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Couverture du roman Sông. |
Pour leur première bande dessinée Sông, Hai Anh est scénariste et Pauline, dessinatrice. Attachée à ses origines vietnamiennes, Hai Anh restitue avec brio l’adolescence de sa mère dans le maquis pendant la résistance nationale contre les Américains.
Après un baccalauréat scientifique, Pauline Guitton a rejoint les Beaux-Arts de Caen, où elle a obtenu son diplôme en 2015. Pas convaincue d’être vraiment à sa place, elle a suivi son amie Hai Anh au Vietnam pendant un an. À son retour en France, elle est entrée à l’école des Gobelins et en est sortie diplômée en 2021.
De son côté, Hai Anh, à la sortie du lycée, ne savait pas trop ce qu’elle voulait faire et a donc commencé une licence d’économie. Ce n’est qu’à 20 ans qu’elle s’est orientée vers la production audiovisuelle en suivant le master 2 (Économie de la culture et du numérique) à l’Université Paris 1. Pendant son année de césure, elle est partie à Hô Chi Minh-Ville, accompagnée de Pauline, et a eu l’opportunité de faire plusieurs stages dans des sociétés de production locales, notamment Galaxy Cinema et la société de production du film HKfilm.
Les récits familiaux
Après son master, à son retour en France, elle a également eu envie de se tourner vers la réalisation en intégrant l’École de cinéma et audiovisuel (ESEC) à Paris. Là-bas, elle a rencontré de nombreux autres techniciens du cinéma et s’est fait de très bons amis. Aujourd’hui, lorsque Pauline ne fait pas de bande dessinée, elle s’active dans le secteur du cinéma d’animation. De son côté, Hai Anh a choisi de s’installer au Vietnam en 2020 où elle travaille dans l’audiovisuel et l’édition.
Une page de l’œuvre Sông. |
Les deux amies ont grandi en lisant beaucoup de mangas et de bandes dessinées, et elles s’échangeaient leurs lectures. Pauline savait qu’elle allait faire de la bande dessinée. Lorsque Hai Anh lui a proposé de travailler sur l’histoire de sa maman, c’était une occasion rêvée, d’autant plus que les récits familiaux se prêtent particulièrement bien au roman graphique.
En 2018, Hai Anh a lu le chef-d’œuvre d’Art Spiegelman, Maus, qui a remporté le prix Pulitzer en 1992. La manière dont Art Spiegelman abordait sa relation avec son père l’a vraiment touchée et a été une grande source d’inspiration pour elle. Hai Anh et Pauline Guitton étaient donc prêtes à donner naissance à Sông, soutenues par leurs familles, leurs amis et leurs éditeurs.
Hai Anh a entrepris des entretiens approfondis avec sa mère, l’héroïne du roman graphique, en 2018. Après 2020, ces conversations se sont également déroulées par téléphone ou par courrier électronique. Ainsi, la construction par chapitres s’est faite naturellement en suivant les thèmes des échanges. Bien qu’elle n’ait pas d’expérience en scénario de bande dessinée, elle a écrit de manière très intuitive les premières versions, qui ont ensuite été relues et corrigées pendant deux ans avec l’aide des éditrices. Ensuite, elle a envoyé à Pauline un texte rédigé sous forme de scénario de film, découpé en scènes. Pauline a pris le relais en le découpant en images rapides. Il y a eu plusieurs allers-retours pour réadapter le texte au découpage et aux dessins.
Un court métrage
Une fois que le découpage a été validé par Hai Anh et les éditrices, Pauline a d’abord encré toutes ses planches, puis une fois l’encrage validé, elle est passée à la couleur. Elle a réalisé tout le travail numériquement, par habitude mais aussi pour gagner du temps. “Il était important pour moi de donner à ce roman graphique un titre dans ma langue maternelle et d’en conserver les accents. En vietnamien, +Sông+ signifie +vivant, en vie+, et c’est le mot qui me vient toujours à l’esprit lorsque ma mère me raconte ses aventures d’adolescente. Aussi singulières que puissent être ses histoires, je tenais à résumer chaque souvenir en un seul verbe vietnamien afin de les inscrire dans un thème plus universel”, répète souvent Hai Anh.
La lecture de ce récit familial ponctué de son lexique original vous fera donc découvrir d’autres mots de cette belle langue qu’est le vietnamien.
Pour l’instant, Pauline aimerait réussir à écrire elle-même un projet de bande dessinée et travailler sur le scénarimage d’un long-métrage de cinéma d’animation. Hai Anh se prépare à tourner un court métrage au Vietnam avant, espère-t-elle, de réaliser son premier long métrage. Depuis la sortie du roman graphique, elle explore également de nouvelles idées pour un prochain livre. En attendant, elle suit de près les Maisons d’édition comme Kim Dông ou Comicola au Vietnam. Elle sait qu’il y a énormément de jeunes talents dans le pays qui mériteraient de pouvoir s’exprimer en bande dessinée, notamment Duong Nguyên (Instagram : @theycallmeduong), qui vient d’illustrer une bande dessinée publiée chez Comicola.
Nous souhaitons beaucoup de succès à Pauline et Hai Anh, et nous vous recommandons vivement de vous procurer Sông si vous ne l’avez pas encore fait.
Texte : Hervé Fayet/CVN
Photos : Hai Anh/CVN