Rencontre avec l’héroïne du onze national féminin

En arrêtant par deux fois le ballon pendant cette séance de tirs aux buts insoutenable face au Myanmar, la gardienne de but Dang Thi Kiêu Trinh et ses camarades du onze national féminin du Vietnam sont devenues, devant leur public, championnes d’Asie du Sud-Est.

Le 22 septembre à Hô Chi Minh-Ville, et après six ans d’attente, les filles ont enfin de nouveau soulevé la Coupe d’Asie du Sud-Est de football, après une finale stressante où les deux équipes n’ont pu se départager durant le temps règlementaire et les prolongations.

Après des débats équilibrés soldés par un 0-0 somme toute logique après 120 minutes de jeu, Dang Thi Kiêu Trinh, la gardienne vietnamienne titulaire a sorti le grand jeu pendant la séance de penaltys en s’interposant par deux fois face au ballon (score final 0-0, 4 t.a.b à 3). Exultation dans le stade Thông Nhât de Hô Chi Minh-Ville comme sur le terrain, Dang Thi Kiêu Trinh devenant à 27 ans l’héroïne de tout un peuple!

Des débuts difficiles

La gardienne de but Kiêu Trinh reçoit le «Ballon d’or Vietnam» en 2011.
Photo : Quang Nhut/VNA/CVN

Cela fait maintenant 13 ans que Kiêu Trinh joue au football, un sport avant tout réservé aux hommes, même si les choses évoluent de nos jours. «Mes parents m’interdisaient de jouer au foot sous prétexte qu’une fille ne peut s’exposer continuellement aux rayons du soleil», a-t-elle confié (NDLR : la blancheur de peau est le premier critère de la beauté féminine au Vietnam). «Pourtant, je jouais dès qu’ils avaient le dos tourné. Une fois, mon père m’a vue sur le terrain. Il me l’a beaucoup reproché», a-t-elle ajouté.

Malgré l’interdiction de ses parents, la jeune adolescente d’alors a persévéré, déterminée à aller au bout de sa passion. Ses parents, bien obligés de se rendre à l’évidence, ont peu à peu cédé du terrain. Voulant jouer attaquante, elle a tout de suite montré des aptitudes en tant que… gardienne de but, avec le succès qu’on lui connaît.

Avec son talent, Kiêu Trinh a rapidement gravi les échelons. Elle a d’abord contribué à la victoire de l’équipe de football féminin de Dông Thap - sa province natale - aux Spartaquiades nationales en 2000, au nez et à la barbe des favorites comme Hanoi, Hô Chi Minh-Ville, Thai Nguyên... Une prestation qui lui a valu, à 15 ans seulement, une convocation au sein de la sélection de la mégapole du Sud.

En 13 ans de pratique, dont 12 à haut niveau, Kiêu Trinh a eu l’honneur d’être titularisée dans le Onze national lors de trois éditions des SEA Games (Jeux sportifs d’Asie du Sud-Est). Avec ses coéquipières, elle a décroché deux fois l’or (2005 et 2009), ainsi que l’argent en 2007. Et, consécration, elle a été élue «Ballon d’or Vietnam 2011» en avril dernier.

Des hauts et des bas

Son parcours professionnel n’est cependant pas aussi facile qu’il n’en a l’air. La défaite de l’équipe vietnamienne en finale des SEA Games 2007 contre la Thaïlande la hante toujours : «Tout le monde pensait que nous conserverions notre titre. Nous sommes vraiment tombées de haut, et cela a été très difficile à digérer».

La gardienne de but Kiêu Trinh et ses coéquipières viennent de devenir championnes d’Asie du Sud-Est de football féminin.

En dépit de ses titres, Kiêu Trinh est loin d’avoir une vie facile, de même que ses coéquipières en sélection. En effet, le football féminin a toujours autant de mal à susciter un réel engouement auprès du public. La portière perçoit un salaire de quatre millions de dôngs par mois, à peine suffisant pour couvrir ses dépenses quotidiennes à Hô Chi Minh-Ville, elle qui vit loin de sa famille restée à Dông Thap. Comme dans toutes les grandes villes, la vie est chère. Et une bonne partie de ses dépenses partent dans les crèmes solaires pour se protéger des UV... «Tout le monde sait que le football met à mal la beauté des femmes. Mais une carrière de sportive de haut niveau exige des sacrifices. Et quand on a une passion, il faut la suivre !».

Les fins de mois sont souvent pénibles, et il lui est difficile d’aider financièrement ses parents aussi souvent qu’elle le souhaiterait. «Heureusement, après chaque tournoi, j’ai reçu des primes que j’ai offert à mes parents afin qu’ils retapent leur maison», a raconté la footballeuse. Mieux encore, elle leur a acheté une maison avec tout le confort nécessaire en guise de reconnaissance. Car n’oublions pas que même s’ils étaient réticents au départ, ses parents sont aujourd’hui ses plus fervents supporters. Gageons que le football féminin vietnamien acquiert enfin la reconnaissance qu’il mérite !

Diêu An/CVN

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