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Dans l'hémicycle, les bancs LFI, avec Jean-Luc Melenchon, Clémentine Autain, François Ruffin, Eric Coquerel, Daniele Obono et Caroline Fiat, le 14 janvier. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Quelque 22.000 amendements - un record sous cette législature - ont été déposés sur ce projet contesté visant à créer un "système universel" de retraite par points.
De quoi gripper les travaux de la commission spéciale de 71 députés, qui risque de ne pas parvenir à achever l'examen des 65 articles du projet de loi ordinaire et les cinq du projet de loi organique, avant leur arrivée dans l'hémicycle le 17 février.
Les 17 Insoumis, qui assument "l'obstruction" selon leur chef de file Jean-Luc Mélenchon, en ont déposé à eux seuls environ 19.000.
"C'est du ZADisme législatif", tance le co-rapporteur Olivier Véran. Cela vire à "l'absurdité", selon le ministre des Relations avec le Parlement Marc Fesneau, qui pointe des amendements LFI supprimant chaque alinéa, y compris sur minimas de pension ou pénibilité.
Alors que les Français contestant la réforme battent le pavé depuis le 5 décembre, la majorité est bien consciente que les oppositions ne lui feront "aucun cadeau", comme le Premier ministre Édouard Philippe qui n'a "pas peur" du "champ de braises" promis.
Bien que nombre de leurs permanences aient été prises pour cible, les "marcheurs" se disent "fiers" de porter cette réforme, engagement de campagne d'Emmanuel Macron. Certains sont en lien avec des syndicats réformistes.
Pour le président de l'Assemblée, Richard Ferrand (LREM, ex-PS), c'est "la réforme la plus à gauche du quinquennat".
Pas de "coercition"
Une "marcheuse" le reconnaît : "on sera également évalués à notre capacité à garder nos nerfs" et "il va falloir gérer la fatigue". D'abord au sein de la commission spéciale présidée par Brigitte Bourguignon (LREM), où le secrétaire d'État Laurent Pietraszewski et la ministre Agnès Buzyn doivent se succéder à partir du début d'après-midi lundi 3 février.
Viendra ensuite l'examen en séance mi-février, où la crispation risque d'atteindre son paroxysme. Les oppositions devraient y démultiplier les amendements et recourir à toutes les astuces procédurales.
Président du groupe MoDem, Patrick Mignola suggère de brandir un "49-3 de dissuasion", arme de la Constitution permettant d'abréger les débats et d'adopter le texte sans vote.
Mais le ministre Marc Fesneau, également du MoDem, ne veut pas de "coercition". Et le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), déconseille au gouvernement le 49-3 : "ça finit toujours mal".
Outre le fond de la réforme, les oppositions critiquent la forme : un texte "à trous" avec notamment ses 29 ordonnances programmées et un "mépris" du Parlement. Elles s'appuient sur l'avis du Conseil d'État qui a pointé des projections financières "lacunaires".
Les trois groupes de gauche - PS, PCF et LFI - sont prêts à dégainer tous les outils, dont une motion de censure commune contre le gouvernement, mi-février ou, comme le souhaitent les socialistes, au bout des débats en principe fin février.
"Si les choses ne bougent pas au Parlement", le numéro un du PS, Olivier Faure, espère que lors des municipales de mars les Français exprimeront "leur ras-le-bol et que le gouvernement sera obligé de lâcher".
À l'autre bord de l'hémicycle, pas d'obstruction mais un millier d'amendements LR pour la commission. "Notre stratégie est d'incarner une troisième voie entre le gouvernement et celles et ceux dans le blocage", avance le patron du groupe Damien Abad.
Les députés RN emmenés par Marine Le Pen ont eux des dizaines d'amendements de suppression d'articles et pourraient se rallier à la motion de censure, ce qui fait débat à gauche.
L'adoption définitive de la réforme est programmée avant l'été.
Les partenaires sociaux vont poursuivre jusqu'en avril les travaux de la conférence chargée de ramener le système de retraite à l'équilibre financier d'ici 2027.
Entre-temps, la bataille de la rue va se poursuivre : jeudi 6 février sont annoncées de nouvelles manifestations interprofessionnelles pour réclamer le retrait du projet.
Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a fait valoir dimanche 2 février à LCI que "ce mouvement est bien enraciné, il est large donc il est encore temps (pour le gouvernement) de dire +on arrête tout, on reprend à zéro+".