Importé des anciennes colonies de l'Empire britannique, le "curry", qui désigne plus largement tous les plats en sauce indiens, a progressivement fait concurrence au traditionnel "fish and chips" (poisson- frites).
Les Britanniques en consomment quotidiennement en plats à emporter à la sortie du pub, autre tradition nationale.
L'ancien ministre travailliste des Affaires étrangères, Robin Cook, a même qualifié, il y a quelques années, le poulet tikka masala, plat crémeux et modérément épicé, de "véritable plat national du Royaume-Uni". Mais les nouveaux quotas sur l'immigration hors-Europe, introduits le 19 juillet par le gouvernement libéral-conservateur, menacent le renouvellement des chefs étrangers, estime l'Association des traiteurs bangladais (BCA) du Royaume-Uni. Les 12.000 restaurants bangladais ont supplanté leurs concurrents indiens et représentent désormais 95% des établissements de curry, pour 100.000 salariés. "Cuisiner le curry est un art à part entière. Nous ne pouvons pas employer n'importe quel cuisinier britannique", s'est alarmé son président, Bajloor Rashid.
Selon ses dires, la pénurie en cuisiniers spécialisés est déjà manifeste, avec 34.000 emplois non pourvus.
Brick Lane, artère du quartier multi-ethnique du Nord-Est de Londres, accueille une centaine de restaurants spécialisés dans la cuisine au curry, dont le Café Naz. Dans les cuisines de ce grand restaurant, Adeel Ashraf, jeune chef de 29 ans, sort une brochette de poulet mariné, du four traditionnel en terre cuite poussé à 300 degrés.
Ce chef réside en Grande Bretagne depuis 5 ans mais ne parle pas anglais. Son collègue, Dewan Toughid, explique que cuisiner avec pareil four requiert un savoir-faire peu courant et une tolérance certaine à... la chaleur. "Ca ne le fait pas pour les Anglais, il fait beaucoup trop chaud", dit-il. Pour le propriétaire du Café Naz, Muquim Ahmed, les difficultés ont commencé avec le Premier ministre Gordon Brown qui avait mis en place un premier volet de restrictions à l'immigration. "C'est la raison de l'effondrement de mon entreprise, car je ne peux pas trouver le personnel qualifié", s'émeut ce restaurateur de 56 ans qui a quitté le Bangladesh en 1974 pour venir s'installer au Royaume-Uni.
Son fils, qui étudie l'informatique à l'université et n'a nulle envie de reprendre l'entreprise familiale, est loin d'être une exception. Les restaurateurs sont contraints de puiser dans le vivier de demandeurs d'emploi britanniques ou européens, seuls autorisés à travailler, mais totalement profanes en matière de cuisine au curry.
Les autorités britanniques ont annoncé l'ouverture de "filières professionnalisantes" dans les cuisines exotiques. Dès septembre, des étudiants pourront étudier les cuisines indienne, bangladaise, thaï et chinoise.
Ces classes doivent permettre de "former les chefs du futur", a assuré le ministre de l'Immigration britannique, Damian Green.
Une série de consultations, qui durera jusqu'à la mi-septembre, a été lancée afin de déterminer la limite permanente du nombre d'immigrés qui sera imposée dès le 1er avril 2011. Entre-temps, un quota temporaire est fixé pour la période allant du 19 juillet prochain au 1er avril 2011.
AFP/VNA/CVN