Le spectacle attire les regards éberlués de touristes venus de loin, et on les comprend ! Mais quelle mouche a bien pu piquer ces personnes à la chevelure poivre et sel, voire carrément blanche à venir s’essayer à cette danse qu’admire tant la jeunesse pour sa fougue et son exubérance ?
Des personnes âgées s’adonnent passionnément au hip-hop. |
Du hip-hop en débardeur et short à fleur !
L’idée «traditionnelle» que l’on a du hip-hop se résume en quelques mots : énergie et souplesse alliées à une rythmique lourde, saccadée et entêtante. De nombreux jeunes cherchent d’ailleurs à impressionner par des tenues et des coiffures qui ne ressemblent à rien. Pas sûr que l’effet recherché atteigne toujours sa cible… Passons… Toutefois, il suffit d’assister ne serait-ce qu’une fois aux séances de hip-hop auxquels s’adonnent nos jeunes - et moins jeunes - retraités au bord du Petit lac pour en avoir une vision totalement différente. Ici, point de cheveux colorés ou d’accessoires tape-à-l’oeil, mais plutôt des rires et une joie de vivre omniprésente, et le dévouement des anciens membres envers les «petits nouveaux».
Nguyên Viêt Thành, chef du groupe de hip-hop régionalement connu BigtoeCrew, donne un cours aux personnes âgées. |
Vers 08h00 du matin, la zone près du pont Thê Húc s’anime subitement : toute une foule d’hommes et de femmes âgés en chaussures de sport, débardeur et short à fleur danse sur fond de musique hip-hop.
Le duo basse si caractéristique de ce courant musical donne aux apprenants des émotions profondes, sauvages ou ténébreuses et sert de point d’appui pour donner les coups de hanche, et effectuer des ondulations avec les bras.
Mme Hanh, domiciliée dans la rue Câu Gô, arrondissement Hoàn Kiêm, nous informe qu’au début, la classe ne comptait que cinq élèves. Tous les matins, le jeune professeur avait bien du mal à enseigner aux vieilles dames chacun des mouvements, la manière de poser les pieds au sol ou de les lever en rythme...
Puis, grâce à la magie du bouche à oreille, la classe s’est peu à peu remplie au point d’atteindre une centaine d’élèves. En ce moment, «nous nous entraînons à raison de trois séances par semaine, étant donné que le professeur est assez pris», raconte Mme Hanh. Chaque séance dure deux heures. «Nous allons des mouvements simples aux plus compliqués en suivant une leçon préprogrammée», ajoute-t-elle.
Pas d’âge pour faire du hip-hop !
Jusqu’à présent, le hip-hop au Vietnam était toujours associé au terme de «rebelle» ou de «fantaisie». Guère étonnant vu le nombre de personnes qui pensent que le hip-hop ne peut se pratiquer sans cheveux teints ou accoutrements volontairement provocateurs. Cependant, le son de cloche est différent chez les vrais aficionados, puisque c’est pour eux l’art de la beauté, de la musique sublimée par les mouvements du corps. Pour les apprenants de ce cours, le simple fait d’arriver à exécuter correctement les mouvements leur apportera la condition physique qu’ils recherchent.
«J’ai 67 ans cette année. Avant, rien que de m’asseoir et de me lever était pour moi tout une histoire. Puis, je me suis inscrite au cours du professeur Thành que m’avaient recommandé plusieurs de mes amis. Certains mois sont payants, d’autres gratuits, mais ce qui me frappe, c’est de constater que des octogénaires peuvent faire des mouvements aussi rapides et structurés que les jeunes, et ce en six mois seulement ! Je vais m’entraîner ferme pour en arriver là !», raconte Mme Hiên résidant dans la rue Hàng Gà, arrondissement Hoàn Kiêm.
Ce spectacle attire les regards éberlués de touristes venus de loin. |
«Certains pensent peut-être qu’apprendre le hip-hop aux seniors est une folie. Mais pour moi, les apprenants âgés ont des qualités qui font défaut aux jeunes : la patience, la persévérance et une grande capacité à se concentrer. Au début, ils venaient juste pour s’entretenir physiquement, aujourd’hui, ils reviennent par pur plaisir», se réjouit Thành.
Le jeune maître souhaite abattre les préjugés que portent les gens sur le hip-hop et ses apprenants. N’importe qui peut aimer le hip-hop et apprendre à danser. Ce n’est pas réservé exclusivement aux jeunes mais à tout ceux qui l’aiment. Il n’y a pas d’âge ni de frontière !
Une vraie cure de jouvence !
«L’idée d’enseigner le hip-hop aux personnes âgées m’est venue lors de mes promenades quotidiennes que je faisais le matin autour du lac et au fil des discussions que j’ai eu avec elles. Ces gens se plaignent souvent de douleurs au cou, aux jambes, à la colonne vertébrale alors que ce n’est qu’une question de pratique physique appropriée. Les mouvements du hip-hop, réalisés de manière douce, souple et progressive aideront en effet le corps à retrouver une deuxième jeunesse», confie Nguyên Viêt Thành, alias Lion T, leader du groupe Bigtoe.
Minh Phuong/CVN