Présidentielle sous tension au Sri Lanka

Le Sri Lanka votait samedi 16 novembre pour élire son président, un scrutin sous tension susceptible de permettre le retour au pouvoir du clan redouté des Rajapaksa qui a gouverné l'île d'une main de fer pendant une décennie.

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Sajith Premadasa (centre) salue ses supporters lors de la dernière réunion de la campagne électorale, le 13 novembre à Colombo.

Presque cinq ans après la défaite électorale de Mahinda Rajapaksa, son petit frère Gotabaya, 70 ans, est en compétition avec le candidat du parti au pouvoir, Sajith Premadasa, pour diriger l'État sri-lankais durant le prochain quinquennat.

Les bureaux de vote ont ouvert à 07h00 locales dans le pays d'Asie du Sud et fermeront à 17h00 (01h30-11h30 GMT). Près de 16 millions d'électeurs sont appelés aux urnes. Les résultats devraient être connus dimanche 17 novembre, voire lundi 18 novembre si le score est serré.

Quelques heures avant le début du vote, des hommes armés ont ouvert le feu sur un convoi d'une centaine de bus transportant des électeurs musulmans, sans faire de victimes, a annoncé la police.

Dans la zone à majorité tamoule du Nord du pays, électorat défavorable aux Rajapaksa, la police a signalé à la commission électorale des barrages illégaux de l'armée qui pourraient empêcher des électeurs d'aller voter. Les forces de l'ordre ont également arrêté 10 hommes suspectés "d'essayer de créer des troubles".

Avant même l'ouverture du scrutin, de longues queues d'électeurs s'étiraient devant les bureaux de vote.

Lieutenant-colonel à la retraite, Gotabaya Rajapaksa est pour cette élection le représentant de la puissante famille des Rajapaksa. L'ancien militaire était l'une des clés de voûte du régime de son frère Mahinda (2005-2015), empêché par la Constitution actuelle de se présenter, et son élection marquerait le retour aux affaires de la fratrie.

En tant que plus haut responsable du ministère de la Défense à l'époque, Gotabaya commandait de fait les armées sri-lankaises au moment de l'écrasement de la rébellion séparatiste tamoule en 2009. 40.000 civils tamouls ont péri au cours de cette ultime offensive, selon les défenseurs des droits humains qui accusent les Rajapaksa de crimes de guerre.

Ce bain de sang avait sonné la fin de 37 ans de guerre civile, qui a fait 100.000 morts, et vaut aux Rajapaksa d'être adulés au sein de la majorité ethnique cinghalaise, mais détestés et craints par la minorité tamoule qui constitue 15% des 21,6 millions de Sri-Lankais.

"Gotabaya protègera notre pays, nous le connaissons bien", a déclaré Wasantha Samarajjeew, un ouvrier de 51 ans venu voter à Colombo.

"Escadrons de la mort"

Des électeurs font la queue pour aller voter devant un bureau de vote de Colombo, le 16 novembre.

La posture d'homme fort adoptée par Gotabaya, qui promet de combattre la corruption et l'extrémisme islamiste dans une nation traumatisée par les attentats jihadistes du 21 avril qui ont fait 269 morts, lui vaut le surnom de "Terminator" au sein de sa famille.

Par contraste, son principal rival Sajith Premadasa, 52 ans et fils d'un président assassiné par la guérilla en 1993, est un responsable politique discret qui espère mobiliser le vote des femmes en promettant d'améliorer l'hygiène menstruelle.

Gotabaya Rajapaksa est notamment accusé - ce qu'il nie - d'avoir dirigé sous la présidence de son frère des "escadrons de la mort" qui ont enlevé à bord de camionnettes blanches des dizaines de Tamouls, d'opposants politiques ou de journalistes. Certains de leurs corps ont été ensuite jetés sur la route, d'autres n'ont jamais été retrouvés.

Un retour au pouvoir des Rajapaksa préoccupe aussi l'Inde voisine et les Occidentaux en raison de la proximité du clan avec la Chine.

Pékin a prêté des milliards de dollars au Sri Lanka pendant les deux mandats de Mahinda Rajapaksa pour de grands projets d'infrastructures, une dette colossale qui place ce pays stratégique de l'océan Indien dans une situation de dépendance vis-à-vis de la Chine.

"Des entités chinoises ont été accusées de façon crédible d'entretenir la corruption, de financements illégaux pour favoriser des candidats politiques et d'insérer des clauses violant la souveraineté nationale dans leurs contrats d'infrastructures", résume Jeff Smith, un chercheur de l'Heritage Foundation.

Illustrant le piège de cette dette, le Sri Lanka a dû céder en 2017 pour 99 ans à la Chine le port d'Hambantota (Sud), après s'être retrouvé dans l'impossibilité de rembourser une créance.

Mais, estime Jeff Smith, Gotabaya Rajapaksa pourrait "avoir retenu certaines leçons de la présidence de son frère, être conscient des risques de rogner la démocratie et les droits humains et d'une dépendance excessive à l'égard de la Chine".


AFP/VNA/CVN

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