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Photo prise le 30 novembre montrant une partie du camp d'Um Raquba, dans l'Est du Soudan, où sont accueillis des réfugiés éthiopiens |
Photo : AFP/VNA/CVN |
En une heure, la direction du camp, avec ses machines de terrassement, a annihilé toute végétation sur une longueur de 50 mètres. Aussitôt après, des réfugiés s'emparent des arbres tombés et les tirent jusqu'à l'endroit où ils entendent ériger leur cabane. Zayet Wali, une réfugié de 65 ans, suit les bulldozers. "Avec mon fils, nous ramassons les arbres qui gisent sur le sol afin de construire un abri. Mon mari est très malade et je dois le protéger du soleil", assure cette femme de 65 ans.
Mais dans son bureau à Gedaref, la capitale de l'État éponyme où est situé le camp, Amira Elgadal est très inquiète. "Depuis début novembre, nous accueillons des milliers de réfugiés et le prix à payer est élevé. Chaque jour disparait l’équivalent de 65 m3 d'arbres. Cela porte un rude coup à l'environnement", affirme la directrice du département de l'environnement et de la santé de ce gouvernorat.
Gedaref possède un climat désertique et les terres sont cultivées durant la saison des pluies tandis que durant les autres mois la terre s’assèche et se craquèle. Dans ces régions semi-arides, les acacias sont très importants du point de vue écologique. Leur destruction a des conséquences néfastes pour plusieurs espèces végétales et animales.
"Ici, il n'y a pas une seule organisation qui s'occupe d'environnement. Nous avons demandé au Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) et à la Commission soudanaise pour les réfugiés de fournir des abris n'utilisant pas le bois, comme des tentes par exemple, et de livrer des bouteilles de gaz pour éviter d'utiliser des buchettes", explique-t-elle.
"Désastreux"
Autre coup dur pour l'environnement, le manque cruel de sanitaires. "Tout cumulé, c'est désastreux pour l'environnement", se lamente la Soudanaise qui déplore ne pas avoir été entendue jusqu’à présent. Chacun des protagonistes a ses priorités. Pour la direction du camp, le plus important ce sont les abris. Elle a déjà érigé 2.100 huttes et 3.000 sont à venir car le camp peut à terme contenir 20.000 personnes. Pour les 10.000 réfugiés qui le peuplent, c'est d'avoir un toit et du bois pour cuisiner.
Assis à l'ombre d'une arbre, Abadi Grazdier, âgé de 70 ans, fait cuire son repas sur un feu fait de morceaux de bois grappillés ici et là. "Dans mon pays, je n'ai jamais coupé une branche, c'est interdit mais ici ai-je une autre solution ?", confie-t-il. Plus de 45.000 personnes ont fui du Tigré vers le Soudan depuis l'offensive lancée le 4 novembre par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed contre le gouvernement dissident de cette région du nord de l'Ethiopie, pour y placer des institutions "légitimes".
Alors qu'à leur arrivée, chaque réfugié cherchait un arbre pour échapper à l'ardeur du soleil et défendait âprement sa place à l'ombre, deux semaines plus tard, certains se sont transformés en bucheron. Armés de hache, Kanfa Amari, 32 ans, et ses amis font de l'abattage. "Aujourd’hui, nous sommes montés sur une petite colline, nous avons coupé un arbre et nous l'avons débité et nous nous le sommes partagé", dit-il.
Ce bois n'est pas destiné à la construction mais pour la cuisson. D'ailleurs, devant chaque abri, des fagots sont entassés. "Si on nous distribuait du charbon ou des bouteilles de gaz, bien sûr que nous ne toucherions pas aux arbres. Mais que faire ? Il faut bien manger", assure M. Amari.
AFP/VNA/CVN