Ces travaux de nomenclature scientifique des espèces marines, dont les premières conclusions ont été rendues publiques lundi dans un rapport intitulé "Qui vit dans la mer ?", occupe depuis 10 ans 360 scientifiques à travers les océans.
"Je me sens comme Diderot et les encyclopédistes", jubile, dans un entretien, Jesse Ausubel, co-fondateur du projet Census of Marine Life qui en octobre 2011 publiera ses travaux définitifs sur la biodiversité marine avec quelque 230.000 espèces répertoriées.
"C'est comme si nous publions les premiers volumes de l'Encyclopédie. C'est une pierre blanche dans l'organisation du savoir sur la vie marine", affirme ce scientifique.
Le projet d'un coût de 650 millions de dollars sur une décennie, est financé par plusieurs pays et des organisations philanthropiques.
"Nous avons fait des découvertes, appris de nouvelles choses. Que la Méditerranée par exemple est le centre du monde pour les immigrés", note cet expert en parlant des espèces du règne marin.
Avec l'accélération du trafic maritime au 19e siècle et l'ouverture du Canal de Suez, la Méditerranée est le carrefour de multiples espèces "étrangères" (600 en tout) arrivant surtout de la mer Rouge.
Les régions d'Australie et du Japon, où respectivement 80% et 70% des espèces n'ont pas encore été décrites, se révèlent de loin les plus riches en biodiversité avec quelque 33.000 espèces marines chacune, suivies par des régions de Chine, la Méditerranée et le Golfe du Mexique.
L'Indonésie et les Philippines sont encore en cours d'étude mais promettent de rivaliser avec l'Australie en terme de richesse marine, affirme encore cet expert.
Les savants du Census of Marine Life ont eu l'occasion de décrire par le menu la région du golfe du Mexique juste avant la marée noire en avril 2010. "On est très tristes à propos de cette marée noire mais on est content d'avoir pu faire une bonne description des espèces vivantes avant la catastrophe", a noté M. Ausubel.
Globalement, un cinquième de toutes les espèces marines connues sont des crustacés (pour 19%), arrivant devant les mollusques (17%), qui comptent les pieuvres, et loin devant la famille des poissons (12% y compris les requins).
Les algues constituent 10% des espèces, tandis que les anémones et les méduses représentent 5%. "Voilà qui sont les citoyens de la mer", affirme M. Ausubel.
Parmi les poissons, le poisson-vipère à la gueule hypertrophiée et aux dents acérées, est finalement "le monsieur tout le monde des eaux profondes", l'hôte le plus fréquent des zones abyssales (au-delà de 2000 m), puisqu'on le retrouve dans un quart de ces régions.
Tout au long de ces travaux, les savants, qui ont écumé les bibliothèques locales, les données scientifiques des pays, les bases de données mais qui ont aussi plongé dans les fonds marins et exploré les côtes, ne cessent de découvrir de nouvelles espèces. "À la fin du projet de recensement, la plupart des organismes des océans vont encore demeurer sans nom", affirme la biologiste Nancy Knowlton, spécialiste des barrières de corail.
"Dans les Caraïbes", renchérit dans un entretien Patricia Miloslavich, de l'Université Simon Bolivar du Venezuela, "on pensait connaître très bien les poissons. Ce n'est pas le cas. On a découvert plusieurs espèces au cours des 2 dernières années et on en découvre chaque année". "L'âge de l'exploration ne fait que commencer", a conclu cette scientifique.
Pour chaque espèce marine connue de la science, il y en a 4 à découvrir, affirment encore ces experts.
AFP/VNA/CVN