Chi Minh-Ville (12 millions), mais celle des deltas du fleuve Rouge et du Mékong, ainsi que celle d'une partie du Nam Bô oriental, soit plus de 30 millions de personnes chacune. La ligne de TGV Nord-Sud relierait non seulement les 2 plus grandes agglomérations du Vietnam, mais aussi les 25 villes et zones industrielles de pointe, par un moyen de circulation rapide, puissant, sûr et commode, "rapprochant" les 2 extrémités du pays. Selon les expériences étrangères en la matière, le nombre de passagers recourant à la ligne de TGV sera considérablement supérieur à celui initialement prévu, ce qui sera particulièrement bénéfique au développement socioéconomique national.

D'après Nguyên Huu Bang, directeur général des chemins de fer du Vietnam, à ce jour, plusieurs éléments importants du projet ont été réalisés. Le gouvernement a agréé l'emploi des technologies Shinkansen et défini un budget pour l'élaboration d'un rapport d'investisse- ment. Le maître d'œuvre a signé un contrat d'étude de l'investissement avec une coentreprise, fruit du partenariat entre une entreprise vietnamienne et 3 partenaires japonais. Le consultant missionné pour ce projet est en train de parachever son dernier rapport afin qu'il soit soumis à l'Assemblée nationale lors de sa prochaine session.

Cependant, du fait que ce projet de développement des infrastructures implique des capitaux considérables, il faut étudier de manière particulièrement approfondie les procédés de financement possibles afin de ne pas nuire à l'investissement dans les autres secteurs. Il importe en outre d'élaborer des mécanismes spécifiques à ce projet de premier ordre pour les expropriations, le développement urbain, les zones avoisinantes des gares, la mobilisation des capitaux, la gestion de l'investissement et des travaux, la formation de ressources humaines…

Trân Thi Tính/CVN

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